Château de Bussy-Rabutin A environ 60 km de Dijon, le château de Bussy-Rabutin, labellisé “Maisons des Illustres”, est entouré de douves, flanqué de quatre tours. « C’est un château fort ordinaire dans le paysage bourguignon, acquis en 1602, qui a bénéficié de transformations particulières, le remaniant en château de style Renaissance que les Rabutin ont souhaité aménager d’après le goût de l’époque », commente l’administrateur François-Xavier Verger qui est aussi celui du château de Ferney-Voltaire.

Château de Bussy-Rabutin en été Parc du Château de Bussy-Rabutin en été

Commencé sous Louis XIII et achevé sous le règne de Louis XIV, la partie centrale a été terminée par Roger de Rabutin, comte de Bussy, (1618-1693), lieutenant-général des armées du roi Louis XIV, philosophe et écrivain pamphlétaire, satirique et libertin, membre de l’Académie française, soit la 3ème génération à habiter en ces lieux. L’aile droite de la magnifique façade au décor à l’italienne, est actuellement en rénovation.

Le château a été construit au coeur d’un parc de 34 hectares, labellisé “Jardin Remarquable”, et présente sur les hauteurs une forêt d’une dizaine d’hectares. Le jardin à la française, attribué au paysagiste André Le Nôtre, est restauré au XVIIIème siècle avec fontaines, parterres, buis, statues, rosiers anciens, glacière, charmille…

Pigeonnier du Château de Bussy-Rabutin - extérieurPigeonnier du Château de Bussy-Rabutin - intérieurJardin du Château de Bussy-Rabutin

Talent de deux grands épistoliers

Issu d’une dynastie très implantée en Bourgogne, Roger de Bussy-Rabutin descend de sainte Jeanne de Chantal, sa grand’mère. Marie de Rabutin-Chantal – plus connue sous le nom de Marquise de Sévigné – et Roger de Bussy-Rabutin sont doublement cousins. Le comte est le cousin issu de germain de Celse-Benigne de Rabutin-Chantal, père de Mme de Sévigné (1626-1696).
En 1726, paraît une édition des lettres de Madame de Sévigné, élaborée par l’abbé de Bussy qui l’a donnée à relire à un ami. Cette édition est reniée par la famille. Les lettres seront publiées progressivement par la suite. Mme de Sévigné, Bussy-Rabutin et Voltaire, sont les trois grands auteurs de lettres de la littérature française. Au fil de sa vie, Roger devient l’aîné des Rabutin. A 15 ans, il se voit offrir une charge de lieutenant par son père. Il participera à la guerre contre les protestants, à la conquête de la Franche-Comté, et prendra part aux combats dans les Flandres, en Espagne…

Monogramme du comte de Bussy-Rabutin

Lieutenant général du roi, Roger de Bussy-Rabutin acquiert les plus hauts grades de l’armée française.
Troisième officier de l’organigramme militaire français, il est avec Turenne et Louvois l’un des plus grands militaires de son temps.

Une carrière remarquable

Dans sa jeunesse, ce galant homme part à la conquête d’autres forteresses, développant son goût pour les belles dames, s’occupant assez peu de sa propre épouse. Il les distrait par son esprit mais parfois s’égare, ce qui lui vaut d’être embastillé à plusieurs reprises. Il commet un ouvrage destiné à n’être pas divulgué : L’Histoire amoureuse des Gaules, parodie des moeurs de la cour, de la vie amoureuse hors des liens du mariage de certains dignitaires de la cour. Imprimé, l’ouvrage paraît. Même s’il leur attribue des noms différents, les courtisans n’ont pas manqué de se reconnaître… Le roi le condamne à la Bastille et lui demande de ne plus reparaître à la cour. Autorisé à séjourner sur ses terres, – il sera condamné à l’exil pendant 16 ans – Roger de Bussy-Rabutin  réorganise ses finances et occupe ses loisirs forcés à l’embellissement de sa demeure. Les murs du château expriment en 300 portraits et devises, sa passion pour la guerre, la littérature, la galanterie…
La visite des appartements fait découvrir plus de 200 peintures du XVIIème siècle rassemblées par Roger de Bussy-Rabutin.

 Bussy-Rabutin peinture St germain en Laye Portrait de Roger de Bussy-Rabutin Bussy-Rabutin peinture de St Cyr

 

 

La salle des devises

Elle est ornée de peintures de 18 résidences royales françaises – Versailles, St Germain-en-Laye, Chambord, Saint-Cloud… – soulignées de devises et d’aphorismes en latin, comme la représentation d’un escargot «Je me referme en moi-même», d’un oignon « Qui me mordra pleurera », ou d’un roseau « Je plie et ne romps pas ». Difficile de ne pas y voir des allusions à Bussy lui-même et à sa situation d’exilé.

Le décor énigmatique créé par les devises reflète la personnalité de Bussy.
Homme banni et oublié de sa maîtresse, Madame de Montglas, le portrait de la femme aimée qui l’a abandonné, est placé sur le plateau d’une balance avec une devise exprimant son désappointement : Plus légère que le vent.

