Décembre 2023. La façade du Palais Lumière à Evian se pigmente de bleu et tout en haut, dans la coupole, de petites lumières clignotent semblables à des lucioles voletant, prises au piège dans une cage de verre…
L’exposition du Palais Lumière présente une sélection de 100 peintures, aquarelles et dessins issus de la donation faite par le peintre Félix Ziem au Petit Palais de Paris, en 1905. Cet artiste réputé, pour qui la peinture était la vie et une passion ne l’a jamais quitté, vendait bon nombre d’œuvres et bénéficiait d’une belle réussite financière. Artiste inclassable, car indifférent à la vague réaliste qui bouleversa l’art du paysage dans la deuxième moitié du XIXème siècle ainsi que le choix des collectionneurs axé dès lors sur les nouveaux courants picturaux, Félix Ziem tombera dans l’oubli après une consédérable notoriété.
A 84 ans, au soir de sa vie, souhaitant laisser une trace de son œuvre dans une institution publique, il fit don de 170 œuvres choisies au directeur du Petit Palais tout juste inauguré. La quasi-totalité de ce qui est présenté cet hiver au Palais Lumière provient de ce legs, ensemble de tableaux, dessins entassé à l’époque dans une seule pièce. A Evian, belle mise en décor, éclairage, musique, présentation de films, mettent en valeur les œuvres extraites de cette donation.
Une exposition qui dévoile tous les pans de la vie de l’artiste
Peintre du 19ème siècle, paysagiste et grand voyageur, Félix Ziem, né à Beaune en 1821, abandonne à 20 ans ses études d’architecture aux Beaux-Arts de Dijon, et part dans le sud de la France où il tombe amoureux de Marseille (porte de l’Orient) et de la Méditerranée. Comme les artistes de sa génération, il effectue le Grand Tour menant en Italie, en Orient, et voyagera presque tous les ans à l’étranger : Russie, Hollande, Belgique, Allemagne, Angleterre, Ecosse, Tunisie, Algérie, Liban, Egypte, Grèce…
Ayant pour modèles, entre autres, Le Lorrain et Turner, cet artiste choisit de préférence les sites au bord de la mer avec des eaux calmes dans lesquelles le soleil se reflète. Par la multiplicité des techniques employées dans ses carnets, études – fusain, mine de graphite, plume, sépia, lavis, encre de chine, aquarelle – Ziem fait chanter les couleurs.
” Si on reconnait parfaitement les lieux qui sont représentés, Félix Ziem les réinvente. On imagine les lieux plus qu’on les retrouve. Il n’est pas un peintre de la réalité mais un peintre du rêve… “
Pour Ziem, le Midi a été un véritable bain de lumière.
Il séjourne à Martigues dès 1841 où un musée lui est d’ailleurs consacré qui abrite quelque 8000 peintures, dessins, sculptures et carnets de croquis avec lesquels le peintre se déplaçait en permanence et dont les annotations et dessins sont une source inestimable de connaissance sur son travail.
Dans les années 1840, Ziem découvre Venise. C’est un éblouissement… Fasciné par la Sérénissime, il y effectuera près de 20 séjours, louant des embarcations qu’il transforme en ateliers flottants afin de choisir les points de vue les plus pittoresques pour pouvoir peindre la ville sur l’eau, et représenter sur la toile ou sur papier les plus beaux effets de lumière.
Les séjours en différents pays d’Orient nourrissent l’imaginaire de Ziem.
Les années 1855-59 sont riches en impressions recueillies en Turquie, en Egypte, en Algérie (chameaux et caravanes, vieilles rues d’Alger, moucharabiehs…), en Tunisie, sur les rivages de la Méditerranée, littoral écrasé de soleil qui ourle une mer aux transparences turquoises, mais celles de Constantinople s’imposeront particulièrement. De quoi s’émerveiller devant le spectacle grandiose d’un univers comme sorti d’un rêve…
Ses premières toiles inspirées du voyage en Orient sont présentées à Paris, aux Salons de 1857 et 1859, dévoilant la silhouette de Saint-Sophie, des vues des minarets et coupoles d’Istanbul. Selon les notes du critique Emile Cantrel « Ce n’est pas L’Orient vrai qu’a dépeint Félix Ziem, mais l’Orient des poètes (…). L’Orient rêvé, M. Ziem l’a peint ».
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Aquarelliste et peintre prolixe
Avant d’être peintre, Félix Ziem est un remarquable aquarelliste. En témoignent les nombreuses œuvres à admirer à l’exposition du Palais Lumière, qui constituent un répertoire d’images dans lequel Ziem puise les thèmes des peintures qu’il fera par la suite. On y décèle une grande maîtrise de cet art, des effets pour faire ressortir rochers, voiliers, cieux, scintillement et reflets de l’eau. Occasion unique : quelques petites pochades (croquis à l’huile non destinés au public) sont également présentées au Palais Lumière.
En 1866, Ziem se rend acquéreur d’une roulotte-atelier, puis d’une maison à Barbizon où il se lie d’amitié avec des paysagistes tels Diaz, Rousseau, Millet… Ce peintre excentrique et solitaire, vit à l’écart de la société parisienne où il séjourne entre deux voyages, notamment pour y rencontrer ses marchands. Il est l’un des premiers artistes à s’installer sur la Butte Montmartre, site escarpé hérissé de vigne, de moulins, de guinguettes, où il achète un terrain et fait construire une maison-atelier. Ce peintre solitaire partage son temps entre Martigues, Nice et Paris sans se mêler à la vie très mondaine de la 3ème République.
On estime la production de cet artiste prolixe à 10 000 dessins et 6000 peintures.
Félix Ziem – 1821-1911 – Saisir la lumière
Exposition conçue par le Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris, Paris Musées
Palais Lumière Evian
jusqu’au 21 avril 2024
Ouverture : tous les jours 10 h – 18 h (lundi, mardi 14 h – 18 h) et les jours fériés en France et en Suisse (Fermé le 1er janvier)
www.palaislumiere.fr
Tél. 33 (0) 4 50 83 15 90