Visite guidée à la Croix-Rousse, sur les traces de la soierie et des canuts. Découverte des Musée des tissus et musée des Arts décoratifs, avant le rendez-vous au Palais de la Bourse pour “Silk in Lyon” qui met en valeur le savoir-faire et l’excellence d’une filière 100 % Made in Lyon !
Les fils de soie sont sélectionnés individuellement – ici 16’000 fils. Le miroir sert à visualiser l’autre côté du tissage.
La maison des Canuts, le site touristique «le plus visité au m²» de Lyon
Directeur de la Maison des Canuts, Philibert Varenne est intarissable sur l’histoire des Canuts et se lance dans la démonstration du tissage de la soie sur l’un des trois métiers que l’on peut voir dans le bâtiment situé de l’autre côté de la rue. Deux sont des « Jacquard », le troisième, dit « à lacs », date du XVIIème siècle. Ce vrai passionné décrit également l’atelier du canut qui comprenait de grandes fenêtres afin de pouvoir travailler sur un ou plusieurs métiers à tisser, ainsi qu’un lieu de vie aménagé à côté : cuisine pourvue d’un évier de pierre et d’un fourneau (à charbon), et au-dessus une soupente (ou suspente) qui accueillait une ou deux paillasses (matelas en paille posés à même le sol). “Actuellement, explique-t-il, la soie s’utilise à 50% pour les vêtements, 10% pour l’ameublement, 40% pour la technique : airbus, airbags, etc. De grands établissements ont passé d’importantes commandes : Le Palais de l’Elysée, le Château de Versailles, l’hôtel Meurice à Paris… En Suisse, l’hôtel Royal Savoy à Lausanne… Pour ne citer que ces adresses. La commande la plus coûteuse : le ployant de Louis XIV à Versailles, or et soie, supportant un carreau de velours de soie à la riche passementerie d’or”.
Un métier créatif qui se renouvelle. ” Vivre libre en travaillant, ou mourir en combattant “, telle est la devise des Canuts.
La soierie fait partie de la mémoire lyonnaise
La soie fut d’abord une découverte chinoise (XVIIème-XIème siècles av. J.-C.) et le restera jusqu’au VIème siècle, époque où des vers à soie et la technique de fabrication furent subtilisés et ramenés en Occident. Si Louis XI prit la décision en 1466 de produire la soie à grande échelle à Lyon, c’est sous l’impulsion de François Ier que la soierie est officiellement implantée à Lyon en 1536.
Première étape de la fabrication de la soie : l’élevage des vers à soie, les cocons…
L’élevage de vers à soie conduit à la construction de nombreux bâtiments et, notamment, de magnaneries. Les paysans trouvent alors dans l’acclimatation de mûriers une source nouvelle de revenus. La Grande Fabrique est mise en place, organisation originale regroupant l’ensemble des acteurs impliqués dans le tissage : les Canuts (maîtres tisseurs) qui tissent sur leurs propres métiers ; les Soyeux (marchands-fabricants) qui reçoivent les commandes, fournissent la matière première et le dessin aux Canuts. Et les professions autour de ceux-ci : montage des métiers à tisser, entretien des outils, procédés de création, guimpiers, teinturiers…
Au 17ème et 18ème siècles, 15’000 métiers à tisser occupent 40 % des travailleurs de la ville. Entre 300 et 400 marchands-fabricants font la réputation de la soierie lyonnaise qui s’impose dans toute l’Europe.
A la Révolution de 1789, la ville souffre du manque de commandes de la noblesse et du clergé et voit des soyeux émigrer vers la Suisse ou l’Allemagne. Les conditions redeviennent favorables sous Napoléon 1er qui veut décorer ses palais, habiller sa cour, et soutient la mise au point de la mécanique Jacquard.
Quelques termes utilisés : cannetière, navette (lancée ou glissée entre les fils de chaîne), cafard (pièce de verre à trous dans lequel passe le fil).
Les tisseurs installés alors dans le Vieux-Lyon manquent d’espace et de lumière. Dès 1812 commence la construction du quartier de la Croix Rousse, destiné à recevoir les ateliers de tissage et qui offre maints avantages, comme un air pur, et des impôts presque inexistants. L’architecture est fonctionnelle, avec de grandes fenêtres laissant passer la lumière et un haut espace sous plafond (4 mètres de hauteur) afin d’y installer les métiers à tisser. Ce nouveau quartier sera le théâtre des fameuses « révoltes des canuts », en 1831, 1834 et 1848.
