Fryderyk Franciszek Chopin naquit en 1810, à Zelazowa Wola, modeste village baigné par la rivière Utrata, situé à 54 km de Varsovie. Mikolaj (originairement Nicolas) Chopin a déclaré la naissance de son fils le 22 février 1810 et son baptême le 23 avril 1810. Baptême inscrit dans le registre des baptêmes de la paroisse de Brochow, église où eut lieu le mariage de ses parents en 1806 : « Nicolas Chopin, le père, âgé de quarante ans, résidant au village de Zelazowa Wola, nous a montré un enfant du sexe masculin, qui fut né en sa maison le vingt-deuxième jour du mois de février de l’année en cours […] et que c’est son souhait de donner à l’enfant les noms de Fryderik Franciszek ».

Les actes établis à l’église Brochow affirment la date de naissance de Frédéric Chopin le 22 février 1810 plutôt que celle du 1er mars admise par sa famille et lui-même. L’année de la naissance de Frédéric Chopin reste sujette à caution, certains biographes et cercles d’amis la situant… en 1809.

La mère de Chopin signale le 1er mars comme date de naissance de son fils. Dans une lettre envoyée à son fils fin février 1837, on lit : « Cher Frédéric, Le 1er et le 5 mars sont proches et je ne peux t’embrasser ». Les deux dates se réfèrent respectivement à la date de naissance de Frédéric Chopin et à sa fête. Chopin lui-même était convaincu d’être né le 1er mars 1810, jour mentionné dans une de ses lettres adressée en polonais le 16 janvier 1833 au président de l’Association littéraire polonaise à Paris : « Votre serviteur Frédéric Chopin né le 1er mars 1810 dans le village de Zelazowa Wola (voivodie de Mazovie) ».

La famille Chopin occupait quelques pièces de la demeure qui date de la fin du 18ème siècle, modeste dépendance du manoir du comte Starbeck. Nicolas, le père du compositeur, devint précepteur des enfants du comte Skarbek. Son épouse Justine Kzyszanowska, issue d’une faille de la noblesse polonaise – désargentée – aurait tenu le rôle de dame d’honneur chez la  comtesse Skarbek.

Des airs de la Mazovie ont bercé le musicien dès sa naissance, car dit-on, des musiciens vinrent jouer sous les fenêtres du manoir de Zelazowa Wola à l’occasion de noces villageoises. Frédéric Chopin s’imprégna de cette musique lorsque plus tard, adolescent, il passa des séjours estivaux dans sa région natale. « Chopin a su, le premier, prêter une attention fascinée aux chants et danses populaires de sa Pologne natale, sans jamais en citer intégralement la moindre phrase dans sa production. A un compatriote pour lequel il improvisait à Paris et qui croyait réentendre une berceuse de son enfance, Chopin réplique : “Cette chanson, tu ne pouvais la connaître… mais seulement l’esprit qui l’anime : l’esprit d’une mélodie polonaise ! » (Jean-Jacques Eigeldinger,  professeur à l’Université de Genève).

A l’automne 1810, la famille déménagea à Varsovie où le compositeur passa la première moitié de sa vie. Après leur déménagement, les parents Chopin conservèrent de cordiales relations avec les Skarbek, se rendant mutuellement visite. Zelazowa Wola demeura pour la famille Chopin un lieu de villégiature. Chopin passera ses dernières vacances polonaises en son lieu de naissance. Il est fait mention de concerts de piano improvisés sur un instrument sorti du manoir et placé à l’ombre d’un épicéa…

Origines lorraines
En 1766, à la mort de Stanislas Leszczynski qui avait obtenu, en “viager”, le titre de duc et la souveraineté sur la Lorraine et le Barrois, les deux duchés revinrent à son gendre, Louis XV. Cette Lorraine dont l’histoire est singulièrement mêlée à celle de la Pologne.

