La 31ème édition des Journées européennes du patrimoine qui ont eu lieu les 7 et 8 septembre derniers en Suisse, ont été l’occasion de découvrir le projet de restauration de l’ancien théâtre de l’Alcazar à Territet (canton de Vaud). Sous la houlette de l’architecte EPFL SIA Claire Mollet, du bureau d’architectes Mollet-Barmada, d’Isabelle Moret, conseillère d’Etat vaudoise et d’Alberto Corbella, conservateur en chef des Monuments historiques lequel a mentionné les 8457 monuments historiques à protéger dans le canton de Vaud.
« Cinq jours avant son assassinat à Genève par un anarchiste, l’impératrice Elisabeth d’Autriche passait devant ces lieux pour aller prendre le funiculaire l’amenant à Caux où elle aimait marcher », commente Claire Mollet.
Tout commence en 1840 par l’Auberge du Chasseur fondée par Jean-François Chessex. En 1882-83, son fils Ami Chessex mandate l’architecte Louis Maillard pour construire un buffet de gare et douze commerces, dont un bazar, un office de poste et une banque. En 1895, toujours à sa demande, l’architecte Eugene Jost édifie une imposante salle de Fêtes, inaugurée le 2 mars 1895. La création de galeries marchandes donnaient au sud sur des boutiques, et au nord sur une salle de gymnastique. C’est un endroit stratégique entre le lac, le chemin de fer, le funiculaire et la route cantonale. Les gens y venaient en train, en bateau, en funiculaire.
Lieu emblématique de l’histoire hôtelière de la Riviera vaudoise, l’Hôtel des Alpes-Grand Hôtel cesse son activité en 1975. Les nouveaux propriétaires transforment les bâtiments sud en appartements et la partie nord devient le Théâtre de l’Alcazar, endommagé par une succession d’incendies depuis 1984, notamment en 2012. Les décors Belle Époque de la salle des Fêtes où, dit-on, se donnaient des fêtes grandioses et où Sissi organisait des bals, sont admirablement conservés : la remarquable véranda datant de 1911 offre un panorama spectaculaire sur le Léman et les Alpes.
Au programme : appartements, lofts, restaurant, salle de fêtes avec scène,
espace d’exposition …
La photo exceptionnelle d’un banquet masculin dans la galerie marchande est à l’origine du projet et a donné l’envie de restituer cet espace dans sa forme et sa générosité.
Témoin de la vie nocturne montreusienne, ce site mémorable racheté en 2022 par un homme d’affaires, s’apprête à connaître une importante campagne de restauration : il est prévu de restaurer la salle de Fêtes et le jardin d’hiver du haut, tout en redonnant vie à la galerie marchande au rez-de-chaussée. Une fois réouverte, celle-ci permettra d’accéder à tous les locaux et aux commerces, aux appartement et à l’espace salle de Fêtes, par un escalier et une passerelle aérienne. Le jardin d’hiver deviendra restaurant et la salle des Fêtes reprendra sa fonction publique. Au niveau intermédiaire, l’espace aujourd’hui délabré sera transformé en dix appartements. Un ascenseur est prévu.
Charme historique, passé recomposé
« A un moment donné, le propriétaire de l’époque ne s’était pas suffisamment occupé de ce bâtiment si bien que l’Etat a dû intervenir pour éviter sa destruction totale », poursuit Claire Mollet. « Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir un propriétaire conscient de la valeur de ce bâtiment, sensible aux éléments patrimoniaux, qui accepte de travailler avec le Service de l’Etat chargé de la protection du patrimoine, et de mettre les moyens financiers pour transformer cet objet et le mettre au service de la population de manière à reprendre le lien émotionnel que ce bâtiment avait avec la population locale de l’époque ».
Claire Mollet, en conclusion : « Nous, les architectes du patrimoine sommes les artisans destinés à faire vivre ces bâtisses au travers des époques. Un de nos gros défis : les adapter aux nouvelles exigences en matière de durabilité, c’est à dire les réinventer tout en en respectant les normes énergétiques. Le meilleur moyen préserver notre patrimoine le rendre vivant et utilisé par le plus de monde possible ».
Les travaux de déblaiement ont commencé, la date de 2026 est avancée pour voir ce bâtiment historique, malmené, abandonné depuis quarante ans, renaître enfin, tel le phénix de ses cendres, et prêt à commencer une nouvelle et prestigieuse vie. A devenir un lieu fascinant où passé et présent se confondent…