
Le Musée d’art de Pully consacre son exposition d’automne au renouveau de la peinture figurative en Suisse et met en lumière la place grandissante qu’occupent les artistes femmes en cette résurgence de la scène figurative actuelle. L’exposition Come-back ! L’art figuratif en Suisse : une scène au féminin – à découvrir jusqu’au 14 décembre 2025 – propose une immersion dans la peinture figurative contemporaine à travers une sélection d’artistes, majoritairement des femmes, actives sur la scène suisse actuelle.
Retour de la pensée figurative
La figuration désigne une pratique artistique qui représente des formes reconnaissables sans qu’elle soient pour autant réelles ou réalistes. Elle cherche à rendre identifiables des objets, des figures ou des scènes, même transformées, stylisées ou déformées.
« Elles font la figuration. Telle était une des propositions pour titrer l’exposition. Reprendre la main ? Retour de flamme ? Après moult séances et discussions, le titre Come-back ! L’art figuratif en Suisse : une scène au féminin s’est imposé », écrit Niklaus Güdel, directeur du Musée d’art de Pully, dans le très complet catalogue de l’exposition. « Le come-back est avant tout celui de la peinture qui fait image et donne à voir, à interpréter, à comprendre le monde dans lequel nous vivons. (…) Le propos était moins de réunir un groupe d’artistes femmes que de se demander où en était la peinture aujourd’hui en Suisse. »

Huile sur lin,
180x 185 cm.
Courtoisie de l’artiste

(série Apparence), 2025. Huile sur toile,
60 x 80 cm. Courtoisie de l’artiste et de Gowen Contemporary, Genève

Talent et persévérance
« Il y a toujours eu des femmes artistes, mais on a tout simplement ignoré leur travail et l’histoire les a oubliées », selon Camille Morineau, historienne de l’art, conservatrice du patrimoine. « (…) Comment pourront-elles trouver assez de temps pour être à la fois épouses soigneuses, mères tendres et surveillantes, chefs vigilants de leurs domestiques, et peindre autant qu’il est nécessaire pour le faire bien ? » s’inquiétait, en juin 1785, l’Abbé de Fontenay dans le Journal général de France, à propos des femmes peintres, souvent cantonnées aux genres considérés comme secondaires (portrait, paysage, nature morte).
Les œuvres présentées à Pully, sont souvent le fruit d’un long cheminement. Certaines artistes n’ont pas suivi le parcours traditionnel des écoles d’art, effectuant un métier bien précis avec une prédilection pour la peinture. Ainsi Inga Steffens a d’abord suivi une formation de couturière avant d’étudier les arts visuels. Rita Siegfried a poursuivi une formation et une activité de doreuse. Une des vocations de Carine Bovey qui a longuement travaillé dans la presse et dans la publicité, est de rendre beau et acceptable ce qui à priori pourrait sembler tabou. La Sédunoise Louisa Gagliardi qui a étudié le design graphique, scanne ensuite l’original de ses croquis et le convertit en dessin numérique…
Véritable regain d’intérêt
« La peinture figurative connaît aujourd’hui un regain d’intérêt sur les scènes artistiques européennes. En Suisse, elle se déploie avec une liberté nouvelle. L’idée est de rendre l’art contemporain accessible à un public plus large », poursuit Niklaus Güdel. Pour cette exposition, harmonieusement présentée dans les multiples salles immaculées du musée, il a été demandé aux artistes présentes, sélectionnées selon leur profil, de choisir trois œuvres représentatives de leur travail.
Victoria Mühlig, commissaire de l’exposition et conservatrice du Musée : « Les figures tutélaires désignent des personnes dont le parcours, les gestes, les prises de position – et parfois l’enseignement – ont joué un rôle structurant pour les artistes de l’exposition. Leur mention s’appuie sur les réponses à un questionnaire envoyé aux artistes. Certaines de ces figures les plus souvent citées sont convoquées dans l’exposition comme présence actives que les artistes déplacent ou confrontent. A la question de savoir quelles sont leurs figures tutélaires, beaucoup ont mentionné Hodler, Vallotton et même Picasso, malgré sa face sombre cachée derrière son génie… »

du canton de Berne.



Portraits et autoportraits – Le portrait et l’autoportrait ont occupé une place centrale dans l’histoire de l’art. Instruments d’affirmation sociale et de reconnaissance, ils reflétaient les codes esthétiques et idéologiques de leur temps. Leur redéploiement massif dans l’espace numérique et sur les réseaux sociaux en bouleverse aujourd’hui les usages. L’acte de portraiturer n’est jamais neutre : il sélectionne, cadre, simplifie et souvent embellit. Le portrait contemporain ne se limite plus au rendu fidèle d’une apparence, il s’impose comme un espace de projection, de construction et de réinvention. Au fil des décennies, Andrea Muheim a peint essentiellement des autoportraits et des portraits de son entourage.

Le smartphone en tant qu’outil pictural – Pour bien des artistes présentes, le smartphone fonctionne comme un carnet de notes visuel et un prolongement du regard, permettant de saisir au passage détails anodins, scènes furtives, assemblages de couleurs, effets visuels… L’usage du smartphone transforme également la perception du temps. Les artistes travaillent ainsi à partir d’une mémoire visuelle partielle, filtrée par l’interface numérique, pour créer des images faussement instantanées et profondément réinventées.

Acrylique sur toile, 105 x 140 cm.
Collection privée.

Vernis à ongles, médium et encre sur PVC (Diptyque), Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Eva Presenhuber, Zurich/Vienne.