François Chopin, vigneron et maître-charron, alors syndic du village de Marainville, près de Mirecourt, en Lorraine, était en relations avec le Comte Lituanien Michael Pac, propriétaire du château et avec son régisseur Adam Weydlich. Il pourra ainisi donner à son fils Nicolas, né le 15 avril 1771, une éducation soignée.
Après des études chez les chanoinesses de Remiremont, Nicolas entrera au service de Jan Adam Weydlich. En 1787 le château est vendu, Adam Weydlich propose à Nicolas Chopin de l‘accompagner en Pologne. A 16 ans et demi, François Chopin quittera son village, ses parents et ses sœurs Anne et Marguerite, avec le couple d’intendants du château de Marainville.

En Pologne, Nicolas fut employé comme clerc dans une usine de tabac, où il travailla jusqu’à sa fermeture due au second partage de la Pologne en 1792. Volontaire à la milice de Varsovie, il prit part à l’Insurrection de Kościuszko, et a obtenu le grade de lieutenant. Après le troisième partage de la Pologne, il remplit la fonction de gouverneur des enfants de Mateusz et Ewa Łączyński, à Czerniejew. Parmi eux se trouvait la future Maria Walewska, connue plus tard pour sa relation intime avec Napoléon Ier, et le comte Fryderyk Skarbek de Żelazowa Wola, l’ami à venir du fils de Mikołaj.

Nicolas Chopin ne retournera jamais en France et il n’y a aucune trace de visite de son fils Frédéric à sa famille lorraine. Installé  en France, invité à donner des concerts par les princes de Beauvau-Craon, Frédéric Chopin aurait séjourné au château d’Haroué, proche du village natal de son père.

A Marainville, la maison natale de Nicolas Chopin abritait deux logements séparés en deux par un mur mitoyen. Une partie de cette ferme a été détruite. Une pierre gravée provenant de Zélazova-Wola y avait été apposée. Elle est désormais scellée dans le mur du cimetière.

Dans une de ses lettres à Frédéric, Marie Wodzinska qui fut sa fiancée écrit : « Nous ne cessons de regretter que vous ne vous appeliez pas Chopinski, ou enfin qu’il n’y ait pas d’autre marque que vous êtes Polonais, car de cette manière les Français ne pourraient pas nous disputer la gloire d’être vos compatriotes (…).  Mlle Wozinska vint ce matin avec une grande découverte chez moi. « Ma sœur Maria, je sais me dit-elle comme on dit Chopin en polonais : — Chopena ! »

La poésie d’une demeure où tout est musique
Zelazowa Wola : du domaine d’origine, seule cette dépendance a subsisté. En 1931, on la reconstruisit tout en sauvegardant la disposition originelle de ses pièces. Le toit a été rehaussé, un porche rajouté à la façon des gentilhommières polonaises.

La chambre natale de Frédéric Chopin : du temps de la famille Chopin, la pièce était divisée en deux chambres. On ne sait pas exactement dans laquelle naquit le musicien.

On ne sait rien non plus du décor original. Pour tenter de recréer l’ambiance du temps de Chopin, certaines pièces ont été aménagées avec du mobilier d’époque provenant pour la plupart de musées nationaux (Varsovie, Poznan, Cracovie…). On peut y voir quelques souvenirs du compositeur ou liés à sa famille disposés sous vitrines, des portraits – dont celui de Casimir Mordasiewicz, d’après un tableau perdu de Antoine Kolberg (1848), que Frédéric Chopin trouvait le plus ressemblant, lettres et copies de musique, un piano droit Pleyel…

Le château des Skarbek fut en grande partie consumé lors d’un incendie, puis démantelé aux environs de 1920.

