Maison de Colette aux Monts-Boucons Besançon

« J’ai failli rester prise aux charmes des Monts-Boucons. Vieux arbres fruitiers, cerisiers et mirabelles ; murs épais, impétueux feux de bois, sèches alcôves craquantes – il s’en fallut de peu que de bourguignonne je ne tournasse bisontine, tout au moins franc-comtoise », écrivait Colette qui vivra six mois chaque année, pendant huit ans, en ces lieux tant appréciés, au-dessus de Besançon. 

Les 22-23 juin 2019, la maison des Monts-Boucons, tant aimée de Colette, était ouverte au public qui, venu nombreux, a pu découvrir l’empreinte de l’écrivain : les meubles authentiques, le parc extraordinaire avec ses grands arbres, son petit pont avec sa doline, vestige peut-être d’une carrière antique… Un environnement heureux dont l’écrivain gardera un vif souvenir toute sa vie.

En 1900, Colette a 27 ans. Romancière, actrice de music-hall et journaliste, elle est alors l’épouse et le « nègre » de son mari, Henry Gauthier-Villars, dit Willy, qui descend par son père d’une vieille famille de Franche-Comté. Le couple fera plusieurs séjours près de Lons-Le-Saunier, au chalet Les Sapins, propriété de la famille Gauthier-Villars. En remerciement des premiers tomes des Claudine écrits par Colette mais signés de son nom, Willy acquiert pour 40’000 francs le domaine des Monts-Boucons, à proximité des Tilleroyes, au-dessus de Besançon. Colette y est heureuse et affectionne particulièrement la fraîcheur d’un sous-bois où un petit pont de pierre surplombe un ravin en forme de grotte. Elle monte à cheval « comme un homme », fait placer des agrès dans un bosquet d’arbres afin d’y entretenir sa forme physique.

Monts-Boucons Besançon Avec Lionel Estavoyer et JL Fousseret Monts-Boucons Besançon Florent Werguet, Lionel Estavoyer, JL FousseretJuin 2019 : Lionel Estavoyer, Jean-Louis Fousseret, avec Florent Werguet et Marie-Laure Bassi //
Jean-Louis Fousseret, Patrick Bontemps, adjoint au maire délégué à la Culture et au Patrimoine historique, et Lionel Estavoyer.

La propriété, entourée d’un parc de quatre hectares arborés – hêtre pourpre panaché, marronniers, épicéa, lauriers du Portugal, tilleuls bicentenaires… – que Colette affectionne, ressuscitera sous le nom de Casamène dans La retraite sentimentale. Elle l’évoquera également dans Mes apprentissages : « A la moindre sollicitation de ma mémoire, le domaine des Monts-Boucons dresse son toit de tuiles presque noires, son fronton Directoire, qui ne datait sans doute que de Charles X, peint en camaïeu jaunâtre, ses boqueteaux, son arche de roc. La maison, la petite ferme, les cinq ou six hectares qui les entouraient, M. Willy sembla me les donner : ” Tout cela est à vous “Trois ans plus tard, il me les reprenait : Cela n’est plus à vous, ni à moi “. Le verger, très vieux, donnait encore des fruits, maigres et sapides. De juin à novembre, trois ou quatre années de suite, j’ai goûté là-haut une solitude pareille à celle des bergers ». Car le couple se sépare et le domaine est vendu par Willy, en 1908, à l’insu de l’écrivain. Elle se rendra à Besançon en décembre 1907 pour la préparation de l’acte de vente, signé le 7 janvier suivant : «…et ça me fait au cœur une sale petite plaie qui ne se referme pas ».  

En 2001, la ville de Besançon a sauvé de la destruction cette belle et grande propriété, sise sur un domaine de 3,8 ha, à cinq kilomètres du centre-ville. Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon, est à l’origine de son rachat par la ville en 2001 : « Il fallait que la ville puisse acquérir ce lieu magnifique. La propriété et son terrain ont coûté 300’000 euros. Nous avons également acheté pour 20’000 euros le mobilier de Colette à la fille de Maurice Boutterin, architecte, 1er Grand Prix de Rome et concepteur, entre autres, du plan d’embellissement de Besançon. Depuis, d’autres projets ont été notre priorité comme le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, et l’ouverture de la maison natale de Victor Hugo. Mais la maison chère à Colette est bel et bien préservée. Elle n’est pas à l’abandon, elle a été entretenue pendant toutes ces années et sécurisée ; un jardinier y vit et prend soin tant de la maison que du parc où les biches gambadent en liberté ».

Monts-Boucons maison de Colette Besançon Armoire

Monts-Boucons maison de Colette Besançon papier peintMonts-Boucons maison de Colette Besançon fauteuil

Une suggestion de Lionel Estavoyer, conservateur en charge du patrimoine, donne l’idée au maire d’ouvrir la maison des Monts-Boucons au public. Ce sera chose faite le week-end des 18-19 juin 2019; grâce à l’immense travail accompli par les menuisiers qui ont poncé le parquet, refait les cheminées, par les peintres s’occupant délicatement du papier peint, par les ateliers de la Ville qui ont redonné vie aux meubles anciens, à la restauratrice d’Ornans restituant leur beauté aux deux lustres, sans oublier la Mission du Patrimoine historique qui a retrouvé des lettres de l’écrivain à la Bibliothèque municipale. Florent Werguet, son secrétaire général et Marie-Laure Bassi, sa directrice en témoignent.

