Situé dans l’enceinte du Château de Morges, le Musée Paderewski rend hommage à la vie et au parcours exceptionnel d’Ignacy Jan Paderewski. Ce pianiste exceptionnel, compositeur de grande valeur, éminent patriote et homme d’Etat polonais, s’est établi en Suisse, au domaine de Riond-Bosson à Morges et Tolochenaz, au bord du lac Léman, à l’âge de 37 ans. Il y vécut une quarantaine d’années jusqu’à son départ en 1940 pour les Etats-Unis où il décéda l’année suivante.
Installé depuis 2016 dans une belle pièce boisée du Château de Morges, cet espace est dédié à la présence du musicien et homme d’Etat polonais sur les bords du Léman entre 1897 et 1940, au travers de documents pour la plupart originaux collectés à partir de 1977 (année de création de la Société Paderewski de Morges, dont la Fondation Paderewski est depuis 2014 l’héritière).
Paderewski par Alma-Tadema, en 1891.
Afin de s’immerger dans l’existence morgienne et suisse du grand homme, une borne interactive donne accès à l’entier des collections du Musée, constituées d’objets et de documents numérisés et abondamment documentés. Une façon de revivre notamment l’atmosphère unique de la propriété de Riond-Bosson aujourd’hui disparue.
Exilé polonais, musicologue et chef d’orchestre, Henryk Opienski (1870-1942) et sa femme Lydia Opienska (1890-1983), musicienne, compositrice , cantatrice et professeure de chant, ont fréquenté leur contemporain polonais. Née en 1890, Lydia Opienska a connu Paderewski alors qu’elle était toute jeune. Voici le récit qu’elle a rédigé lors de l’arrivée du musicien à Morges :
« Morges, petite ville d’à peine 3000 habitants. Ville somnolente sauf les jours de marché. (…) On vit un homme jeune aux cheveux assez longs et légèrement bouclés, d’un roux flamboyant, au visage pâle, à la bouche encadrée d’une petite moustache rousse, et d’une mouche au menton, des yeux d’un bleu pervenche, autour du cou une large cravate de soie blanche au grand nœud lavallière, sur la tête une coquet chapeau de panama. Ce jeune homme à la démarche souple et gracieuse était le plus souvent seul. On apprit bien vite qu’un grand pianiste polonais avait élu domicile à Riond-Bosson et tout Morges ne parlait plus que de lui. »
entre chalet et palais vénitien. Ignace
Paderewski était reçu partout mais savait aussi recevoir.
Un écrin unique où le monde entier lui rendait visite
Ignace Paderewski s’est établi en Suisse, au domaine de Riond-Bosson à Morges/ Tolochenaz, bâtie en 1882. Il y vécut de 1898 à 1940. Autrefois demeure de la duchesse d’Otrante, veuve de Joseph Fouché, le musicien s’y repose entre ses tournées de concerts. Le calme est propice à l’achèvement de l’œuvre de sa vie : son opéra Manru. Hélène Paderewska, incomparable maîtresse de maison règne sur ce domaine, où l’on exploite tant la flore que la faune. Son impressionnante « établissement d’aviculture » totalise jusqu’à 2500 poulets de race, mais aussi de nombreux oiseaux rares (faisans dorés, perroquets, paons…), source de distinctions lors d’expositions avicoles.
De cette maison de maître, démolie, ne subsiste qu’une dépendance, l’ancien pigeonnier. Son dynamitage par l’armée, lors d’un exercice militaire en 1965, reste un mystère. « Nous avons hérité de quelques cailloux, de la flèche en alu et de la tombe du chien…», mentionne Antonin Scherrer, historien, journaliste, conservateur du Musée Paderewski de Morges.
Aux USA, en véritable “star”, Ignace Paderewski a loué un train entier avec salon doté de deux fameux pianos à queue
Steinway & Sons, ce qui a considérablement fait gonfler le carnet de commande de la marque…
Paderewski et Chopin, emblème national polonais
Lorsque Ignace Paderewski est nommé à la tête du nouveau gouvernement de la Pologne, le 16 janvier 1919, ce virtuose interprète inconditionnel de Chopin, se consacre à l’édition de l’œuvre de son compatriote. Il fait du musicien un véritable héros national, emblème d’une Pologne meurtrie, retrouvant son souffle dans l’Etude dite Révolutionnaire. Selon le musicologue Aleksander Laskowski, responsable du service de presse de l’Année Chopin 2010, ll’action du pianiste et premier ministre Ignace Paderewski fit de Chopin, l’enfant du pays, le musicien officiel de Pologne et sa musique devint un cri de ralliement pour la résistance polonaise.