268 x 1170 cm. Courtoisie des artistes.
Intimité – Les œuvres rassemblées à Pully font ressentir un intérêt autour du quotidien, de l’intime. Pudeur d’un geste suspendu, regard qui s’échappe, lumière tamisée, nudité – physique ou émotionnelle – qui se livre sans détour. Les œuvres révèlent la beauté, les failles et les tensions, là où l’intime affleure sous les apparences. Appartement, chambre ou salle de bain deviennent les décors d’une mise en scène sans fard de l’intime, avec ce que cela comprend de désir, de solitude, de vulnérabilité et de complexité. Le public est invité à franchir les seuils du domestique et de l’émotion dans une proximité feutrée.

Petit-Lancy

Acrylique sur MDF apprêté, 40 x 44 cm.
Courtoisie de l’artiste
et de suns. work, Zurich.

sur bois, 91 x 120 cm. Musée d’art de Pully
Ce portrait de groupe ci-dessus réunit les artistes de l’exposition,
participantes d’un instant de visibilité commune

Musée d’art de Pully.


Collection privée.
Dessin mural par Lucie Kohler
Commandé pour l’exposition, Paddle Pudding, de l’artiste lausannoise Lucie Kohler, est un dessin mural ouvert au public, laissé volontairement à l’état de croquis, et qui invite le public à y contribuer à l’aide de crayons de couleur, prolongeant ainsi le geste de l’artiste. Cette œuvre participative met en scène une vision surréaliste de la migration et ce, entre humour et inquiétude : référence à des scènes médiévales (poissons, chèvre), clins d’œil à l’histoire de l’art, telle La Grande vague de Kanagawa de Hokusai. Quant au pudding XXL, inspiré d’un livre de recettes du 19ème siècle, il est transporté sur un paddle derrière une femme coiffée d’une tête de canard et dirigé par une chèvre. Fuite devant le danger, voire une catastrophe, représenté par la grande vague ? L’œuvre originale qui fait face au dessin mural, révèle la richesse du travail de superposition, nécessitant jusqu’à six couches de crayon pour obtenir cette intensité de couleur.
Par cette commande, le musée explore de nouvelles formes d’implication du public, entre création et valorisation d’une expérience collective. Ce dispositif participatif est soutenu par la Fondation pour l’art, la culture et l’histoire (SKKG).
La distinction Jacqueline Oyex 2025
Créée en 2007, à la suite de la disparition de la peintre et graveure Jacqueline Oyex (1931-2006), la fondation qui porte son nom veille à la conservation, à la diffusion et à la mise en valeur de son œuvre. Fidèle à sa volonté de soutenir la création contemporaine, la fondation s’engage également en faveur de la relève artistique en attribuant, en principe chaque année, la Distinction Jacqueline Oyex.
Cette distinction se concrétise par l’acquisition d’une oeuvre ou d’un ensemble d’œuvres d’un·e artiste actif·ve en Suisse, qui intègre la collection d’un musée ou d’une institution partenaire, cette année le Musée d’art de Pully.

Cette année, la Distinction Jacqueline Oyex est attribuée à l’artiste valaisanne Louisa Gagliardi pour Ruisseau (2017) qui rejoint les collections du Musée d’art de Pully. Formée au design graphique avant de se tourner vers la peinture, elle développe une pratique qui conjugue dessin et outils numériques. Son univers, entre réalisme et atmosphères oniriques, met en scène des figures énigmatiques dans des intérieurs aseptisés et des paysages étranges. Œuvres qui interrogent notre rapport à l’identité, à la nature, aux environnements façonnés par la technologie et les mutations sociales contemporaines.

Artistes présentes dans l’exposition : Carine Bovey, Seline Burn, Elise Corpataux, Romane de Watteville, Andriu Deplazes, Klodin Erb , Émilienne Farny, Valérie Favre, Louisa Gagliardi, Vidya Gastaldon, Silvia Gertsch, Cecile Giovannini, Irma Ineichen, Lucie Kohler, Zilla Leutenegger, Elisabeth Llach, Rachel Lumsden, Line Marquis, Andrea Muheim, Claudia & Julia Müller, Elias Njima, Noemi Pfister, Leanne Picthall, Maria Pomiansky, Rita Siegfried, Inga Steffens, Laura Thiong-Toye, Mariana Tilly, Caroline Tschumi. Et avec des œuvres de : Nina Childress, Miriam Cah , Fernand Léger, Caroline Bachmann, Man Ray.

Huile sur toile de lin. Courtoisie de l’artiste et de la
Wilde Gallery, Genève.
Moments découvertes
Visites commentées : les dimanches 5 octobre, 2 novembre et 7 décembre, de 14 à 15 h.
Visites-lunch pendant la pause-déjeuner, en compagnie d’une historienne de l’art et d’un lunch-bag : les mardis 30 septembre, 11 novembre et 2 décembre, de 12 h 15 à 13 h 15. Le jeudi 30 octobre, de 12 h 15 à 13 h 15. (CHF 22.- / avec lunch-bag / sur inscription).
Afterwork au musée, le jeudi 9 octobre à 18 h 30 (sur inscription) : rencontre avec les artistes de l’exposition, l’occasion de découvrir leur démarche artistique : Lucie Kohler, Line Marquis, Elisabeth Llach, Elias Njima, et Victoria Mühlig, commissaire de l’exposition.
Brunch au musée – table ronde. Avec la participation des artistes : Claudia Muller, Romane de Watteville, Julie Enckell Julliard, responsable du développement culturel, Genève et Victoria Mühlig, commissaire de l’exposition. Le dimanche 12 octobre, de 10 h 30 à 12 h 30. CHF 20.- sur inscription.
Visites familles, enfants, scolaires, ateliers :
Informations et réservations : +41 21 721 38 00
Come-back ! L’art figuratif en Suisse : une scène au féminin – jusqu’au 14 décembre 2025
Musée d’art de Pully // Ch. Davel 2 // CH-1009 Pully
http://www.museedartdepully.ch