Un magnifique vignoble de 300 ha dont est tiré un vin mousseux renommé font la réputation de Cerdon, petit village pittoresque niché dans les montagnes du massif du Jura. Au 19ème siècle, ce village situé à mi-chemin entre Lyon et Genève, était une étape pour les voyageurs. Il tirait alors parti de ses cours d’eau offrant leur force hydrolique aux nouvelles usines. D’anciens moulins se transformaient en papeteries et en cuivreries, dirigées par de véritables dynasties locales.
Réhabilitation de la Cuivrerie de Cerdon
La région voisine de l’Ain possède un riche patrimoine industriel dont le fleuron est la Cuivrerie de Cerdon. Le label Entreprise du Patrimoine Vivant , obtenu en 2007, ne suffira pas à sauver ce site qui ferme définitivement ses portes en octobre 2010. Le Département de l’Ain l’acquiert en mars 2018 faisant de ce lieu un édifice protégé au titre des Monuments historiques. Toutes les installations hydrauliques, les machines-outils sont encore en place et fonctionnent. Il s’agit alors de rendre vivant ce site à intérêt patrimonial fort, de plus de 165 ans. D’en faire non pas un musée, mais une entreprise restituée afin que le public puisse prendre conscience de son histoire technique et sociale, d’un savoir-faire particulier.
qw
La famille Main : cinq générations d’entrepreneurs
Après avoir fondé avec leur père Charles Eugène la société Main & Fils en 1852, les trois frères Joseph, Eugène et Victor achètent en 1867, à Cerdon, un ancien moulin à blé qui sera le siège de la société pendant plus de 130 ans. Les membres de la famille y créent cinq cuivreries qui emploient de nombreux cerdonnais. Des représentants commerciaux transmettent les commandes venues du monde entier. Lorsque la Première Guerre mondiale, la maison Main & Fils survit grâce à la reprise par les femmes de la famille.
En 1900, la Cuivrerie comptabilise 61 ouvriers. Dans les années 1920, la Cuivrerie est au plus fort de son activité, en raison des exportations massives d’orfèvrerie vers les empires coloniaux. Période florissante interrompue par la Seconde Guerre mondiale.
Dès 1960, l’entreprise n’emploie plus que 9 salariés. Concurrencée par le plastique, privée de la clientèle française des colonies devenues indépendantes, faute de renouveler ses débouchés, la société est vendue en 1973 et sa liquidation prononcée en 1979. L’usine est rachetée la même année par Maurice Goy, les machines remises en état de marche, des jeunes engagés et formés. Le cinéaste Jean Becker viendra avec Michel Serrault tourner une séquence de son film « Les enfants du Marais ». Malgré une fréquentation de plus de 80’000 visiteurs par an, la Cuivrerie de Cerdon ferme ses portes en 2010.
La forge, grande consommatrice de charbon
Afin d’alimenter la machine à vapeur, le chauffage de l’usine et la forge, une commande de 10 à 20 tonnes mensuelles de charbon permet de constituer des stocks. Le bâtiment de la forge placé au-dessus de la rivière est créé en 1885 puis agrandi en 1926. La hauteur de sa charpente métallique permet d’évacuer les fumées et l’air chaud.
Cette forge à 6 foyers est constituée d’un coffrage en tôle, rempli de briques réfractaires qui accumulent la chaleur. Le feu est activé par un système de ventilation électrique (en remplacement du soufflet) et l’air guidé par la tuyère débouche au centre du caisson. L’ouvrier module la force et la direction du souffle qui s’échappe de ce tuyau pour obtenir un feu large ou étroit. Un travail sur la forge sert pour la fabrication ou la répartition des outils en fer et pour concevoir des petites pièces comme les anses.
L’entreprise recrute majoritairement dans la population locale. Les ouvriers débutent comme manœuvres et apprennent sur le tas. Embauchés vers l’âge de 14 ans, pour une durée minimale de 3 ans, ils peuvent effectuer jusqu’à 11 h de travail quotidien, 6 jours par semaine.
Le travail du cuivre, métal relativement tendre et malléable
Toutes les actions de martelage, pliage, torsion qui servent à former une pièce rendent le cuivre dur et cassant. Il faut le recuire pour pouvoir continuer à le travailler et lui rendre sa malléabilité. Les ouvriers viennent régulièrement sur la forge pour chauffer leurs pièces jusqu’à 600 degrés avant de les plonger dans un bain d’eau froide. Le cuivre peut alors à nouveau être travaillé sans risque. Une fois fondu, un métal comme l’argent ou l’étain permet d’assembler les pièces de cuivre entre elles. Les presses sont des machines capables de générer une pression continue et progressive afin de couper ou déformer le matériau placé dans le moule, généralement une feuille de métal.