 

Bussy-Rabutin Salle des hommes de guerreBussy-Rabutin Galerie des hommes de guerreBussy-Rabutin Le maréchal de TurenneBussy-Rabutin double peinture murale

La salle des hommes de guerre

Le comte de Bussy-Rabutin étant désireux de communiquer son intérêt pour l’histoire des armes, cette grande antichambre est utilisée pour présenter les grands hommes de tous les temps, au service du roi de France, ou ses ennemis, soigneusement choisis par le maître des lieux.

Il s’agit d’une collection remarquable que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Le comte de Bussy- Rabutin s’est représenté au milieu de ses pairs, soit 65 portraits de personnalités militaires françaises et étrangères : Du Guesclin, Bayard, les compagnons de Jeanne d’Arc…

Certains portraits seront placés hors de vue du portrait de Bussy en lieutenant général du roi, tel celui de Turenne. Bussy estimait en effet que Turenne, malgré ses faits d’armes, était la cause de sa non-nomination en tant que maréchal.

Quelques toiles – toutes authentiques – s’ouvrent et laissent paraître une deuxième peinture constituant un décor à devise.

Bussy-Rabutin Salle des roisBussy-Rabutin Les rois

 

La galerie des rois

Ici est présentée une collection de trente tableaux figurant des rois de France, des ducs de Bourgogne. Bussy écrivait à la comtesse du Bouchet :
« J’ai une galerie où sont tous les portraits de tous les rois de la dernière race, depuis Hugues Capet jusqu’au roi et sous chacun, un écriteau qui apprend tout ce qu’il faut savoir de leurs actions ».

Bussy-Rabutin La chambre de Roger de Bussy

La chambre de Bussy-Rabutin

Malgré ses nombreux réaménagements au cours des siècles, cette chambre permet de découvrir les visages des femmes entourant le comte de Bussy et des maîtresses des rois de France. Autour du lit, 25 portraits de dames de la cour de Louis XIV, de maîtresses royales, remarquables par leur beauté. Agnès Sorel, Diane de Poitiers, les favorites de François Ier, Ninon de Lenclos, Madame de Maintenon accompagnaient les songes du comte…
La plus belle femme de France, Mme de Sévigné, louée pour son intelligence et sa finesse rare, y est présente. A ses côtés, la plus belle fille de France, Françoise de Grignan, fille de la célèbre épistolière.

Un cousin, sinon une belle cousine, peut être la cause de bien des “picoteries”. Ce terme est utilisé par Bussy lui-même dans sa lettre à Mme de Sévigné du 1er février 1671.

Une généalogie, maintenant disparue, était alors peinte sur un mur de la galerie d’apparat. Il en fait état à Mme de Sévigné : «Dans notre généalogie que j’ai fait mettre au bout de ma galerie de Bussy, voici ce qui est écrit pour vous : “ Marie de Rabutin, une des plus jolies filles de France, épousa Henri de Sévigné, gentilhomme de Bretagne, ce qui fut une bonne fortune pour lui, à cause du bien et de la personne de la damoiselle “ ».

Bussy-Rabutin Salle de la tour dorée Bussy-Rabutin Salle de la tour dorée Mazarin

Salon de la Tour Dorée

Au fond de la chambre, une porte s’ouvre sur l’un des joyaux du château, le cabinet de la Tour Dorée, inspiré de l’ancien salon des Dames de Versailles. Le plafond est une véritable oeuvre d’art. Quatorze portraits de grands personnages de la cour sont exposés, parmi lesquels le cardinal de Richelieu, Louis XIII, le cardinal Mazarin, Louis XIV, Philippe 1er d’Orléans, Anne d’Autriche, Marie-Thérèse d’Autriche et des membres de la famille des Condé. Chaque portrait est accompagné d’une description caustique dont la verve et le double sens ne laissent pas de doute sur les pensées de leur auteur. Inscriptions qui faisaient quand même hésiter les belles dames à envoyer leur portrait pour enrichir la collection de Bussy !

Bussy-Rabutin Salle de la tour dorée peinture murale Bussy-Rabutin Salle de la tour dorée vue d'ensemble Bussy-Rabutin Salle de la tour dorée Les amoureuxEn bonne place, Bussy-Rabutin, “mestre de camp de la cavalerie légère”, représenté en empereur romain, le drapé savant, l’armure discrète, est entouré de ses maîtresses et amies qui lui ont offert leurs portraits. Sous chacun d’eux, le libertin et homme de lettres a ajouté un commentaire de son cru… A sa gauche, sa maîtresse, la marquise de Montglas, laquelle a droit à ce commentaire : “Isabelle Cécile Hurault de Cheverny, marquise de Montglas qui par la conjoncture de son inconstance a remis en honneur la matrone d’Ephèse”. Ce conte licencieux inséré dans le Satyricon de Petrone narre l’histoire d’une jeune veuve qui succombe finalement, malgré la période de deuil, à la tentation de la chair et qui va jusqu’à sacrifier le corps de son époux pour sauver son amant…

La partie basse de la pièce comporte des panneaux représentant des scènes de la mythologie : Pygmalion enlaçant sa statue : ” Tout le monde en amour est tous les jours duppé. Les femmes nous en font accroire. Si vous voulés aimer et n’estre point trompé. Aimés une femme d’yvoire.”
L’enlèvement d’Europe : “Les femmes font mille façons Pour duper les pauvres garçons Les garçons feignent mille flames Pour attraper les pauvres femmes.”