Un des discours phares d’Ignace Paderewski, véritable « profession de foi de l’artiste et du penseur» (Henryk Opienski), a été prononcé lors d’un Festival Chopin organise à Lwow, à l’automne 1910 : « […] Des grands hommes à qui la Providence confia le soin de révéler l’âme polonaise, aucun n’y sut rendre cette arythmie avec plus de force que Chopin. Sa musique, sa musique seule pouvait rendre cette âme houleuse qui tantôt déborde et va battre les rivages de l’infini, tantôt se replie, soumise jusqu’à l’héroïsme. » Ignace Paderewski a fait deux dons importants pour la construction d’une salle de concert à Varsovie et l’érection d’un monument à Frédéric Chopin pour le centenaire de sa naissance.
A l’époque de Chopin, le caractère novateur de sa musique n’était pas compréhensible pour tout le monde. Le professeur polonais Jerzy Zurawlew eut l’idée d’organiser des concours musicaux afin d’encourager les jeunes talents à jouer les œuvres de Chopin. Depuis 1927, le Concours international de piano Frédéric-Chopin récompense tous les cinq ans des jeunes prodiges venus concourir à Varsovie. Vladimir Ashkenazy, Martha Argerich, Maurizio Pollini, Krystian Zimmerman comptent parmi les lauréats de ce prestigieux concours ouvert au public et qui est un événement national en Pologne.
à Hambourg (Photos fk)
Allocution d’Ignace Paderewski le 29 septembre 1940 sur les ondes de Radio-Lausanne au moment de quitter Morges définitivement pour les Etats-Unis, après quarante et une années de résidence en Suisse : « Je vous laisse mon cœur et je vous assure que les océans qui vont nous séparer ne réussiront pas à détourner de vous tous, de cette chère Suisse, mes pensées les plus affectueuses, les plus reconnaissantes et fidèles à jamais. »
En 1891, Ignace Paderewski effectue sa première tournée aux USA, avec un concert au Carnegie Hall à New York, présenté par la marque de pianos Steinway & Sons, avec laquelle il a négocié pour ajuster les pianos sur lesquels il jouait. Le rythme intense des prestations (107 concerts
entre 1891 et 1892) lui vaudra un “burn out”. Parmi ses œuvres, un unique concerto pour piano en la mineur écrit entre 1882 et 1889 et Manru, opéra en 3 actes créé en 1901.
St-Jean à Varsovie.
Epuisé, Ignace Paderewski décède le 29 juin 1941, à New York, des suites d’une pneumonie, à l’âge de 81 ans. Des milliers de personnes ont accompagné sa dépouille jusqu’au cimetière national d’Arlington, lieu où reposent les grands hommes d’Etat et les héros américains. Sépulture considérée dès le départ comme «provisoire», le temps que la Pologne recouvre son indépendance. Il a fallu attendre plus d’un demi-siècle et la chute du régime communiste pour que ce grand virtuose, diplomate, homme d’Etat, retrouve enfin son sol natal. A Varsovie, son cercueil est exposé pendant une semaine au Château royal, avant d’être transporté à la cathédrale Saint-Jean, où une cérémonie officielle réunit les présidents Bush et Walesa et où il repose désormais.
de Ignace Paderewski.
le Pigeonnier, de forme octogonale.
de Ignace Paderewski.
« La vie de Paderewski est à elle seule une invitation au voyage, plaçant Morges et les rives du Léman au cœur du monde: c’est très rafraîchissant pour l’esprit! », cite Antonin Scherrer, organisateur de la balade suivant les traces morgiennes de cet homme au destin hors du commun que fut Ignace Paderewski.
Il existe encore à Tolochenaz les deux anciennes maisons des jardiniers de Ignace Paderewski qui possédait un vaste terrain, où il y a également le Pigeonnier (à découvrir dans la balade), petit espace d’exposition de forme octogonale.
Musée Paderewski // Rue du Château 1 // 1110 Morges 1
Horaires : Mardi-Vendredi: 10h-17h // Samedi-Dimanche: 13h30-17h // Juillet-août du mardi au dimanche: 10h-18h
Le Musée Paderewski fait partie du circuit du Château de Morges & ses musées.