Les révoltes des Canuts
En 1831, les Canuts décident de se réunir en association et réclament la mise en œuvre d’un tarif minimum pour le travail réalisé. De nombreux Soyeux refusent d’appliquer ce tarif minimal, provoquant la grève des Canuts. En novembre 1831, la garde nationale ouvre le feu sur les grévistes. Les Canuts affrontent la police et parviennent à prendre le contrôle de la ville. Le roi Louis-Philippe Ier envoie 20’000 soldats qui prennent possession de Lyon le 5 décembre 1831, face à des insurgés à bout de force. L’État dissout la garde nationale et interdit le concept de tarif minimum. Les Canuts se soulèveront à nouveau en 1834, pour protester contre la baisse des salaires. La grève sera réprimée dans le sang par le ministre de l’Intérieur Adolphe Thiers.
Au 20ème siècle, le déclin sera rapide, malgré quelques périodes de prospérité. De 1900 à 1920, on passe de 500 à 1300 métiers mécaniques à la Croix-Rousse. Le tissage se développe dans les régions voisines (Massif Central, Isère, Ain) ayant la place pour accueillir l’industrialisation. Aujourd’hui, seuls quelques métiers à bras subsistent pour répondre aux besoins de commanditaires prestigieux, ou pour les musées nationaux (entreprises Prelle, et Tassinari & Chatel).
Maison des Canuts 10 & 12 Rue d’Ivry / 69004 Lyon
www.maisondescanuts.fr
La passementerie, galons, rubans…
La passementerie désignait des pièces étroites utilisées pour l’ornementation des vêtements ou du mobilier (broderies, cordonnets), allant jusqu’à 30 centimètres de large. Les métiers de passementerie peuvent reproduire, sur une même structure, plusieurs petites largeurs. Les premiers métiers de rubanerie ne permettaient de tisser qu’un seul ruban à la fois. Le métier “à la barre” dit aussi ” à la zurichoise” est inventé en Suisse au XVIIème siècle. Il permet de réaliser jusqu’en vingtaine de rubans en même temps.
Les imposants métiers de passementerie, en noyer ouvragé, sont présents dans cet atelier depuis plus d’un siècle.
Madame Letourneau travaillait pour des maisons de soierie lyonnaises et leur fournissait des ornements d’église ou des galons pour l’armée. La richesse des tissus est fonction des fils utilisés, souvent des filés d’or et d’argent préparés par l’atelier de guimperie, qui était voisin. En 1978, Henriette Letourneau prend sa retraite.
Soierie Vivante, association reconnue d’intérêt général, est la seule association de sauvegarde du patrimoine de la soie à Lyon. Située au cœur de la Croix-Rousse, cette association sauvegarde les deux derniers ateliers de tissage – logis de Canuts appartenant à la Ville de Lyon, accueille le public in situ, fait fonctionner les métiers à tisser sauvegardés, et assure la conservation des techniques, des savoir-faire et des documents d’archive.
Soierie Vivante / 21 rue Richan / 69004 Lyon
http://www.soierie-vivante.asso.fr
Laize à décor de compartiments à fleuron, Turquie, XVIe siècle © musée des Tissus – Pierre Verrier
Manufacture Oberkampf, Jean-Baptiste Huet, Le Meunier, son fils et l’âne, Jouy-en-Josas, 1806. © musée des Tissus – Sylvain Pretto
Le Musée des Tissus & Arts décoratifs
Le Musée des Tissus a été créé au milieu du 19ème siècle, à la suite de la première Exposition universelle de Londres en 1851. Les fabricants lyonnais qui s’y sont rendus sont rentrés avec l’intime conviction de fonder à Lyon un musée d’échantillons et de dessins. L’objectif de l’institution était alors de maintenir l’avantage commercial des soyeux lyonnais soutenu tant par de grandes compétences techniques qu’artistiques.