Tomioka, une aventure exceptionnelle
En 1870, le nouveau gouvernement japonais de Meiji lance un plan national de développement de la sériculture – industrie de la soie. Ce projet vise à construire une filature pour une production massive de soie brute, dite de soie grège. 300 bassines à dévider et filer les cocons sont commandées à Main & Fils. Le contrat négocié et signé le 6 décembre 1870 comporte la fourniture des tables à filer, le détachement d’un technicien pour faire fonctionner ces machines. Jules Chatron, premier ouvrier des Main, part au Japon en 1872 pour deux ans. Il partage l’aventure avec huit autres personnes : ingénieurs, ouvrières en soie et fileurs. La filature de Tomioka débute rapidement sa production. L’année suivante, elle remporte le deuxième prix à l’Exposition universelle de Vienne, pour sa soie grège.
La scénographie mise en place à La Cuivrerie est particulièrement réussie. Le visiteur suit l’histoire de Jules Chatron appelé à partir au Japon pour y apporter expérience et savoir-faire. Entre nostalgie de son Bugey natal, angoisse et excitation face à cette aventure en terre inconnue… Histoire joliment contée, accompagnée de très belles images.
inventée et produite par Main & Fils
L’invention de la table de filature
Un des prestiges de Cerdon, c’est encore d’avoir conçu dès le milieu du XIXème siècle des tables de filature avec bassines et tuyauterie en cuivre pour dévider les cocons de soie. Ces modèles ont été remarqués en 1849 et médaillés par la société d’Emulation de Nantua lors de l’Exposition des produits des arts et de l’industrie. Constituée de bassines en cuivre sur platelage en laiton, elle permet de « tirer » ce fil sans effort et d’en optimiser la qualité. La hauteur de celle conçue pour le Japon a été adaptée pour convenir à la position assise des ouvrières. Les cocons sont déposés dans les bassines en cuivre remplies d’eau bouillante pour ramollir le grès qui agglomère le fil si fin qu’il faut dévider plusieurs cocons ensemble pour former un fil adapté au tissage. La dextérité de l’ouvrière et les pièces de cette machine guident deux nappes de fils vers les dévidoirs sur lesquelles ils s’enroulent en écheveaux. De nombreuses filatures ont été équipées par la cuivrerie de Cerdon comme les soieries Bonnet de Jujurieux, celles de Saint-Jean-du-Gard dans les Cévennes. Le modèle d’origine est conservé au Musée de la Soie d’Okaya.
Différents types de production
La Cuivrerie de Cerdon pouvait produire en série des assiettes, une centaine de modèles de plats, des saladiers, des bols, des sucriers, des soupières, des théières, des cafetières, des gobelets, des cuvettes, des soucoupes, des cloches, des légumières, etc. Pour certains marchés ciblés, comme les pays du Maghreb : amphores, aiguières, chaudrons, braséros, brûle-parfum, etc. La Cuivrerie était capable de fabriquer en quelques jours aussi bien des flotteurs de carburateurs pour des constructeurs automobiles ou des lunettes pour la Marine Nationale, que de réparer des lampes à souder ou des alambics. Puis ce furent des objets -souvenirs, cadeaux…
La nouvelle roue à augets
Mesurant 3,80 m de diamètre et 1,50 m de large, elle est l’une des 3 roues de la Cuivrerie. Elle active les tours à repousser via une couronne dentée installée de l’autre côté du mur. Trop endommagée, la roue d’origine a été remplacée. Seuls les cerclages et les pattes métalliques ont été conservés. Les parties en bois, les bras, et l’intérieur de la roue sont en chêne massif. 4 mois de travail ont été nécessaires à sa réalisation par un artisan d’art.
La cuivrerie renforcera ses liens tissés, dès 1860, avec les Soieries Bonnet de Jujurieux (fabrication de bassines en cuivre à dévidage des cocons de vers à soie et de banques métalliques servant à la filature de la soie). Cette mise en réseau associe également les autres sites touristiques présents sur le territoire : Grottes du Cerdon, Abbaye d’Ambronay, Monument départemental aux Maquis de l’Ain et du Haut-Jura situé au « Val d’Enfer » à Cerdon… Enfin, cette rénovation permet de tisser un réseau touristique international avec le Japon, notamment, compte tenu des liens historiques entretenus avec les filatures de Tomioka.
Réhabilitation de la Cuivrerie de Cerdon très réussie…
Cuivrerie de Cerdon
Rue de la Cuivrerie 01450 Cerdon France
Le site de la Cuivrerie est accessible à pied, à vélo ou en voiture (PMR et personnes âgées)
Du 4 février au 12 novembre 2023 – Du mardi au dimanche
Haute-saison (juin-juillet-août-septembre) : 10 h H00 -18 h 00 // Basse-saison : 10 h-17 h 00 (sauf vacances scolaires et mois de mai)
Ouvert le jeudi de l’ascension et les jours fériés.
Billet couplé Soieries Bonnet + Cuivrerie Adulte : 12€/pers (1 entrée + la seconde à -50%)
Billet couplé Soieries + Cuivrerie Enfant 6€/pers (1 entrée + la seconde à -50%)
Voir aussi :