Gilbert Albert (Genève, 1930 – 2019). Collier, Perlé or gris

Cet été, le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) se pare de ses plus beaux atours en présentant une exposition consacrée à Gilbert Albert, décédé l’an dernier, comprenant 100 de ses réalisations les plus somptueuses, les plus éblouissantes, les plus extravagantes. Fleurons de sa Fondation, elles ont été offertes à l’institution du vivant de son créateur, en 2016, mais jamais encore montrées au public qui peut les admirer, ainsi que des bijoux d’autres créateurs, eux aussi inspirés par la nature, jusqu’au 15 novembre 2020.  

Depuis 1973, il n’était pas possible de passer rue de la Corraterie sans s’arrêter devant les vitrines de la galerie et des ateliers à l’enseigne de Gilbert Albert. On ne pouvait rester indifférent en observant ses créations si originales, touchant au sublime, de cet artiste, un peu alchimiste, un peu magicien ! Car aucune matière ne laisse indifférent le bijoutier-joaillier : écaille de tortue, os, ivoire, corail, cailloux, dents et griffes, noix, bois, insectes, cheveux, météorites, coraux, coquillages, perles de Chine ou de Tahiti, tourmaline, corindon… Gilbert Albert mêle matériaux précieux et matières non nobles et matériaux, pour en faire des colliers, pendentifs, broches, bracelets et autres parures. Ce créateur de génie recevra à dix reprises un Diamonds International Award. 

La trentaine de bijoux sélectionnés dans les collections du MAH, sont signés de concepteurs antérieurs et postérieurs à Gilbert Albert cultivant la même veine, dont le maître de bijouterie genevois André-Charles Lambert (1892-1985). Y figurent aussi, entre autres, la fameuse bague à billes interchangeables, premier grand succès commercial des années 1980, le ciboire et le calice destinés à l’abbé Pierre…

Gilbert Albert, Collier, Froissé or jaune, coquillages (dentales et), corail rose, brillants  3 - Gilbert Albert. Collier , Algues or jaune, scarabée, saphirs bleus, Genève, 1983 Gilbert Albert, Demi-parure. Perlé or jaune et blanc, cristaux de préhnite et de dioptase

Nouvelles conceptions du bijou

L’exposition s’ouvre sur un collier en or perlé ponctué d’opales, de corindons, de perles de Chine et de diamants, réalisé en 1993 et un magnifique bracelet-manchette, oeuvre de René Lalique, représentant des chardons – emblèmes de la Lorraine -, constitué d’argent ciselé, d’émail pique-à-jour et émail champlevé sur or.

René Jules Lalique – Bracelet Chardons Paris, vers 1890Estelle Fallet, commissaire de l’exposition et conservatrice en chef des collections d’horlogerie, bijouterie, émaillerie et miniatures du MAH, mentionne que ce bijou fait partie de trois précieuses pièces acquises directement par le conservateur du Musée des arts décoratifs genevois, à l’occasion d’une exposition à Paris. 

Le style Art nouveau, antérieur au style Art déco, a bouleversé les codes de la bijouterie et d’après Gilbert Albert, René Lalique a ouvert une voie nouvelle en utilisant des matériaux moins nobles que ceux utilisés à l’époque. Les bijoux 1900 s’avéraient très avant-gardistes. Leurs créateurs  puisaient leur inspiration dans la nature qu’ils intégraient dans la bijouterie.
Entre 1970 et 1990, Gilbert Albert occupe une place très forte, à la charnière de la fin de la période de la joaillierie classique et du bijou contemporain qui casse alors tous les codes. Le jeune joaillier s’est engouffré dans cette voie, à la suite de son maître André-Charles Lambert, professeur à l’Ecole des Arts industriels, qui recommandait à ses élèves d’utiliser différemment les matériaux mis à leur disposition. 