Les fabricants se tournent alors vers la Chambre de Commerce qui décide de créer un musée d’Art et d’Industrie au sein du Palais du Commerce, édifié par René Dardel dès 1856. Le musée ouvre au public en mars 1864 et propose une vision encyclopédique des sources d’inspiration de toutes les branches des arts appliqués à l’industrie, présentant aussi bien des objets d’art que des textiles. Une bibliothèque est même constituée pour parachever l’équipement. Ce n’est que dans les années 1890 que ce musée prend le titre de musée historique des Tissus, illustrant une histoire universelle des textiles.
Robe à la française, époque Louis XV (1715-1774) © musée des Tissus – Pierre Verrier // Attribué à Jean-Démosthène Dugourc, Projet de fauteuil, seconde moitié du XVIIIe siècle © musée des Tissus – Sylvain Pretto.
Aujourd’hui, le musée des Tissus possède l’une des plus riches collections textiles du monde, retraçant quelque 4’000 ans d’histoire de l’étoffe et de la soierie. Il rassemble plus de 2,5 millions de textiles allant du xxve siècle av. J.-C. jusqu’à 2006, de l’Égypte pharaonique à nos jours. Les collections du musée, enrichies par donations, legs et acquisitions, se divisent en deux pôles principaux : l’Orient et l’Occident. Outre des tissus et tapisseries venus du monde entier (Egypte, Orient, Proche-Orient et Europe), le musée présente une riche collection d’œuvres lyonnaises. Il est également doté d’un atelier de restauration de tissus anciens.
Quant au Musée des Arts décoratifs contigu, inauguré en 1925 dans l’hôtel de Lacroix-Laval, il fut acheté par une Société d’amateurs lyonnais, dans l’idée de poursuivre cette œuvre d’enseignement universel de l’histoire du goût. En moins de 25 années, ces amateurs ont doté le musée de collections européennes, orientales, chinoises et japonaises, du Moyen-âge à nos jours. Il témoigne des décors intérieurs du XVIIIème siècle en présentant les tissus en situation et une importante collection d’objets, pièces d’ébénisterie et d’orfèvrerie, tapisseries et peintures.
Musée des Tissus et des Arts Décoratifs / 34 Rue de la Charité /69002 Lyon
www.museedestissus.fr
On trouve de magnifiques tissus au Marché des Soies-Silk in Lyon mais aussi de la passementerie, du fil, des boutons...
« Silk in Lyon » : 140 professionnels, 27 animations
Pendant quelques jours, en novembre, Lyon vit à l’heure de la soie. Le festival “Sylk in Lyon” valorise l’importance de la soierie dans l’histoire de Lyon et propose une programmation variée destinée à se plonger dans l’histoire de la soie et des Canuts, en retrouver les traces dans la ville et découvrir les innovations d’un secteur en mutation, entre passé et présent, révolution sociale et innovations technologiques.
Le Marché des Soies devenu « Silk in Lyon » a lieu au magnifique Palais du Commerce de Lyon, classé Monument Historique, qui abrita autrefois la Bourse. Ce marché illustre le dynamisme de la filière soie made in France. On y découvre la réalité d’une profession qui n’a qu’un devoir : celui de l’excellence. Pendant 4 jours, les plus grands fournisseurs de soieries pour le prêt-à-porter de luxe, fabricants, créateurs et designers textiles proposent leurs étoffes et créations au grand public présentent nouveautés et grands classiques : coupons de tissus au mètre pour vêtements ou mobilier mais également accessoires de mode (foulards, carrés, cravates, noeuds papillon, étoles, chapeaux, bijoux…), teintures, broderies, gaufrages, effets de lumière, mise en forme de lactose directement par le ver à soie…
L’ambiance y est exceptionnelle, les tissus magnifiques… Pour les visiteurs, c’est une opportunité exceptionnelle d’accéder à des produits d’ordinaire réservés au cercle fermé des grandes maisons de haute-couture.
Pour faire face au contexte spécifique découlant de la crise du COVID-19, le Palais de la Bourse est ravi de vous accueillir dans les meilleures conditions et a mis en place des mesures sanitaires : port du masque obligatoire, distributeurs de gel hydro alcoolique, sens de circulation défini en amont de l’événement…
Silk in Lyon // Du 19 au 22 novembre 2020
Place de la Bourse – Lyon 2ème
www.silkinlyon.com
(Texte et photos : Françoyse Krier & dp)
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