Domaine de La Doges
Le magnifique portail en ferronnerie, encadré par deux piliers de grès rouge, fine dentelle métallique (vers 1930)

Situé sur les hauts de La Tour-de-Peilz, dans le canton de Vaud, le domaine viticole de La Doges est un écrin de verdure offrant une des plus belles vues sur le lac Léman et les Alpes. Attestée par les sources dès le XVIIème siècle, a été agrandie et réaménagée au gré de ses propriétaires successifs. Léguée en 1997, avec l’ensemble de son mobilier, de ses œuvres d’art et de ses archives, à la section vaudoise de Patrimoine suisse par Monsieur André Coigny et son épouse Odette Coigny-de Palézieux. Selon les vœux des légataires, cette maison de maître doit rester le témoin d’une habitation bourgeoise des siècles passés. Depuis le début des années 2000, Patrimoine suisse, section vaudoise, en a fait son siège.

Domaine de La Doges coté sud
Domaine de La Doges côté nord

Le Domaine de La Doges présente une surface 65’000 m2 : à l’arrière des vergers et des champs, plus bas un domaine viticole de 1.87 ha légué à la Confrérie des Vignerons de Vevey. Le rural a subi diverses restaurations entre 2007 et 2017 et accueille désormais concerts et spectacles. Les mangeoires datent du 18ème siècle. Lien harmonieux entre le domaine et la campagne environnante, le vaste parc est un havre de paix et de ravissement : pièce d’eau paisible, parterres parsemés de fleurs odorantes, potager, oasis de verdure qui invite au repos, terrasse avec vue spectaculaire sur le lac et les montagnes…

Vue du Domaine de La Doges
Domaine de La Doges pressoir
Pressoir du Domaine de La Doges
Domaine de La Doges maison et parc
Domaine de La Doges pigeonnier

La Doges n’est pas un château. Il s’agit d’un domaine caractéristique de ce qu’on appelle “campagne vaudoise” comprenant un rural, et un corps de logis, généralement maison de maître. Il existait alors une douzaine de “campagnes” dans le canton de Vaud. Son premier propriétaire Jehan de Joffrey, un noble de la région, fit construire un corps de logis ainsi que la tour surmontée alors d’un toit conique. Au 19ème, suivant le courant romantique et l’attrait pour le pittoresque médiéval, l’on fit rajouter des créneaux. Signe de distinction sociale : le pigeonnier. Beurre œufs, vins étaient vendus au marché à Vevey.

Jehan de de Joffrey lègue le Domaine de La Doges à ses filles Anne-Magdeleine et Marie-Anne qui le vendent au début du XVIIIeme siècle, leur frère s’étant fortement endetté.

Vers 1750, le corps de logis est agrandi côté nord et vers l’est, doublant ainsi le volume de la maison existante. Deux pavillons aux beaux toits à la Mansart sont rajoutés de part et d’autre, l’un devenant la maison du fermier, et l’autre aile dédiée aux domestiques. Car si le XVIIIème siècle voit les barrières sociales tomber, un nouvel idéal d’intimité s’établit : on sépare les domestiques de la famille.

Au 19ème siècle, un grand balcon est rajouté à la façade sud, ce qui engendre l’ouverture de deux portes fenêtres afin d’y accéder, de même qu’au rez-de-chaussée, ce qui permet la création d’un petit salon d’été.

Au début du XXème siècle, les combles sont transformées en chambres d’enfants et chambres de bonnes. En 1913, l’architecte Adophe Burnat est sollicité pour construire deux petits pavillons à l’entrée du domaine, l’un accueillant une orangerie et l’autre appelé à devenir la loge du jardinier.

Domaine de La Doges le portail
Domaine de La Doges pièce d'eau

En janvier 1821, l’ensemble du domaine, considérablement agrandi, passe à Abraham-François de Palézieux dit Falconnet, de Vevey, dont la famille demeurera propriétaire de 1821 à 1963. : Maurice de Palézieux et son épouse Marie-Louise Du Pan-Revilliod; Jean de Palézieux qui épouse en 1944 Odette Favre. Devenue veuve, celle-ci se remarie en 1963 avec le futur ambassadeur André Coigny.

