La Fondation de l’Hermitage a le privilège de dévoiler, pour la première fois en Suisse, une sélection des plus grands chefs-d’œuvre de la Fondation des Treilles. Etabli à Tourtour, dans le sud de la France, le domaine abrite une collection prestigieuse créée par une mécène visionnaire, Anne Gruner Schlumberger (1905-1993), qui réunit des œuvres de Hans Arp, Georges Braque, Victor Brauner, Jean Dubuffet, Max Ernst, Alberto Giacometti, Paul Klee, François-Xavier Lalanne, Henri Laurens, Fernand Léger, Pablo Picasso, ou encore Takis.
Evoquer les attraits d’une exposition à la Fondation de l’Hermitage relève presque du pléonasme tant les présentations successives d’œuvres uniques s’avèrent à chaque fois d’une grande qualité, sublime plaisir de l’œil, dans une ambiance lumineuse et douce. Voici donc une belle occasion d’admirer, jusqu’au 29 mai 2022, des trésors – peintures, dessins, gravures, sculptures et objets – hors de leur écrin habituel tout en découvrant le goût, la personnalité et les amitiés artistiques de l’une des plus illustres collectionneuses du 20ème siècle : Anne Gruner Schlumberger.
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« Le domaine des Treilles, un écrin pour la pensée »
Née dans une famille d’industriels alsaciens, Anne Gruner Schlumberger grandit dans un milieu où le goût des sciences va de pair avec celui des arts. Dès la fin des années 1940, elle collectionne des œuvres exceptionnelles, de l’art antique à la création moderne – avec une prédilection pour le surréalisme. En 1964, elle inaugure la Fondation des Treilles, à Tourtour
(Haut Var) conçue selon ses mots “comme un écrin pour la pensée.” Développant des synergies fructueuses entre savants, musiciens, poètes et philosophes lors de séminaires et de résidences, ce havre préservé accueille également l’éclectique collection de sa fondatrice, qui rassemble plus d’un millier d’œuvres.
Plongée dans l’univers de Max Ernst et dans celui de Victor Brauner
Ces deux artistes sont les plus richement représentés au sein de la collection d’Anne Gruner Schlumberger :
L’œuvre énigmatique de Victor Brauner (1903-1966). Cet artiste d’origine roumaine découvre le surréalisme en 1925, lors d’un voyage à Paris.
Il y revient en 1930 afin de rencontrer André Breton et d’adhérer au mouvement. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’artiste révolutionnaire de confession juive se cache dans un hameau des Hautes-Alpes. L’extrême précarité dans laquelle il vit et le manque de matériel pour créer lui font découvrir la peinture à la cire d’abeille, cire qu’il trouve en abondance dans les ruches du voisinage. Marqué par les horreurs de la guerre,
Victor Brauner se plonge davantage dans l’étude des sciences occultes. Les œuvres de cette période et celles de l’après-guerre sont imprégnées
de magie et de secret.
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Créateur de mondes oniriques reflétant l’inconscient, Max Ernst (1891-1976) est l’un des artistes majeurs du 20ème siècle. Proche dans sa jeunesse du mouvement dada, le plasticien allemand se lie à André Breton et aux surréalistes lorsqu’il s’installe à Paris dans les années 1920. Peintre, graveur, sculpteur, Ernst est perpétuellement en quête de nouvelles formes et techniques artistiques, capables de traduire son univers intérieur. Il trouve sa source d’inspiration dans ses hallucinations, ses rêves, ses cauchemars et ses angoisses qui donnent naissance des paysages lunaires et des forêts mystérieuses peuplées de créatures imaginaires.
En 1925, saisi par l’aspect hypnotique de la surface irrégulière d’un plancher usé, Ernst y pose une feuille, se met à la frotter avec une mine de plomb, et invente la technique du frottage. Il poursuit cette recherche artistique en s’essayant à d’autres structures, comme des tissus et des végétaux, innovant le grattage en passant un racloir sur une toile recouverte d’une couche de peinture, ce qui révèle alors les surfaces sous-jacentes.
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L’accrochage montre également l’amour de la collectionneuse pour la culture méditerranéenne, en faisant dialoguer une tête de cheval antique avec des céramiques blanches de Pablo Picasso et des sculptures s’élançant vers le ciel de Takis.