Monts-Boucons maison de Colette Besançon caricature sur le murMonts-Boucons maison de Colette Besançon billard

Monts-Boucons maison de Colette Besançon queues de billard

Dans des vitrines, sont présentés des fac-similés de lettres de Colette, dont celle de la commande de médicaments envoyée à son pharmacien de Besançon : « Rassurez-vous, ce n’est pas pour empoisonner Willy, c’est pour le décongestionner… ».
Dans la dernière lettre achetée récemment par la Bibliothèque municipale de Besançon, Colette, alors à Paris, explique à sa correspondante combien elle s’ennuie des Monts-Boucons et confie son envie d’y passer l’hiver,  ce qui ne lui ferait pas peur tant elle se remet mal à la vie citadine… Visite des pièces du rez-de-chaussée. Le salon comporte une belle armoire, un fauteuil recouvert de tissu indienne, une cheminée. « En enlevant le miroir accroché au mur, un petit élément de papier peint de Colette nous renseigne énormément », explique le guide. « L’écrivain  fournit par écrit des centaines de références à sa présence aux Mont-Boucons “Ces ouvriers de Besançon plantent un clou, ils se reculent et ils disent : Oh il est beau ce clou !“. Derrière le fragment de papier peint, on a retrouvé la représentation de deux femmes, en particulier de l’une fumant un cigare. C’est sans doute là une caricature de chantier faite par les ouvriers qui travaillaient ici, pour Colette ».

Dans la petite chambre à côté, un billard a conservé son tapis d’origine. Suspendues au mur, les queues de billard avec lesquelles Colette a certainement joué en compagnie de nombreuses célébrités du Tout-Paris d’alors, invitées aux Monts-Boucons.

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Monts-Boucons maison de Colette Besançon salle à mangerMonts-Boucons maison de Colette Besançon salle à manger armoire

La pièce la plus impressionnante, dont le décor est particulièrement évocateur, est la salle à manger. Au dos de l’armoire, expédiée de Paris via les Monts-Boucons, on peut lire : Pour M. Willy Gauthier Villars, Domaine des Monts-Boucons près Besançon.

Dans ses écrits, Colette évoque son mobilier : la salle-à-manger avec ses deux dressoirs Mapple – mobilier anglais de l’époque –, ses fauteuils et ses chaises aux dossiers hospitaliers comme la très belle suspension.

Après la vente de la maison bisontine, Colette profitant de plusieurs occasions, notamment des spectacles de pantomime au Casino des Bains ou d’une conférence, en 1932 au Kursaal, reviendra à Besançon.

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Dans le parc, des chaises longues monogrammées ” L’air(e) du Temps” attendent les visiteurs, et sur une table des œuvres de Colette, à disposition de tous. A découvrir ou à relire. Des orchidées sauvages côtoient les herbes folles…

Le conseil municipal de la ville de Besançon peut s’honorer d’avoir attribué un nom de chien à un espace public. « C’est la seule ville en France qui a baptisé un square du nom d’un chien, celui de Toby Chien, bull bringé ayant appartenu à Colette (Dialogues de Bêtes) ».

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Très enthousiaste à l’idée de pouvoir dévoiler pour la première fois au public cette demeure des Monts-Boucons, l’espace d’un week-end, Jean-Louis Fousseret a décidé d’intégrer le domaine cher de Colette à la programmation des Journées européennes du patrimoine.

Et le maire de Besançon lance un appel : « Après tout pourquoi ne pas créer une fondation ? Il faudrait un ou deux millions, mais surtout un projet. Et cela, dans les années à venir… ». Un jour, les volets blancs rouvriront définitivement et la romantique petite demeure bisontine, telle une belle endormie, reprendra vie pour accueillir artistes, écrivains, architectes…

Monts-Boucons Besançon photo ancienne 1973Monts-Boucons Besançon avec M. Boutterin 1963 portrait de Colette par Della Sudda  (Collection particulière).Photos ci-dessus : Bibliothèque municipale de Besançon / Photographie de Bernard FAILLE représentant la villa des Montboucons à Besançon en janvier 1973 / cote : fonds Faille, n° 720 // Photographie de Bernard FAILLE représentant la villa des Montboucons à Besançon et Maurice Boutterin en septembre 1963 / cote : fonds Faille, n° 326 // Ci-contre : le portrait de Colette par Della Sudda  (Collection particulière).

Lionel Estavoyer : « Cette petite maison datant des années 1720, se trouvait au milieu des vignes. Elle fut agrandie à la fin du 18ème ou sous le 1er Empire pour devenir une élégante résidence. En été, les familles bisontines quittaient la chaleur du centre ville pour aller prendre l’air à la campagne. La demeure appartenait à la famille Thaler. Un camarade de régiment de Willy, M. Bruneteau, répondant à la sollicitation de ce dernier, lui achète cette propriété qui comprenait les grands prés en contrebas et une petite ferme. Huit ans plus tard, Henry Gauthier-Villars la revend à son ami Bruneteau sans rien en dire à Colette qui gardera jusqu’à la fin de sa vie une réelle nostalgie de son domaine des Monts-Boucons. C’est une maison vivante, une vraie maison d’écrivain où elle a rédigé plusieurs œuvres importantes  : Les Dialogues de bêtes,  L’ingénue libertine ,  Claudine à Paris ,  Claudine s’en va ,  Minne ,  La Retraite sentimentale…  ».

La maison de Colette sera ouverte lors des Journées européennes du patrimoine, le samedi 21 septembre 2019 de 14 h à 18 h
et le dimanche 22 septembre de 10 à 18 h, sans interruption. Entrée gratuite.

 Maison Colette, 41 chemin des Montboucons, 25000 Besançon (France)

Texte et photos sans mention : Françoyse Krier

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