Yang Yongliang (né 1980), Phantom Landscape

Pour la première fois en Europe, le Musée Rietberg jette un pont entre la tradition et l’époque moderne en confrontant 80 œuvres des plus grands maîtres de l’art du paysage classique et moderne ainsi que d’artistes chinois internationalement connus. L’exposition «Nostalgie de la nature – l’art chinois à l’écoute du paysage» à voir jusqu’au 17 janvier 2021, permet un dialogue passionnant entre les œuvres, révélant des relations inattendues, mais aussi des ruptures conflictuelles.

Qui n’a jamais ressenti la nostalgie de la nature? Depuis plus de mille ans, ce sentiment de la nature est au cœur de nombreuses œuvres d’artistes et de penseurs chinois. Qu’est-ce que ces peintures de paysage ont à nous dire ? Quels changements sociaux, artistiques ou personnels enregistrent-elles, quelles aspirations et quels messages révèlent-elles ? C’est ce que nous raconte cette vaste exposition qui réunit des œuvres importantes d’artistes chinois de six siècles différents.

Liu Guosong (né 1932), Snow, daté 1967

Les œuvres sélectionnées offrent un échantillon représentatif de l’histoire de l’art chinois : entre autres chefs-d’œuvre, on y trouve notamment des peintures de Dong Qichang (1555–1636), qui fut un théoricien de l’art influent, et de Shitao (1642–1707), moine-peintre haut en couleurs, ainsi que des photographies, des installations, des vidéos et des peintures d’artistes contemporains, tels Xu Bing (né en 1955), Lin Tianmiao (née en 1961), la grande dame de l’avant-garde en Chine, ainsi que Gao Xingijan, peintre et écrivain, qui a reçu le prix Nobel de littérature en 2000.

Dans la Chine ancienne, c’étaient surtout les luttes de pouvoir à la cour impériale ou la menace de répression ou d’un déclassement lors d’un changement à la tête du pays qui poussaient les artistes et les lettrés à se réfugier à la campagne. de ce fait. De nombreux artistes de Chine quittèrent la ville pour parcourir la campagne. La cabane de montagne devint à la fois un espace spirituel et un refuge dans lequel ils se retiraient loin des problèmes politiques, sociaux ou personnels, et trouvaient la paix en harmonie avec la nature.

Hai Bo (né 1962), Blue Bridge, daté 2004

Aujourd’hui, il s’agit plutôt d’un burn-out professionnel, de la pollution environnementale ou du matérialisme qui règnent dans les grandes métropoles. Les rêves et les aspirations des artistes se manifestent dans l’art du paysage, et séduisent un certain public qui partage les mêmes émotions et interrogations.

La nature, lieu de retraite et refuge

Montagnes et cours d’eau, forêts et nuages sont au centre de la civilisation chinoise depuis des siècles. Les peintres les ont immortalisés avec leur pinceau. La peinture de paysage allait devenir bientôt un genre pictural majeur dans l’art chinois.
L’exposition «Nostalgie de la nature – l’art chinois à l’écoute du paysage» offre aux visiteurs un dialogue entre les œuvres de peintres de paysage classiques et d’artistes chinois modernes et contemporains.

Yang Yongliang (né 1980), Phantom Landscape

La peinture de paysage classique de la dynastie Ming (1368–1644) se fonde sur l’ancienne idée que l’humain et la nature constituent un tout. L’humain est considéré de manière analogue aux processus qui régissent l’univers, en tant que cosmos en miniature. Les peintres utilisaient un langage visuel et symbolique hautement codifié. Le paysage devient un lieu de nostalgie, un refuge, un lieu de négociation et de résistance ou un idéal d’ordre social. Dans le paysage, l’humain et la nature s’interpénètrent.

Dans les œuvres d’artistes modernes et contemporains, éléments et idées des œuvres classiques se font encore sentir aujourd’hui, mais peuvent prendre une tout autre signification. Lorsque Yang Yongliang transforme la silhouette des tours d’une grande métropole en chaînes de montagnes, que Lin Tianmiao et Wang Gongxin mettent en scène des figures féminines fantomatiques dans des jardins à l’abandon, ou que Shi Jinsong reconstruit un pin à l’aide de bois mort et de grosses vis en fer, ils recourent aux anciens codes pour se confronter à une nouvelle réalité. D’autres sensations sont associées à cette nostalgie d’un ordre révolu : la douleur de la perte des anciennes valeurs, mais en même temps une acceptation de la nouvelle situation.

