L’exposition inaugurale du Bicentenaire Courbet – à voir jusqu’au 29 avril 2019 – donne un coup de projecteur sur un pan moins connu du célèbre peintre : Courbet dessinateur. Elle est orchestrée autour d’un corpus d’environ vingt dessins inédits provenant d’une collection privée. Ces feuilles, issues de la succession de Courbet, constituent un sujet d’étude particulièrement intéressant. Principalement consacré au paysage, l’ensemble a appartenu jadis au peintre genevois Émile Chambon, grand admirateur de Courbet, à qui l’on doit aussi des peintures-hommages à Courbet, dont plusieurs sont présentées à cette occasion.
L’exposition que le musée Courbet a souhaité pour lancer les festivités du Bicentenaire Courbet vise à faire découvrir l’étendue de l’oeuvre graphique de Gustave Courbet ; clarifier les questions d’authenticité et de provenance des dessins ; reconsidérer l’importance de la pratique du dessin dans sa carrière ; faire la lumière auprès du public sur une collection de dessins inédits.
L’exposition Courbet dessinateur sera reprise à l’automne 2019 au Musée Jenish de Vevey (Suisse).
Premiers dessins
Les dessins de jeunesse de Courbet sont rares. Le musée d’Ornans doit à la famille Bourgon, métayers des Courbet à Flagey, ainsi qu’aux héritiers de sa soeur Juliette la chance d’en posséder.
Dès son entrée au collège royal de Besançon en 1837, Courbet montre un intérêt particulier pour les cours de dessin. Mais le plaisir qu’il prend au travers de l’enseignement du peintre bisontin Charles Antoine Flajoulot (1774-1840), élève de David, est contrarié par des mauvaises conditions de travail et de camaraderie. Ce n’est que lorsqu’il sera installé à Paris qu’il trouvera un environnement propice au travail. C’est alors qu’il s’attache à faire le portrait de ses proches, de sa jeune soeur Juliette en particulier mais aussi de ses amours de jeunesse, série qu’il décline aussi en peinture.
Les débuts de Courbet : le jeune artiste se rend sur le motif dans sa région natale pour dessiner d’après nature ou apprend à maîtriser les proportions, l’anatomie du corps et la perspective. Dessins saisis au gré de voyages et pérégrinations diverses, principalement contenus dans ses carnets, et qui représentent tantôt des lieux, des objets ou des personnages dans des situations quotidiennes.
Parmi les dessins les plus rares, figurent quelques esquisses préparatoires à ses tableaux. L’étude pour Un enterrement à Ornans est bien connue, mais il existe d’autres exemples, dont une esquisse mise au carreau de la Biche forcée, effet de neige et deux calques de transfert utilisés pour reprendre un motif déjà peint dans une composition plus vaste.
Courbet est souvent considéré comme un peintre essentiellement paysagiste, ce qu’il fut effectivement puisque les deux tiers de sa production sont des paysages. Dès son arrivée à Paris en 1840, au contact des peintres de Barbizon installés dans la forêt de Fontainebleau, il rompt avec les conventions classiques de composition pour ne plus privilégier qu’une perception sensitive de la nature qui l’entoure.
Courbet a fréquenté de nombreux écrivains et s’était lié d’amitié avec plusieurs d’entre eux, dont Baudelaire et Champfleury. Afin de leur témoigner son affection, le peintre a accepté de réaliser plusieurs illustrations et frontispices. Ces dessins, parfois très réussis occupent une place à part dans la production graphique de Courbet qui les fait pour rendre service et ne revendique nullement le titre d’illustrateur.
La collection Chambon
Cette section de l’exposition est consacrée à la personnalité d’Émile Chambon, l’un des premiers à s’être intéressé à l’oeuvre dessiné de Courbet et à en avoir défendu les qualités. Originaire de la ville de Genève, en Suisse, Émile Chambon (1905-1993) est à la fois peintre et collectionneur. Sa collection réunit arts premiers, photographies, dessins anciens, peintures et jouets, témoignant de sa grande curiosité. Chambon estime, dans une lettre, une collection de près de cent trente peintures et environs quatre cent cinquante dessins. Néanmoins, sa brouille avec Zoé Courbet, soeur de l’artiste jeta la suspicion sur les oeuvres issues de sa succession. Ces dessins, étant donné leur provenance, ont d’emblée été écartés du corpus d’étude. La publication récente de la Société Courbet ouvre le débat sur ces oeuvres en soulignant la présence récurrente du monogramme G.C. ainsi qu’en effectuant des rapprochements techniques et stylistiques convaincants.