Correspondance entre Bussy-Rabutin et Mme de Sévigné

Bussy-Rabutin Portrait de Madame de SévignéBussy-Rabutin Portrait de la fille de Madame de SévignéBussy-Rabutin est entré à l’Académie en raison de son esprit et des traductions d’un grand nombre de poésies grecques et latines. Il avait instauré un jeu de salon : les participants devisaient de sujets divers, la galanterie étant alors un sujet capital. II fallait répondre à des questions par un trait d’esprit en vers. 160 questions-maximes d’amour… Est-ce que le mari doit prendre ombrage de l’amant de sa femme? Bussy- Rabutin répond que non seulement il ne doit pas en prendre ombrage mais doit apprécier particulièrement l’amant de sa femme, car il la rend précieuse aux yeux de tous. Et de le démontrer en 4 vers…

En 1694, les enfants ouvrent son bureau et trouvent les lettres que Bussy avait reçues.
Ils comprennent qu’il faut publier et en 1697, paraissent Les Lettres de messire Roger de Rabutin, comte de Bussy, en quatre volumes.

Les deux premiers sont consacrés aux lettres de Bussy à Madame de Sévigné (visuel de la marquise et de sa fille) et aux 109 courtes réponses de celle-ci. On découvre l’écriture magnifique de Mme de Sévigné. Louis XIV et une partie de la cour savaient que cette dernière avait une plume remarquable. Le comte a produit une très importante correspondance avec ses amis et découvert le talent littéraire de sa cousine  avec laquelle il partagea le plaisir de l’écriture. Elle inventera le mot « rabutinage ».

En 1700-1712, à peine les mémoires publiées, la famille prépare une nouvelle édition de lettres de Bussy-Rabutin. Les réponses de Mme de Sévigné au comte de Bussy et les réponses du comte à Mme de Sévigné. On y découvre la grande aristocratie face à la Fronde. Bussy-Rabutin assiège Paris avec l’Armée royale. Mme de Sévigné est dans Paris et ils arrivent à s’écrire.

Résurrection du domaine

Le bâtiment fut sauvé de la ruine dans les années 1830 par le comte Jean-Baptiste-César de Sarcus (1778-1875), capitaine de cavalerie de Louis XVIII, qui y résida et fit restaurer toute l’oeuvre de Roger de Rabutin. Il publia une précieuse monographie du monument en 1854.
L’édifice, racheté par l’État en 1929, est l’objet de multiples campagnes de restauration. Géré depuis par le Centre des monuments nationaux, le château a bénéficié, dans le cadre du Loto du patrimoine, d’une enveloppe de 200’000 euros pour la rénovation d’une partie de l’édifice.

Château de Bussy-Rabutin salon Bussy-Rabutin salon - tissu et papier peint assortis Bussy-Rabutin Lit et bibliothèque

Dans l’aile l’ouest se situent les dépendances “Roger de Rabutin”, restaurées au XIXème siècle. Dans l’aile “Sarcus”, à l’est, l’antichambre, tapissée de lés de damas alternés rouge et or, est meublée de sièges d’époque Régence et de deux cabinets de poirier noircis façon ébène. Parmi les portraits, on remarque celui de Buffon dans son cabinet de travail.
Dans la bibliothèque, de précieux ouvrages de Roger de Bussy-Rabutin, une édition de L’Henriade de Voltaire, appartenant au comte de Sarcus, le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, philosophe, écrivain et lexicographe français, qui se trouvait dans la bibliothèque de Voltaire…

Précieux témoignages

En juin 2019, Henri Vincent, fondateur de la Société des amis de Bussy-Rabutin a fait don à la bibliothèque multimedia d’Autun d’un manuscrit rare du XVIème siècle émanant du comte Roger de Bussy-Rabutin. Ce manuscrit de deux pages, rédigé en 1673, est constitué d’une série de lettres
recopiées avec des commentaires dont les deux principaux sujets sont un échange avec le comte de Limoges, combattant les Hollandais en Manche aux côtés des Anglais, ainsi que les suites de la permission que le Roi a conféré au comte de venir à Paris. Deux importants témoignages de la vie tumultueuse de Roger de Bussy-Rabutin.

Bussy mourut en 1693 à Autun où il fut enterré dans l’église Notre- Dame, aujourd’hui disparue, aux côtés du Chancelier Rolin.

 
 
Château de Bussy-Rabutin ou château de Bussy-le-Grand
12 Rue du Château ~ 21150 Bussy-le-Grand, France
 
 
 
Texte et photos : Françoyse Krier 

Bussy-Rabutin Vue du parc

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