 

Le magnifique parc-mémorial
En 1894, grâce à l’intervention personnelle auprès du tzar de Milij Bałakiriew (pianiste russe et un grand admirateur de Chopin) le premier monument en hommage à Chopin fut inauguré devant la maison natale du compositeur : un obélisque en métal avec un portrait de Chopin par Jan Woydyga. Depuis, le monument a été placé dans le fond du parc, cédant la place à un bassin.
Le terrain fut racheté en 1928, grâce aux fonds recueillis pendant une collecte menée dans toute la Pologne. A ce rêve il fallait un réalisateur : Franciszek Krzywda-Polkowski. Le parc suscita bien des polémiques : fallait-il créer un jardin familier ou projet correspondant à la musique de Chopin révolutionnaire et novatrice ? C’est cette seconde option qui l’emporta. Les travaux s’achevèrent en 1937. C’est l’un des plus beaux parcs de la Pologne.

En 2005, l’Institut National Chopin, propriétaire des lieux, agrandit et revalorise le parc, installe un pavillon pour des concerts et un nouveau centre d’information.

Depuis 2010, après 5 ans de travaux de rénovation en l’honneur du bicentenaire de la naissance du compositeur, le site accueille dignement les touristes du monde entier. Le toit du manoir a été changé, de même que les crépis et toutes les installations. Dans la pièce où est né Frédéric Chopin, un piano Steinway noir a été installé.

A l’extérieur, le parc de 6 hectares a été entièrement réaménagé. Des concerts qui y sont joués et peuvent être écoutés dans tout le parc, grâce à un système audio spécial.

Ce parc est magnifique, baigné de sérénité et de musique : roses baptisées Chopin, aux bourgeons jaunes s’ouvrant sur des fleurs blanches magnifiques avec un coeur vanille qui blanchit au fil des jours, végétation luxuriante (Photo : Cynthia Visconti), 500 espèces d’arbres et d’arbustes provenant du monde entier, bancs, location d’audioguides…
Deux pavillons ont été bâtis en pierre de taille et en verre. Les murs du côté du parc sont entièrement en verre : tout en étant à l’intérieur, le visiteur continue d’admirer le parc. Dans l’un des pavillons, se trouvent la caisse, une location d’audioguides, une boutique de souvenirs, un café et une salle avec projections non-stop d’un court métrage sur l’histoire de Żelazowa Wola. Le deuxième pavillon abrite une salle de concert de 80 places et un restaurant.

Au printemps et en été, des milliers de gens viennent écouter de la musique de Chopin interprétés par de remarquables pianistes. L’ambiance de ces concerts donnés en plein air est incomparable.

Séjours en terre natale
Plock, ancienne capitale de la Mazovie, a été la première ville de Mazowie que Frédéric Chopin a visité lors d’un voyage à Gdansk en juillet 1827. A 18 ans, le jeune Chopin passa l’été 1828 toujours en Mazovie, chez son camarade de classe Konstanty (connu sous le surnom de Kostus) Pruszak à Sanniki, à 80 km de Varsovie. Dans une lettre adressée à son ami Tytus Woyciechowski, leur ami commun, Chopin écrit : « (…) J’étais à Sanniki chez les Pruszak, j’y ai passé tout l’été (…) j’ ai retravaillé sur ce dernier rondo op.73 pour deux pianos, que j’ai essayé aujourd’hui.” Durant ce séjour, Frédéric et Konstanty se rendirent au Théâtre national de Varsovie (où Chopin se produira en 1830), afin d’y voir une représentation du Barbier de Séville de Rossini.

Le bâtiment actuel, reconstruit, présente un petit musée consacré au compositeur. Afin de rappeller le passage du compositeur, une statue de Frederic Chopin sculptée par Ludwicka Nitschowa, placée dans le parc, fut inaugurée en 1985. Un centre à sa mémoire y a été créé. Concerts tous les premiers dimanches du mois, de février à octobre.