Gilbert Albert, Collier, Perlé or jaune, cétoines, tsavorites, perles de Chine, brillants

Gilbert Albert, Collier. Gerbes limées or jaune, scarabées, saphir noir, émeraude, brillants,

Gilbert Albert, Grande Parure, Ciselures naturelles or jaune, saphirs noirs, perles de Tahiti, brillants

 

Une structure, toute de verre et de vert revêtue, offre au public les œuvres d’art sous toutes leurs facettes. Gilbert Albert s’intéresse à tout ce qui vient de la nature, que ce soit d’origine animale, végétale ou minérale. Au mur, les informations concernant les thématiques de l’exposition liées aux matériaux qu’il aime travailler : la mer – le joaillier lui emprunte coquillages, coraux, oursins et perles. La terre dont il admire bourgeons et écorces… Pépites d’or ou d’argent auxquelles il donne vie, pierres précieuses qu’il sublime… 

Pochelon Frères. Pendentif Genève. Or et argent ciselé, gravé, émaillé, turquoises, perle baroque Marie Hoeppli, Collier, Tissu lamé, perles de verre, coquillage, améthysteGilbert Albert, Masque. Or mélangé, peau de galuchat, brillants, demi-scarabée chinois

 

 

En 1962,  Gilbert Albert ouvre son propre atelier dans le quartier de Saint-Gervais. Mandaté comme styliste par la maison Omega, à Bienne, il crée des montres-bracelets et pendentifs qui sont récompensées. La même année, à l’Exposition nationale suisse de Lausanne, Gilbert Albert obtient le Premier Prix dans la catégorie « Montres-bijoux sans pierre » pour une montre ornée de paillettes d’or fin. A l’Exposition mondiale de New York, il présente Moldavit, un spectaculaire collier-pendentif avec montre de dame, réalisé en platine, rehaussé de perles et de motifs sculptés en or fin éclairés par des diamants très purs, orné d’une météorite de Moldavie, dont la couleur anthracite passe au vert vif dès qu’elle est traversée par la lumière. Ce bijou garde-temps évoque à la fois le temps, l’espace, la terre, l’eau et le feu.
La Fondation Gilbert Albert créée en 1998 pour promouvoir et faire connaître le travail du bijoutier-joaillier, est dissoute en 2016. Sa collection de bijoux est donnée au Musée d’art et d’histoire de Genève
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Gilbert Albert, demi-parure. Perlé or jaune, coquillages, perles de Biwa et de Chine , brillants

Gilbert Albert, Tour de cou, dit collier de chien, Or jaune et blanc, scarabées, opales Gilbert Albert, Tour de cou , Or jaune, scarabées, brillants, dix rangs de perles de corail rouge

 

Le secret de la conservation des scarabées et autres insectes intégrés dans ses bijoux et figés dans le temps ? Personne ne le connaît… Hormis peut-être sa femme Françoise ou sa fille Véronique, lesquelles ont aidé à la reconstitution du bureau et de l’atelier du maître-joaillier, du cabinet de curiosités où l’on peut voir, non sans émotion, sa boîte d’apprenti, une patte de varan suspendue, un crâne de morse, un collier en allumettes, des piques d’oursin crayon, une peau de tatou, une couronne de André-Charles Lambert en laiton doré, verroterie et fausses perles…
Deux petites branches de dates séchées comptent parmi les dernières inspirations du sublime joaillier. Toujours émerveillé par la nature, le réputé bijoutier-joaillier alors hospitalisé, cherchait la façon dont il allait pouvoir les utiliser. 

Un court film évoque encore le parcours du créateur, raconté par ses amis.

 

Gilbert Albert Affiche exposition MAH 2020

Gilbert Albert portrati

 

 

« Mes joies, mes bonheurs,
je les trouve par brassées dans la nature. Elle m’offre des trésors que je pare d’or, de perles et de diamants « gouttes de rosée ».
L’œuvre de Gilbert Albert est indissociable de la personnalité singulière du joaillier, personnage public, libre penseur, espiègle, impertinent… L’exposition évoque la nature célébrée et tant admirée par l’artiste. Grâce à une scénographie originale, elle fait écho au foisonnement et à la créativité de Gilbert Albert, autant qu’à ceux de la nature. 

