
L’Espace Projet du Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne accueille la première exposition monographique dédiée au travail de Babi Badalov en Suisse. A travers une sélection de peintures historiques, de dessins, collages, carnets et d’une grandiose installation murale réalisée spécifiquement pour l’Espace Projet, l’exposition présente l’étendue de la pratique de l’artiste. L’Espace Projet du MCBA, espace ouvert sur la rue à la vue des passants, sorte de vitrine du musée, est dédié à des projets d’artistes contemporains. A découvrir jusqu’au 28.04.2024.
Né en 1959, à Lerik en Azerbaïdjan, Babi Badalov qui a étudié à l’Académie des Beaux-Arts de Bakou de 1974 à 1978, a grandi au croisement des cultures perse et azérie dans un pays sous domination soviétique. Etabli à Paris et naturalisé français après une succession d’exils qui l’ont mené de Saint-Peterbourg aux USA en passant par le Royaume-Uni, il n’en garde pas moins le sentiment d’être à jamais un étranger. A la suite de ces errances culturelles, l’artiste s’exprime en azéri, talish, russe, anglais, français… « Ses parents étaient analphabètes, la langue sera son terrain de jeu », mentionne Pierre-Henri Foulon, conservateur art contemporain, MCBA, et commissaire de l’exposition.
Langue ornementale, vocabulaire stylisé
Pour le montage de l’installation in situ sur tout un mur – grande oeuvre qui disparaîtra après l’exposition – tout a commencé par l’accrochage des tissus de récupération puis de différents supports sur lesquels s’étalent les mots leimotiv de Babi Badalov – dialogue, migration justice, discrimination, racisme, dialogue, liberté – déclinés de différentes manières : stylos Bic, peinture… Les interventions murales in situ de Babi Badalov intègrent lettres, syllabes réinventées par l’artiste en une langue ornementale, à la fois écriture et dessin qui explore les possibilités poétiques et politiques du langage.
Point central de l’exposition : des carnets noircis quotidiennement, de 2009 à 2024, dans lesquels l’artiste a donné cours à son trait et a expérimenté la mise en espace des mots, dessins, réflexions…


2024 – Installation sur tissu. Peinture acrylique et tissus

et T-shirt

Peinture sur tissu.
Collection de l’artiste (photos fk)
Projection visuelle du langage, poésie et jeux visuels
Se définissant lui-même comme anarchiste, punk, anticapitaliste farouche et homosexuel, Badalov a dû faire le deuil de son pays natal pour conquérir sa liberté. Si certains dessins témoignent de ses recherches graphiques, d’autres portent la trace de l’apprentissage de la langue française. Traversé par la question de la communicabilité, son travail démontre une œuvre fortement marquée par l’esthétique du collage, travail pétri de références littéraires, reflet kaléidoscopique commenté de façon souvent humoristique : cartes de visite, documents administratifs, publicités, ordonnances, photomatons… Si le dessin se déploie à partir d’images existantes, la ligne poursuit le motif initial pour créer des jeux visuels.

Collage, encre et feutre sur papier, 24,5 x 34,5 cm
Collection de l’artiste
© Babi Badalov
Photo : Tanguy Beurdeley

Huile sur tissu d’ameublement, 111 x 172,4 cm
Collection Arina Kowner
© Babi Badalov
Photo : MCBA, Jonas Hänggi

Stylo à bille sur papier, 23,5 x 17 cm
Collection de l’artiste
© Babi Badalov
Photo : Tanguy Beurdeley

Installation sur tissu.
Peinture acrylique
et tissus

Peinture sur tissu, 197 x 195 cm
Courtoisie Galerie Poggi, Paris
© Babi Badalov

Encre sur papier, 35 x 30,5 cm
Courtoisie Galerie
Badalov, Jean Genet, Pasolini et les autres
En 2022, l’artiste portugais Mauro Cerqueira (1982) a filmé Badalov partant sur les traces de Jean Genet au Maroc. Poète de la liberté et de l’ailleurs, délinquant, homme sans attache, sans domicile ni patrie, Genet est une figure d’inspiration et d’admiration pour Babi Badalov. La caméra du vidéaste enregistre le voyage qui les mène de Tanger à Larache où Genet est enterré, en passant par la gare du Nord et la chambre 205 du Jack’s Hotel à Paris, où l’écrivain termine ses jours en 1986. O suor da noite – Babi e Genet (La sueur de la nuit – Babi et Genet) est ponctué de la lecture par Badalov du Condamné à mort, long poème écrit par Genet en 1942 alors qu’il est enfermé à la prison de Fresnes près de Paris. Dans ce film, Cerqueira réunit deux artistes qui ont fait de la poésie une patrie hors territoire.
Bodalov connait intimement l’oeuvre de Pasolini. En témoignent ses tatouages qui rendent hommage à des figures d”admiration ayant guidé l’artiste : Dostoievski, Maïakovski et, présent sur ses mains, Pasolini…
Babi Badalov a participé à de nombreuses biennales de par le monde. En Suisse, ses œuvres ont notamment été présentées lors d’expositions collectives à la Shedhalle, Zurich (2018) ; au Kunstmuseum, Berne (2011) et au Manoir de la ville de Martigny (1993). De nombreuses institutions lui ont consacré des expositions personnelles, entre autres l’Institut National d’Histoire de l’Art, Paris (2022).

Peinture sur tissu, 103 x 67 cm
Courtoisie Galerie Poggi, Paris
© Babi Badalov

Atelier d’écriture et de dessin ouvert à toutes et tous avec Babi Badalov : mardi 19 mars et mercredi 20 mars 2024 10 h – 16 h. Il sera possible d’écrire, de dessiner, d’échanger ou encore d’écouter de la musique…
Babi Badalov.Xenopoetri – Jusqu’au 28.04.2024
Plateforme 10 / Musée cantonal des Beaux-Arts Place de la Gare 16 / 1003 Lausanne Suisse
Tél. : +41 21 318 44 00
www.mcba.ch
Horaires : Mardi – dimanche : 10 h – 18 h // Jeudi : 10h – 20h // Lundi : fermé //
Lundi de Pâques : ouvert. Entrée gratuite