Supports et techniques employés par Gustave Courbet
Avec l’arrivée des papiers industriels sur le marché, les artistes bénéficient d’une importante variété de supports. Courbet travaille sur des papiers vergés ou vélins, plutôt épais, dont il exploite le grain. Parmi les nombreuses techniques, l’artiste privilégie le fusain et ses dérivés car cette technique lui permet de moduler admirablement les tonalités, du gris tout en transparence au noir le plus profond. Courbet « noircissait complètement une feuille de papier et, cette opération faite, il dessinait avec de la mie de pain, enlevant les blancs puis modelant les méplats, éclaircissant les ombres et ne laissant son premier fond que dans les parties très vigoureuses ».
Dans ses carnets de voyage, Courbet dessine principalement au crayon au graphite, qu’il estompe parfois, dans le but de fixer un lieu, une attitude ou une impression. Il choisit le dessin à l’encre lorsqu’il doit fournir un modèle afin de reproduire par un procédé mécanique l’un de ses tableaux.
Gustave Courbet en exil
Après avoir purgé une peine de prison à Sainte-Pélagie (1871-1872) à cause de sa participation à la Commune de Paris, Courbet est jugé responsable de la destruction de la colonne Vendôme et condamné à rembourser la totalité des frais de sa reconstruction. L’artiste doit alors s’exiler en Suisse en juillet 1873 où il continue à travailler afin de pouvoir régler sa dette. Parmi les oeuvres graphiques de cette période, la plus virtuose est le Portrait de Marc-Louis Bovy, que Courbet réalise en 1874. Pour attester de sa reconnaissance à la Suisse, Courbet modèle, en 1875, une Helvétia destinée à une fontaine de la commune de La Tour-de-Peilz où il a trouvé refuge. Toujours soucieux de la diffusion de son oeuvre, il réalise parallèlement une lithographie représentant ce buste de femme hautement symbolique, coiffé d’un bonnet phrygien.
Vaste opération de souscription
L’association “Les Nouveaux Mécènes de Courbet”, créée il y environ deux ans, a lancé ce 14 février une souscription pour l’achat d’un tableau petit format représentant Juliette, la sœur préférée de Gustave Courbet. L’objectif est de réunir les fonds nécessaires à cette acquisition, soit 250’000 euros. Pascal Pasquier, des « Nouveaux Mécènes de Courbet », ôte délicatement le petit voile blanc posé sur un petit cadre. Révélé à la presse, un tendre visage de jeune fille, au regard doux, le cou fragile émergeant d’une collerette en dentelle. Il s’agit de Juliette Courbet, la plus jeune des quatre sœurs de Gustave Courbet. Celle qui, plus tard, défendra avec ferveur et passion l’œuvre de son frère dont elle deviendra l’unique héritière.
« Une jeune fille de 12 ou 13 ans, peinte par un jeune peintre de 23 ou 24 ans », mentionne Pascal Pasquier. Ce beau portrait a toutes les chances devenir propriété du Département du Doubs, donc du musée Courbet d’Ornans. L’histoire de l’achat par le collectionneur jurassien est surprenante. Lors d’une vente aux enchères le 15 août 1987, à Arbois, l’amateur d’art acquiert, à prix modéré, ce qui lui semble être un beau tableau du XIXème siècle. C’est en démontant ultérieurement le cadre qu’il découvre les initiales C. G. et une dédicace au dos de la toile : A ma sœur Juliette. Ce tableau est aujourd’hui expertisé comme l’un des quatre portraits connus de Juliette Courbet. Attaché au fait que ce portrait revienne à Ornans, le vendeur qui aurait sûrement pu le vendre deux fois plus cher en salle des ventes, a consenti un prix très sage. www.nouveaux-mecenes-courbet.com