 

 

Né à Genève en 1930, de racines françaises et italiennes, Gilbert Albert y a étudié la joaillerie. Il a d’abord travaillé chez Patek Philippe avant de se tourner vers la joaillerie et d’ouvrir son propre atelier en 1962. En 1973, il installe sa galerie et ses ateliers au centre-ville, à la Corraterie, et dix ans plus tard, un magasin à la prestigieuse Bahnhofstrasse de Zurich, puis à Moscou et à Dubaï. 

Gilbert Albert a exposé ses oeuvres dans le monde entier. Il a été le premier joaillier vivant depuis 1917, après Fabergé, à être invité à présenter ses créations au Kremlin, à Moscou. Outre des bijoux, il a créé la masse du Sautier de la République en 1999 et la Croix de Pentecôte pour les 450 ans de la Réforme à Genève. Gilbert Albert a marqué la vie de la République de Genève par sa gourmandise de vie, sa belle générosité et par son esprit critique autant que fécond. Pour bon nombre de Genevois et de Genevoises, Gilbert Albert incarnait la beauté, la création, la flamboyance…

MAH Genève ~ Hommage à Gilbert Albert Joaillier de la nature
A admirer jusqu’au 15 novembre 2020 – Visite uniquement sur réservation, Covid oblige
Musée d’art et d’histoire / Rue Charles-Galland 2 / Tél. +41 (0)22 418 26 00
Ouvert de 11 à 18 heures / Fermé le lundi
Entrée : CHF 10.- /CHF 5.- Libre jusqu’à 18 ans et le premier dimanche du mois

mah-geneve.ch

(Photos : Françoyse Krier / Texte : fk – dp)

Visuels : 1 – Gilbert Albert (Genève, 1930 – 2019). Collier, Perlé or gris, scarabées plusiotis, perles de Chine et perles de Tahiti, brillants. Genève, 1988. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 2-Gilbert Albert, Collier, Froissé or jaune, coquillages (dentales et), corail rose, brillants. Genève, 1975. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 3 – Gilbert Albert. Collier, Algues or jaune, scarabée, saphirs bleus, Genève, 1983 Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 4 – Gilbert Albert, Demi-parure. Perlé or jaune et blanc, cristaux de préhnite et de dioptase, perles birmanes, brillants sertis dans l’or blanc Genève,, 1990 Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 5 – René Jules Lalique – Bracelet Chardons Paris, vers 1890. © Musée d’art et d’histoire de Genève // 6 – Gilbert Albert, Collier, Perlé or jaune, cétoines Eupotosia mirifica, tsavorites, perles de Chine, brillants, Genève, 1986. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 7 – Gilbert Albert, Collier. Gerbes limées or jaune, scarabées, saphir noir, émeraude, brillants, Genève, 1983. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 8 – Gilbert Albert, Grande Parure, Ciselures naturelles or jaune, saphirs poires noirs, perles de Tahiti, brillants, Genève, 1991. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 9 – Pochelon Frères. Pendentif Genève, vers 1900. Or et argent ciselé, gravé, émaillé, turquoises, perle baroque © Musée d’art et d’histoire de Genève // 10 – Marie Hoeppli, Collier, Tissu lamé, perles de verre, coquillage, améthyste, fermoir en argent doré, doublure en crêpe de Chine, Genève, 1985. © Musée d’art et d’histoire de Genève // 11 – Gilbert Albert, Masque. Or mélangé, peau de galuchat, brillants, demi-scarabée chinois (coptolabrus), perle de Tahiti coupée ; Or perlé gris, or jaune, demi-scarabées (coptolabrus), brillants Genève, 1988. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 12 – Gilbert Albert, D’une demi-parure. Perlé or jaune, coquillages, perles de Biwa et de Chine, brillants . Genève, 1989. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 13 – Gilbert Albert, Tour de cou, dit collier de chien, Or jaune et blanc, scarabées, opales de feu du Mexique, perles de Chine, perles noires, brillants. Genève, 1988 et 1992. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // 14 – Gilbert Albert, Tour de cou dit collier de chien, Or jaune, scarabées, brillants, dix rangs de perles de corail rouge, Genève, 1988. Don Fondation Gilbert Albert, 2016 © Musée d’art et d’histoire de Genève // Portrait Gilbert Albert : archive/photo d’illustration, Keystone.
 

 

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