Ménerbes ~ La maison Dora Maar, résidence inspirante pour artistes

A Ménerbes, l’un des plus beaux villages de France, se trouve et se visite la Maison Dora Maar, hôtel particulier du XVIII^ème siècle, propriété jadis du général Baron Robert (1772-1831) qui s’illustra lors des campagnes napoléoniennes en Espagne.
Cette grande et somptueuse demeure a été acquise par l’artiste et photographe surréaliste Dora Maar, compagne et muse de Pablo Picasso de la fin des années 1930 au début des années 1940. Ce fut d’ailleurs le cadeau de rupture de Picasso. Dora qui n’en occupera qu’une petite partie, à l’étage, se retira dès lors chaque été à Ménerbes pour y mener une existence solitaire. Après le décès de Dora Maar, Nancy Brown Negley, artiste et philanthrope de Houston, a acquis et rénové la maison afin d’ouvrir une résidence pour écrivains, artistes et universitaires. La généreuse mécène est décédée le 16 juillet 2022. Depuis, la Fondation Nancy B. Negley dont la mission est la promotion des arts avec l’animation d’activités culturelles, a son siège en cette belle demeure.

Égérie surréaliste puis muse et modèle de Picasso

Henriette Theodora Markovitch, fille d’un architecte croate, devenue Dora Maar dans le Montparnasse des années trente, a appris la photo auprès de Emmanuel Radnitsky, dit Man Ray, portraitiste du groupe surréaliste, fasciné l’écrivain et poète Georges Bataille, et séduit le surdoué Picasso, rencontré durant l’hiver 1935-1936 et qui fut la grande aventure de sa vie. Elle devait le partager avec Marie-Thérèse Walter avec laquelle le peintre eut une fille, Maya.

Engagée comme photographe de plateau sur le film de Jean Renoir, Le Crime de Monsieur Lange, Dora Maar a été présentée à Pablo Picasso par Paul Éluard. Il a 54 ans, elle en a 28. Elle dirige alors un studio où elle fait poser les figures du Tout-Paris et ses photomontages surréalistes suscitent l’attention du public. Les deux artistes s’inspirent mutuellement. Dora Maar, figure montante de l’avant-garde artistique, devient une source d’inspiration pour Picasso. Entre avril et juin 1937, Dora Maar prend, étape après étape, des clichés qui témoignent de la réalisation du célèbre chef-d’œuvre Guernica peint par son compagnon.

Le tempérament affirmé de Dora, sa liberté, son assurance, son autorité naturelle et le feu intérieur qui la brûle plaisent à Picasso. Par amour, elle accepte tout de lui, abandonnant sa passion pour la photographie et, sur les conseils de son amant, s’initie alors à la peinture.
Tous deux traversent la guerre, dans les affres d’une passion castratrice pour Dora qu’il quittera en 1945 pour Françoise Gilot qu’il peindra, au contraire de Dora – la Femme qui pleure – , comme une fleur solaire…

Différents témoignages décrivent Dora Maar comme une femme “belle, élégante, libre, sensuelle, impétueuse, sensible, drôle, intelligente, fière, décalée”. Dora Maar appréciait la vie mondaine, sortait beaucoup, retrouvait ses amis – Gallimard, Balthus, André Breton, Paul et Nusch Éluard, les frères Prévert… – et recevait souvent dans sa maison de Ménerbes, village où elle fait la connaissance de Nicolas de Staël, et de ses enfants. En 1953, celui-ci acquiert à Ménerbes une grande maison, au sommet du village, avec vue sublime sur la vallée. Fille et fils du peintre, Anne et Jérôme de Staël ont fréquenté Dora Maar dès leur enfance. 

Isolement volontaire et retrait mystique

Vers 1950, elle disparaît presque du jour au lendemain. Elle ne reçoit plus, partageant un isolement volontaire entre Ménerbes et son appartement parisien. Elle expose un peu, réserve son travail à quelques intimes comme le poète René Char, le peintre Nicolas de Staël… Selon elle : « Dieu seul pouvait succéder à Picasso. On ne perd que ce qu’on possède, mais l’a-t-elle un jour possédé, lui dont la femme était la forme et la maîtresse la couleur. Un couple à trois que l’homme-marinière n’a jamais répudié. »
Dora Maar sombre dans une forte dépression proche de la psychiatrie et reste recluse, mystique, se concentrant sur sa peinture et s’enfermant dans la religion. Elle ira à l’office tous les matins et, paraît-il, griffonnait sur des carnets, sur des paquets de biscottes, des habits, grattait ses négatifs des années 1930. Jusqu’à la fin de sa vie, elle passera une grande partie de l’année, seule, ne voyant personne, se déplaçant en vélomoteur. 
« A 80 ans passés, retournée à la photo, elle essaie toujours de nouvelles choses, consciente de son travail de recherche mais peu soucieuse de sa postérité », mentionne Damarice Amao, docteure en histoire de l’art et de la photographie, historienne de la photographie. 

^{Les beaux meubles ont été apportés par la philanthrope Nancy Brown Negley. Chaque résident laisse un exemplaire de ses œuvres : peinture, sculpture, CD, livre…}

Dora Maar est morte le 16 juillet 1997. Cinq personnes seulement ont assisté à son enterrement au cimetière de Clamart. Le fonds d’atelier a été dispersé en trois jours. Dora avait conservé chez elle cent trente œuvres de Picasso, des dessins et peintures d’autres artistes, rangés le long des murs, ainsi qu’une grande partie de sa production photographique. Dora Maar, paraît-il griffonnait sur des carnets pendant la messe, sur des paquets de biscottes, des habits, grattait et corrodait ses négatifs des années 1930. Aujourd’hui, on peut voir quelques peintures de Dora Maar accrochées aux murs avoisinant les beaux meubles installés par Nancy Brown Negley et des œuvres conçues par différents artistes ayant séjourné à la résidence. Sans oublier une copie du dessin de Picasso représentant Dora Maar au chignon, trônant au cœur d’une imposante bibliothèque.

Demeure et jardin, lieux propices à l’inspiration

A l’acquisition de la maison, après le décès de Dora Maar, de gros travaux ont été nécessaires afin de créer une résidence d’artistes internationaux, écrivains, mais aussi acteurs, danseurs, chercheurs en parfums, compositeurs, musiciens… Depuis, un programme de bourses de la Fondation Brown à la Maison Dora Maar propose des résidences d’un mois après acceptation des dossiers de candidature des artistes. Ceux-ci sont appelés à vivre et travailler dans la maison où ils bénéficient d’une chambre privée, d’un bureau, d’un atelier et d’un magnifique jardin attenant, cadre propice à la réflexion créative. L’an dernier, quelque 300 dossiers ont été proposés à l’attention des différents jurys. 24 places sont attribuées par an, de mars à novembre.

Ayant acquis à la boutique de la Fondation, le livre écrit par Stéphane Lambert Nicolas de Staël – Le Vertige et la Foi, MacKenzie Mercurio, directrice de communication de la maison Dora Maar, m’indique que l’auteur de cet ouvrage est un futur résident.

La Maison Dora Maar
58, rue du Portail Neuf // 84560 Ménerbes, FRANCE
Tél. : +33 (0)4 90 72 54 70

http://maisondoramaar.org

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^{https://www.atout-france.fr/notre-reseau/suisse, www.france.fr}