Domaine de La Doges maison de poupée
Domaine de La Doges maison de poupée intérieur
Domaine de La Doges coin repos

La “Maison de poupées”, maisonnette en bois construite dans le jardin à la fin du XIXème siècle, pour les enfants de Maurice de Palézieux : poêle, évier, dressoir avec assiettes…

Domaine de La Doges la table
Domaine de La Doges service de table
Domaine de La Doges tableau d'appel
Tableau d’appel de la petite salle à manger (1870-1880)

Maurice de Palézieux aimait organiser des invitations, des bals. Une trentaine de menus raffinés, proposés aux convives, ont été retrouvés. La collection de porcelaine et celle de l’argenterie témoignent d’un goût pour les maisons renommées.

Il n’existait pas, jadis, d’espace destiné à recevoir une table pour les repas. La coutume voulait que l’on “dresse” une table dans n’importe quelle pièce de la maison puis qu’elle soit enlevée à la fin du repas. Au XIXème, la salle à manger devient une pièce réservée à cet usage. Le Domaine de la Doges comprend deux salles à manger, dont une petite au premier étage. Armoiries gravées sur les couverts en argent, serviettes avec monogramme personnalisé et brodé, services de vaisselle – à thé et à café – en porcelaine, répartis dans des armoires murales, signés Nyon, Langenthal, Meissen, Royal Crown Derby, Limoges, Jezler… Beaux objets hérités du passé.

Domaine de La Doges intérieur
Domaine de La Doges bureau de monsieur
Le bureau de Monsieur
Domaine de La Doges buffet

Au XVIIIème, il n’existe pas d’espace défini pour le salon, la salle à manger… A partie du XIX ème, des pièces spécifiques sont destinées à devenir salon, bureau, salle à manger. Le salon est une pièce très importante, le lieu le plus vaste, le plus décoré, celui où l’on se plait à recevoir.

Le premier étage du Domaine de La Doges accueille trois salons en enfilade, pièces de réception à la décoration soignée. Le grand salon est prolongé par deux salons latéraux plus petits : boiseries, sièges cannés, fauteuils en cabriolet au tissu imprimé, glaces au cadre de bois sculpté et doré, consoles, miroirs, mobilier régional… Tout ici témoigne du goût pour le style Louis XV dans les classes bourgeoises au tournant du XXème siècle.

Domaine de La Doges salon
Domaine de La Doges dessus de porte Marie du pan de Palézieux

Dans le salon de jeu, le tableau suspendu à droite, peint en 1831 à La Doges, représente Maurice de Palézieux assis dans ce même décor, avec le tableau représentant sa femme derrière lui, à la même place…
Le dessus de porte peint par Marie du Pan de Palézieux représente des Jeunes gens au bord de l’eau, huile sur toile (1894).  

Domaine de La Doges la cuisine
Domaine de La Doges évier à la cuisine
Domaine de La Doges cuisine service de table

Cuivres étincelants, services de table en porcelaine, cuisinière du début XXème siècle qui fonctionne au bois. La cuisine du Domaine était fonctionnelle jusqu’en 1997. Trouver une personne sachant bien cuisiner était difficile : par réseau, noms transmis de bouche à oreille, ou d’après consultation des petites annonces parues dans la Gazette de Lausanne

Belle “pierre à eau” (évier) en marbre de Saint-Triphon, avec cuve supérieure qu’un domestique remplissait et d’où s’écoulait l’eau pour faire la vaisselle, un potager datant du XVIIIème siècle – des braises sur la grille permettaient de garder les aliments au chaud, les cendres étant réservées pour la lessive – et même l’ancêtre du frigidaire : de la glace extraite au glacier du Trient était placée dans le haut d’un petit meuble en bois avait fonction de conserver au frais les aliments rangés dans le bas du meuble.