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Passionné comme bon nombre de surréalistes par les cultures lointaines, Victor Brauner collectionne des objets d’art africain dans les années 1950. Le peintre transmet cet intérêt à Anne Gruner Schlumberger, en lui offrant notamment des couteaux de jet d’Afrique centrale, dont trois sont présentés à l’Hermitage de Lausanne. Les formes géométriques simples et fines de ces armes ne sont pas sans rappeler certaines peintures de Brauner. En 1989, Anne Gruner Schlumberger fait l’acquisition de différents masques, poteaux, couteaux de jet africains.
Les Moutons, une œuvre devenue iconique
L’exposition ménage également de nombreuses surprises dont un spectaculaire troupeau de quatorze Moutons du sculpteur François-Xavier Lalanne. A mi-chemin entre sculpture et mobilier, cet artiste crée un bestiaire transformable en objets fonctionnels. Les moutons qui servent de sièges font l’effet d’un troupeau lorsqu’ils sont regroupés. Anne Gruner Schlumberger fut une des premières collectionneuses à acquérir les moutons.
Josef Sima : à la recherche d’une unité parfaite
Formé à Prague, à l’Ecole des arts et métiers, à l’Ecole polytechnique, puis à l’Académie des beaux-arts, Joseph Sima se familiarise avec tous les styles picturaux des avant-gardes européennes, tenté à ses débuts par le fauvisme, puis par le futurisme. A son arrivée en France en 1921, il est un artiste reconnu dans son pays, proche du milieu dadaïste. Etabli à Paris, il devient français en 1926 et ne rompra jamais avec son pays d’origine, créant ainsi des liens entre les scènes artistiques tchécoslovaque et française.
Avec les artistes dada et surréalistes Roger Gilbert-Lecomte, Roger Vailland, René Daumal et Georges Ribemont-Dessaignes, Joseph Sima fonde la revue Le Grand Jeu. Sur la base d’expériences poétiques qu’il partage avec eux, Sima élabore les principes fondamentaux de son art, privilégiant l’imaginaire, recherchant l’unité du monde et des éléments : objets et formes simples – cristaux ou œufs – qui flottent dans un espace sans limites. Après une interruption dans sa carrière due à la guerre, il se remet à peindre de grands paysages à l’espace infini, où les ocres dorés rencontrent des bleus denses. Sa conception du paysage évolue vers la recherche d’une unité parfaite, comme le montre aussi son intérêt pour l’œuf et le cristal, quête de toute une vie.
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Les Treilles, écrin de pins, de champs d’oliviers, pour artistes contemporains
Aux Treilles, les formes simples des lointaines cultures cycladiques et grecques cohabitent avec l’Antiquité réinventée par les artistes contemporains. Œuvres de Picasso réalisées après l’installation de l’artiste dans le Midi, en 1946, qui témoignent de la prégnance de l’iconographie gréco-romaine dans ses créations d’alors; celles d’un autre artiste célébrant le monde hellène et la Méditerranée, le peintre grec Alekos Fassianos qui revisite la mythologie classique, inscrivant ses protagonistes dans des situations contemporaines, tout en les représentant selon les canons anciens…
Anne Gruner Schlumberger rencontre Takis, sculpteur grec pionnier de l’art cinétique, perpétuel explorateur des liens entre l’art, les sciences et la nature. Leur complicité fut immédiate, de sa première commande, Les Sphères, conçue pour sa propriété en Grèce et ensuite transportée aux Treilles. Le domaine des Treilles conserve un ensemble exceptionnel d’œuvres de l’artiste dont certaines, monumentales, ont été réalisées sur place. Dès 1955, il intègre des éléments métalliques, rebuts du monde industriel, longues tiges, sondes, vis, bobines, qui donnent naissance à ses œuvres les plus emblématiques : des fleurs et des signaux, d’abord rigides puis souples et ondoyants, et des éoliennes, vastes sémaphores colorés qui tournent sur eux-mêmes au gré du vent.
Trésors de la Fondation des Treilles
Arp, Brauner, Ernst, Picasso, Takis…
21.01 – 29.05.2022
FONDATION DE L’HERMITAGE
Route du Signal 2
CH – 1018 Lausanne
tél. : +41 (0)21 320 50 01
www.fondation-hermitage.ch
Du mardi au dimanche de 10h à 18h, jeudi jusqu’à 21h
Billetterie en ligne :
www.fondation-hermitage.ch/billetterie
L’exposition est accompagnée d’un ouvrage richement illustré, comprenant plusieurs essais sur la collection et ses artistes phares. Placé sous la direction de Marie-Paule Vial, il est publié en coédition avec les Editions Snoeck, Gand.