« Autrefois, les briqueteries étaient nombreuses en Gironde, soit 860 recensées en 1940, dont une trentaine dans le Médoc. On en dénombre encore quatre et nous sommes la dernière et la seule depuis 1970 en Médoc.
En 1908, mon arrière-grand-père a acheté cette entreprise qui date de 1880 et qui a été installée sur un gisement d’argile dans la lande médocaine. Depuis, l’établissement est resté dans la famille sous le nom “Grès médocains” ». Laurence Maleyran présente ainsi cette entreprise familiale, sise entre les bourgs de Brach et Saint-Laurent-Médoc : Claude Barraud, son père, préserve un savoir-faire artisanal, Jean Bruno Maleyran, son mari, préposé à la poterie à la corde, à l’enfournement, au défournement du four, et Claire au secrétariat.
Les briques de Brach, tradition, transmission…
Après une formation en école de commerce, Laurence a tout appris sur place, avec les potiers les artistes qui venaient travailler en ces lieux, se documentant aussi grâce à internet. La guide idéale pour traverser ce lieu impressionnant : « Notre matière première, c’est l’argile, riche en silice et en alumine, qui se forme souvent sur les anciens lits de rivière. La silice va permettre de cuire en très haute température des produits qui résistent à l’extérieur, comme les briques apparentes, les parements et dessus de mur, les claustras, carrelage. L’alumine est largement utilisée dans les produits réfractaires, tels les ustensiles de cuisine allant au four, en raison de son point de fusion élevé. L’alumine est également largement utilisée dans les produits réfractaires, en raison de son point de fusion élevé. La présence de silice et d’alumine, nécessaires pour la construction de cheminées, fours et barbecues, permet de créer des pots de fleurs résistant aux températures de l’extérieur, car nous sommes classés grès et non terres cuites. Par rapport à un grès blanc, neutre, un grès rouge contient du fer ou de l’ocre. Les trois quarts des terres et des briques réfractaires que l’on trouve sur le marché sont des terres modifiées auxquelles on rajoute de l’alumine pour obtenir un certain taux de réfractaire.
L’exploitation Grès médocains utilise environ 100 tonnes de terre à l’année laquelle est répartie aussi bien dans la partie la briqueterie que dans la partie poterie.
Arrêt devant le processus de fabrication des briques, des carrelages : dosage, broyage, mélange, compression, découpage, séchage et cuisson. La terre est amenée à passer sur une série de tapis. Entre chaque passage, des machines – qui datent des années 70 – vont la mélanger, la briser pour arriver à fournir une masse uniforme d’un gris foncé qui s’éclaircira au séchage. Cette étape se fait en séchoir fermé avec ventilateur afin de faire disparaître toute humidité. Après 3 jours, les éléments secs seront amenés vers l’étape suivante, le four. La cuisson dans le four à bois, qui date de 1892 et classé au patrimoine de la commune, donne ces couleurs différentes, caractéristiques des Grès médocains. « Il était à ciel ouvert. Une voûte a été rajoutée. On ne cuit plus par dessous mais sur les côtés. »
Haute température et jeu de nuances
Le four est rempli jusqu’en haut et ce, par 4 personnes – 2 à l’intérieur, 2 à l’extérieur – qui se passent les éléments à cuire. La porte est alors fermée et les murs mesurent 1 m 50 d’épaisseur. La cuisson est alors lancée, non plus aux branches de bois mais à la sciure de pin, ce qui a permis de passer de 5 jours de cuisson à 30 heures, suivies de 4 à à 5 jours pour le refroidissement. Il faut impérativement attendre que la température redescende de 1280 ° à 40 ° pour pouvoir pénétrer à l’intérieur du four et en sortir les produits. Autrefois, ce genre de cuisson se faisait toutes les semaines puisqu’il n’y avait que ce four-là. Aujourd’hui, la cuisson a lieu une fois par an. Les couleurs obtenues sont dues aux flammes qui passent entre les objets entassés dans le four. Aujourd’hui, les gens préfèrent des nuances à ces grands effets de style “coups de flamme”.
Pour le four fonctionnant au gaz, d’une capacité de 9 m3, un système de wagons a été élaboré, sur lesquels 6 tonnes d’objets à cuire peuvent être chargés, et qui sont rentrés à l’intérieur. Un système d’axe tient fermée la porte en fibre d’alumine. Grâce à ces deux jeux de wagons, la cuisson peut se faire à raison de 2 passages par semaine. Il faut compter 30 heures de cuisson, avec une température atteignant 1280° pour obtenir des produits vernissés, brillants. Un ajout de sel en fin de cuisson leur apportera un aspect vitrifié.
Poterie et émaillage
L’entreprise gérée par Laurence Maleyran produit des poteries culinaires, des poteries fabriquées à la corde, technique manuelle qui permet d’obtenir des pièces personnalisables de différentes tailles, textures, couleurs de terres ou d’émaux, des pièces sur commande. Tous les objets à usage alimentaire sont fabriqués au tour. Lorsqu’elles sont émaillées, les poteries destinées à la vaisselle présentent une texture plus lisse qu’une céramique d’argile cuite.
En véritable magicienne, Laurence s’occupe de la section émaillage, travaillant au pistolet pour tout ce qui est grande pièce, les petites pièces, elles, étant trempées directement dans l’émail. Elle travaille avec des oxydes ou des carbonates, procède à des mélanges de différents oxydes avec parfois silice ou alumine pour arriver à créer des couleurs différentes. Eléments décoratifs pour jardin ou carrelage, carrelages et émaux faïence pour lesquels elle dispose de 130 couleurs. La couleur bleue arbore plutôt une teinte légèrement rosée “Couleur Océan par mauvais temps, couleur Garonne par beau temps”, mentionnent avec humour trois dames venues apprendre l’art du tournage... La cuisson apportera le bleu intense souhaité.
Une partie des pièces représentant le panel de tout ce qui peut faire en poterie, est exposé en magasin. à l’entrée de l’entreprise. Une féérie de formes et de couleurs !
Grés médocains
3, route de Carcans
33480 Listrac-Médoc
www.gres-medocains.fr
Chaque année, fin avril, c’est portes ouvertes aux Grès médocains. Et chaque mois de mai, exposition de différents artistes dans le grand hall d’entrée. Le projet est d’agrandir le hall d’exposition pour faire davantage de place aux artistes et à leur œuvres.
Photos © Françoyse Krier