Domaine de La Doges chambre de bonne
Chambre de bonne dans le pavillon nord-est. On y trouve un poële avec des fers à repasser tout autour.
Domaine de La Doges papier peint
Les papiers peints de La Doges dans un état de conservation remarquable présentent une grande diversité de motifs.
Domaine de La Doges salle de bain ancienne
Salle de bain restée telle qu’à l’époque, située au rez-de-chaussée du pavillon réservé aux domestiques.

Des ailes du domaine sont réservées aux domestiques afin d’éviter qu’ils ne croisent les membres de la famille – même dans les couloirs. Les conditions de vie de la domesticité sont rudes : un grand nombre d’heures de travail à effectuer quotidiennement et pratiquement aucune vie privée… Il existe des traces de la présence de personnel de maison, entre 1906 et 1940, au domaine de La Doges : une ou deux femmes de chambre, une cuisinière, un cocher, un aide-jardinier et une nourrice préposée au service des enfants.

Domaine de La Doges poêle blanc
Domaine de La Doges jardin d'hiver
Décor peint illustrant le printemps.
Domaine de La Doges salon d'été
Salon d’été ou jardin d’hiver…
Domaine de La Doges poêle blanc et bleu

Au nombre de sept, les poêles du corps de logis de La Doges ont été installés au gré des propriétaires successifs et des transformations effectuées dans le bâtiment : poêles entièrement blancs sans ornement, aux décors végétaux ou scènes galantes, poêle revêtu de catelles vert-de-mer ou décoré de peintures bleues… Tous sont de remarquables témoins d’époques diverses.

asda

Le Domaine de La Doges. Au temps des Palézieux dit Falconnet (1821-2021)
aux éditions Slatkine : un ouvrage collectif richement illustré retrace l’histoire du domaine.

Domaine de La Doges livre Slatkine
Deux siècles d’histoire. Sous la direction de Béatrice Lovis.
page du livre Domaine de La Doges  slatkine

Domaine de La Doges aquarelle
Vue de La Doges, aquarelle sur papier de Julie-Cécile Pictet-de Bock, 1834.

Célébrant le bicentenaire de l’acquisition de La Doges par la famille de Palézieux en 1821, ce livre collectif met en valeur les richesses patrimoniales du domaine. De manière plus générale, il apporte une contribution importante sur le développement des maisons de campagne dans la région veveysanne ainsi que sur la vie culturelle et sociale des élites vaudoises.
La section vaudoise de Patrimoine suisse souhaite faire profiter le public de ce précieux héritage à travers l’organisation d’activités culturelles. Les curieux et passionnés d’histoire, d’art et d’architecture sont reçus chaque dernier samedi du mois à La Doges pour des visites guidées gratuites. Le grand salon et le magnifique parc résonnent quant à eux plusieurs fois l’an au son des airs de jazz ou de musique 

Directrice de cet ouvrage, Béatrice Lovis a fait des études en histoire de l’art à l’Université de Lausanne. Après avoir travaillé pour divers musées et institutions culturelles en Suisse romande, elle a été engagée comme assistante diplômée au Centre des sciences historiques de la culture à la Faculté des lettres de l’Unil. En 2019, elle soutient une thèse de doctorat en  littérature française intitulée La vie théâtrale et lyrique à Lausanne et dans ses environs dans la seconde moitié du XVIIIe siècle (1757-1798), qui obtient un Prix de Faculté. Spécialiste du XVIIIe siècle vaudois et auteure de plusieurs publications, elle travaille actuellement en tant qu’historienne à l’Unil pour le projet Paysage et la plateforme numérique Lumières.Lausanne. Active dans plusieurs comités d’associations culturelles et savantes, Béatrice Lovis préside la section vaudoise de Patrimoine suisse depuis 2017.

Le domaine de La Doges. Au temps des Palézieux dit Falconnet / Slatkine
A commander via le formulaire sur le site : www.patrimoinesuisse-vd.ch  
(Fr. 45.- / frais d’envoi en sus; Fr. 30.- pour les membres de Patrimoine suisse).

Domaine de La Doges vue sur le lac et montagnes

Photos Françoyse Krier

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