Dans le langage de la peinture de paysage, aussi surprenant que cela puisse paraître, le passé intervient ainsi dans le débat actuel, exactement comme les œuvres contemporaines aident à comprendre sous un nouvel angle les images des maîtres d’autrefois.

Mei Qing (1624–1697), Vues célèbres de Xuancheng

Outre de nombreux prêts de grands musées internationaux, dont le Rijksmuseum d’Amsterdam, le Museum of Far Eastern Antiquities de Stockholm et le Museum für Ostasiatische Kunst de Cologne, pour cette exposition, le Musée Rietberg a puisé avant tout dans les trésors de sa propre collection. Entre autres chefs-d’œuvre présentés dans cette exposition, citons la célèbre peinture des Mille pics et dix-mille vallées de Gong Xian (1619– 1689) ou le rouleau horizontal de 13 mètres de long de Xiao Yuncong (1576–1673) intitulé Retourner chez soi ou vivre à l’étranger, quelle différence? Le Musée Rietberg expose également d’autres trésors de la peinture de paysage chinoise traditionnelle, notamment des œuvres de Shen Zhou (1427–1509), de Wen Zhengming (1470–1559), de Mei Qing (1624–1697) et de Bada Shanren (1626–1705).

Yao Jui-chung (né 1969), Wonderful. Secret Lover in Golden House
Xiao Sun, Lire le «Livre des Mutations» au milieu des montagnes et des ruisseaux
Chen Huan, Ermitage de lettré au bord d’un torrent

« Nostalgie de la nature – L’art chinois à l’écoute du paysage »Exposition à voir jusqu’au 17 janvier 2021 // Musée Rietberg // Gablerstrasse 15 // 8002 Zurich // Tél. +41 44 415 31 11 // rietberg.ch

VISUELS : Yang Yongliang (né 1980), Phantom Landscape, daté 2010, video, 3:23 min, dslcollection, Paris, © Yang Yongliang, avec l’autorisation de Yang Yongliang Studio // Liu Guosong (né 1932), Snow, daté 1967, rouleau vertical, encre et couleurs sur papier, donation Charles A. Drenowatz, Museum Rietberg // Mei Qing (1624–1697), Vues célèbres de Xuancheng, dynastie Qing, daté 1679/80, album, 24 feuillets, encre et couleurs en papier, 27 × 54,5 cm, donation Charles A. Drenowatz, © Museum Rietberg, photo: Rainer Wolfsberger // Hai Bo (né 1962), Blue Bridge, daté 2004, impression numérique © the artist, courtesy Fondation INK; Xiao Yuncong (1596–1673), Retourner chez soi ou vivre à l’étranger, quelle différence?, dynastie Qing, daté 1656, rouleau horizontal, encre et couleur sur papier, donation Charles A. Drenowatz ©Museum Rietberg, photo: Rainer Wolfsberger // Yang Yongliang (né 1980), Phantom Landscape, daté 2010, video, 3:23 min, dslcollection, Paris, © Yang Yongliang, avec l’autorisation de Yang Yongliang Studio // Mei Qing (1624–1697), Vues célèbres de Xuancheng, dynastie Qing, daté 1679/80, album, 24 feuillets, encre et couleurs en papier, 27 × 54,5 cm, donation Charles A. Drenowatz, © Museum Rietberg, photo: Rainer Wolfsberger // Chen Huan, Ermitage de lettré au bord d’un torrent, dynastie Ming, daté 1604, rouleaux vertical, donation Charles A. Drenowatz, ©Museum Rietberg, photo: Rainer Wolfsberger; Xiao Sun, Lire le «Livre des Mutations» au milieu des montagnes et des ruisseaux, daté 1934, rouleau vertical, donation Charles A. Drenowatz, Museum Rietberg; Yao Jui-chung (né 1969), Wonderful. Secret Lover in Golden House, daté 2007, © l’artist, avec l’autorisation de Fondation INK


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