L’œuvre de la famille Odorico, installée à Rennes en 1882, représente un patrimoine artistique foisonnant qu’on peut encore admirer aujourd’hui, lors de visites guidées. c’et l’histoire de deux générations d’artistes-artisans italiens qui ont décoré de nombreux bâtiments de la ville….
Après avoir travaillé sur le chantier de l’opéra Garnier, de nombreux mosaïstes italiens viennent s’implanter dans différentes régions. Originaire de la province du Frioul, la famille Odorico s’installe dans un premier temps Paris, puis à Tours avant de s’établir à Rennes en 1882.
Les ouvrages d’Odorico représentent un patrimoine unique, original. Si certaines oeuvres remarquables doivent faire l’objet d’une vigilance accrue, quelques ouvrages d’exception ont été classés ou inscrits sur la liste supplémentaire des Monuments historiques. D’autres, préservés, sont entretenus par des propriétaires soucieux de leur conservation et de leur transmission au futur.
Si les début sont un peu difficiles pour les frères Odorico, Vincent et Isidore, ils parviennent tout de même à développer la mosaïque à Rennes où ils créent leur entreprise en 1882. Et c’est surtout la deuxième génération Odorico, celle d’Isidore (deuxième du nom), qui va rayonner sur le Grand Ouest : Nantes, Angers et Dinard. Entre 1885 et 1914, les deux frères reçoivent une quarantaine de commandes, à graver dans le marbre, le smalte ou le granit. A Rennes, de nombreux monuments, commerces et églises témoignent du savoir-faire de la famille Odorico.
Au début du XXème siècle la mosaïque apparaît comme le matériau idéal pour les commandes publiques de bâtiments, pour les écoles, les crèches ou les piscines. La mosaïque trouve sa place partout, y compris dans les maisons des particuliers : salle de bains, entrées de maison, remplacement des les parquets par de la mosaïque…
Le développement du tourisme en Bretagne avec les villas construites dans les stations balnéaires, donne du travail aux mosaïstes italiens. Autre facteur jouant en faveur de ce nouvel élément décoratif : son côté facile d’entretien qui correspond aux progrès de l’hygiénisme à l’époque.
Le style Odorico reconnaissable au premier coup d’œil
Odorico incorporait dans de sobres motifs en ciment de petites pâtes de verre faisant ressortir les couleurs tout en jouant sur la lumière. Plusieurs sols de boutiques rennaises sont signés Odorico, comme des décors, paillassons et devantures de bâtiments.
Deux générations d’artistes-artisans italiens… Une touche artistique accentuée par la deuxième génération : Isidore Odorico suit une formation aux Beaux-Arts de Rennes et fonde la société Odorico Frères en 1918. Si la première génération est plus dans l’exécution et la reproduction d’éléments anciens, le fils Odorico, très doué pour le dessin, imagine des modèles très créatifs.
La période de l’entre-deux guerres a été particulièrement prolifique à Rennes. Les ateliers Odorico ont compté jusqu’à une centaine d’ouvriers. Rennes était alors le plus important centre de production de mosaïques en France.
La famille Odorico, dont l’activité a continué jusqu’en 1978, fait partie de l’originalité du patrimoine rennais à voir absolument pendant une visite de Rennes : les Halles centrales, la piscine Saint-Georges, l’Immeuble Valton rue d’Antrain, la Poste République, la rue de la Monnaie, ou l’église Sainte-Thèrèse en passant par des commerces ayant conservé les sols ou les décors en mosaïque… Quelque 122 villes de l’ouest recensent des mosaïques Odorico, mais c’est à Rennes que l’on peut trouver les plus importants vestiges de cette technique : des milliers de petits cubes de couleurs reflétant la lumière de Bretagne… Au total, 47 lieux témoignent encore aujourd’hui de l’influence de la dynastie de mosaïstes italiens sur l’architecture rennaise.
La Maison rennaise du mosaïste Odorico
L’histoire de cette maison cubique, avec sa façade jaune faite de carreaux cassés sans ornements et ses baies vitrées soulignées d’un rang de mosaïque noire, est riche. En 1939, Isidore Odorico fils commande à l’architecte Yves Lemoine les plans de sa maison qu’il souhaite construire à l’emplacement des premiers locaux de l’entreprise familiale de mosaïque, non loin de l’atelier. Les travaux seront achevés en 1940, l’ensemble de la décoration ayant été conçu et réalisé par le mosaïste. La maison de la famille Odorico a été entièrement ornée de mosaïques, à l’intérieur comme à l’extérieur. Au décès de la veuve d’Isidore fils, en 1985, elle est vendue par le notaire à Amandine Sevestre, acquéreuse qui ne voulait pas détruire les mosaïques.
La maison et ses mosaïques bien entretenues et restaurées, a été vendue, par ses enfants à un cafetier-restaurateur rennais, qui y a ouvert la Bretone, une crêperie-salon de thé – Bretone en italien veut dire Bretagne – tout en laissant des créneaux libres pour des visites de touristes et d’écoles, afin de découvrir ce patrimoine privé.
La façade, les escaliers, la salle de bains réalisée par Galiano Serafini, ou encore le sol du rez-de-chaussée : l’empreinte du mosaïste y est restée intacte.
Du nom de son architecte, Jean Poirier, la façade de cet immeuble du 7, avenue Janvier a été décorée par Odorico, puis rénovée en 2016 et 2017 par une autre famille de mosaïstes italiens originaires du même village que la famille Odorico, mais qui s’est installée à Marseille alors que les Odorico ont choisi Rennes. Au niveau architectural, un plan de base d’immeuble haussmannien, avec ses six étages, ses mansardes et sa petite coupole d’angle avec toutes les adaptations de l’Art Déco. Tout l’intérêt du bâtiment revient à sa mosaïque. Le mur paraît gris alors qu’il s’agit d’un assemblage de carreaux de plusieurs couleurs : marron, beige, violet, bleu.
En face de cette remarquable maison, le lycée Émile-Zola – anciennement lycée de garçons de Rennes : c’est dans une des salles de cet établissement que fut organisé, du 7 août au 9 septembre 1899, le procès en révision le capitaine Alfred Dreyfus. Cinq ans plus tôt, Alfred Dreyfus avait été condamné pour « intelligence avec l’ennemi. Un panneau avec photo d’époque signale ce pan d’Histoire de l’une des plus célèbres erreurs judiciaires de France.
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Dans ce lieu emblématique de Rennes, après huit mois de longues rénovations sous l’égide des architectes des bâtiments de France et des services techniques de la ville, les parquets et les mosaïques de la façade ont été préservés. « Nous avons soigné la rénovation de notre restaurant en gardant la mosaïque extérieure d’inspiration Odorico et le parquet d’origine pour garder le caractère de ce bâtiment classé et en faire un lieu accueillant », expliquent Erwann Hergué et son associé Martin Lemeunier, gérants de Island Poké, place Saint-Michel.
Petits carreaux de lumière, nuanciers de bleu, de vert, savoir-faire incomparable…
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Isidore Odorico participe à la décoration de deux cités universitaires de Rennes (1932 et 1935), historiquement celle des filles (Jules-Ferry) et des garçons (Sévigné) : leurs halls sont tapissés de sublimes mosaïques grises et rouge dans l’un et marron et jaune dans l’autre. Une des plus anciennes salle de classe de Rennes, au Lycée Emile Zola, est entièrement recouverte de mosaïques.
L’histoire d’un art dans toute sa splendeur grâce au savoir-faire Odorico : petites pâtes de verre, formes stylisées, smaltes argentés, luxuriance de motifs géométriques…
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