Chopin rendit visite à deux reprises au prince Antoni Radziwill, mécène, compositeur et instrumentaliste talentueux, dans sa résidence principale le château d’Antonin, petite ville à 30 km au sud-ouest de Kalisz. En août 1829, il y passa une semaine avec ses parents, leurs filles et le comte Skarbek. Le jeune Chopin dédia par la suite au prince sa nouvelle oeuvre, le Trio en sol mineur op. 8 pour piano, violon et violoncelle, avec le souhait de la jouer ensemble.

Les filles du prince étaient également pleines de talent. Frédéric écrivait au sujet de la plus jeune, Wanda : “C’est jeune, dix sept ans, joli et, par Dieu, c’était bien agréable de lui poser les doigts sur le clavier. Mais, plaisanterie à part, elle a vraiment beaucoup de sens musical.  Ce n’est pas à elle qu’il faut dire : ici, crescendo ; là, piano ; autre part, plus vite ; là, plus lentement, et caetera. Je n’ai pu refuser de leur envoyer ma Polonaise en fa mineur qui intéressera la princesse Elise […] ». Eliza peignit deux portraits de Chopin pendant son séjour : « … Elle en a dessiné deux de moi dans son album et ils sont dit-on, fort ressemblants…”. Chopin appelait le château d’Antonin « un paradis » et déclara « divines » les jeunes princesses.

La Pologne restera la source d’inspiration de Frédéric Chopin, où il puisait images et sentiments. Sa terre natale, sa plus forte passion.

L’église de Brochów
A 10 km de Zelazowa Wola, l’église de Brochów est un exemple de l’architecture au caractère à la fois sacral et défensif, un style à la fois gothique et renaissance, à l’aspect militaire (trois tours cylindriques, une galerie en tunnel avec des meurtrières). La construction de cette église de briques commença en 1351. Au 17ème siècle, elle fut entourée de murs et d’un fossé. Brochów fut souvent envahie et endommagée (invasion suédoise de 1655, guerres napoléoniennes, en 1915 durant la première guerre mondiale). En septembre 1939, un poste d’observation polonais fut installé dans l’une des tours.

 

C’est dans cette église Saint Roch, que pendant la fête de Pâques, le 23 avril 1810, Fryderyk Chopin fut baptisé. La basilique à trois nefs, dont la voûte en berceaux est peinte de fresques, possède une acoustique parfaite, en témoignent les concerts, et oeuvres de Chopin jouées sur les orgues. Depuis 2006, des récitals Chopin sont donnés dans l’église chaque dimanche de juillet et d’août.

En 1993, une plaque commémorative a été apposée à l’intérieur de l’église, sur le côté gauche de la nef. Sur l’un des piliers de l’église, une autre plaque relate l’histoire de la paroisse et de ses liens avec la famille Chopin.

La route Chopin, beauté calme des paysages
Aux alentours de Zelazowa Wola, la nature s’avère secrète et paisible, comme a dû la connaître le jeune Frédéric pendant ses séjours d’été : champs forêts à perte de vue, rivières, saules tétards,  églises de bois, statues dans des niches ou petit autels fleuris à la gloire de la vierge en bord de route, nids de cigognes perchés sur des poteaux électriques…

La route Chopin traverse de nombreux villages polonais, dont Kampinos, à la lisière sud de la forêt de Kampinos protégée en tant que parc national (Parc national de Kampinos) et désignée réserve de biosphère par l’UNESCO. Le Kampinoski Park Narodowy est le deuxième le plus vaste des 23 parcs nationaux de Pologne, couvrant environ 35’500 hectares. Le symbole de ce parc est l’élan qui y a été réintroduit récemment après avoir été dans cette région exterminé par la chasse au xviiie siècle. Cette espèce a failli disparaître de Pologne ; il n’en restait que quelques exemplaires à la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans des zones humides très isolées.

Texte et photos : Françoyse Krier

Remerciements à : Ambassade de Pologne à Berne – www.berno.msz.gov.pl/fr / Ministère des Affaires étrangères de Pologne – msz.gov.pl / Polska Agencja Prasowa – pap.pl

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