En contrebas du Grand Hôtel de Caux, le splendide Caux Palace au style considéré comme néo-médiéval, a tout du « château de contes de fées » : mâchicoulis, échauguettes, tours et tourelles aux tuiles vernissées, balcons, bow-windows, galeries en encorbellement, une façade sud percée de 271 fenêtres… Tout aussi remarquable, la vue que l’on peut admirer depuis la vaste esplanade longeant l’imposant bâtiment, notamment sous un soleil radieux d’une après-midi hivernale…
Après la visite du Grand Hôtel de Caux, on accède au Caux Palace en descendant par le chemin de l’Impératrice au cours duquel on découvre, sur la droite, une chapelle anglicane bâtie en 1906, et plus bas, une chapelle catholique (1907). Des trois patinoires proposées du temps de la Belle Epoque, il en subsiste une. Au-delà des sports d’hiver courants (luge, patin à glace et bientôt le ski), on pouvait s’adonner au bobsleigh sur une piste qui était alors la plus longue d’Europe.
Aujourd’hui, le Caux Palace est la propriété de la Fondation “Initiatives et changement”, organisation caritative fondée en 1946 qui œuvre en faveur de la paix, de la justice et de la durabilité. Le bâtiment, classé comme bien culturel d’importance nationale, est également le siège de l’Ecole hôtelière suisse SHMS.
En 2024, la série « Winter Palace », réalisée par la RTS en collaboration avec Netflix, a été diffusée sur les écrans de télévision, avec en toile de fond le Caux Palace choisi comme l’un des lieux de tournage de huit épisodes retraçant la vie des pionniers du tourisme et de l’hôtellerie de montagne. Fresque recréant l’atmosphère de la fin du 19ème siècle, y compris une scène de bal. Tournée en grande partie dans le Binntal (VS), la série montre un palace fictif, résultat d’un mélange de l’hôtel Righi de Glion (VD), du Caux Palace et du Château Mercier à Sierre.
Style séduisant et charme désuet
Le Grand Hôtel de Caux et le Caux Palace faisaient partie du même complexe immobilier. Celui qui fut l’un des plus grands palaces, incarne la splendeur et l’audace architecturale de son époque, avec des dimensions colossales aussi bien intérieures qu’extérieures. Réalisé par l’architecte vaudois Eugène Jost, il fut inauguré en grande pompe le 7 juillet 1902, en présence de Robert Cossy, président du Conseil d’État. Ouvert avec succès à une clientèle internationale, fascinée par ce luxe et ce prestige, deux à trois semaines d’attente sont parfois nécessaires avant d’avoir le privilège de pouvoir y séjourner.
Anne Catherine Sutermeister, responsable de l’engagement communautaire, au cœur de la Fondation Initiatives et Changement, fait part d’une annonce parue dans une édition du New York Times de l’époque, incitant à s’y rendre et y rester plusieurs mois afin de profiter de la beauté des lieux, du calme, et de profiter de tous les bienfaits . Une publicité dans un journal londonien retrouvée aux Archives de Montreux annonce : ” en 17 heures, vous êtes au Caux Palace” ! Parmi les personnalités reçues, on cite, entre autres, les noms de Sacha Guitry, Scott Fitzgerald, Paul Morand, Romain Rolland, Edgar Wallace, John D. Rockefeller, Arthur Rubinstein, du Maharadjah de Baroda…
Le mobilier, également préservé, avait été spécialement créé pour lui, en bois de citronnier qui préservait des mouches et moustiques
Contrairement aux hôtels traditionnels, le client doit parcourir un long trajet entre l’entrée de l’hôtel et sa chambre et peut donc admirer les dimensions des espaces traversés, la variété des luminaires, le luxe du décor, et le confort des chambres dotées d’un mobilier d’époque, de double vitrage, chauffage, téléphone, électricité, balcon avec vue, sonnette pour appeler le personnel, salle de bain privative… A l’inauguration du Caux Palace, il avait six salles de bain par étage, summum du luxe à l’époque !
Revers et remaniements…
Le 1er août 1914 sonne le glas de la croissance du tourisme de luxe et les hôtels se vident. Le 10 août, le Grand Hôtel ferme et les derniers clients sont transférés au Caux Palace. En 1917, Ami Chessex décède après avoir lutté pour maintenir à flot son entreprise. A vrai dire, les hôtels de Caux ne répondent plus vraiment aux exigences de l’hôtellerie de luxe.
1929 : le sytème du tourisme a changé. Désormais, on ne vient plus pour passer plusieurs mois, quelques semaines tout au plus. A partir de 1937, les pertes s’accumulant, le conseil d’administration met en vente le Caux Palace. En 1938, la vogue du ski relance partiellement Caux. Le Caux Palace s’appelle désormais Hôtel Esplanade et cherche à attirer une clientèle moins huppée, voire très modeste. En 1941, la société de l’Hôtel Régina est déclarée en faillite. Le Caux Palace, fermé dès les premiers jours de la guerre, rouvrira de mai à octobre 1944 pour héberger des aviateurs anglais et américains évadés de camps de prisonniers, puis, d’octobre 1944 à juillet 1945, ce seront des réfugiés civils italiens, et de décembre 1944 à juillet 1945, des réfugiés juifs venus de Hongrie. Robert Auberson, gardien du palace, a pu mettre à l’abri vaisselle et meubles, mais suite aux séjours forcés à Caux, bon nombre d’éléments à valeur de revente (poignées de portes, serrures, robinetterie, etc.) disparaissent.
C’est en 1946 qu’Initiatives et Changement, connu à l’époque sous le nom de Réarmement moral, achète le Caux Palace pour en faire son principal centre de rencontres en Europe. L’idée en revient au Genevois Philippe Mottu, diplômé de théologie et de sciences politiques, qui travaille au Département politique fédéral (ministère des affaires étrangères). Afin d’honorer la traite de 450 000 francs à payer au 1er juillet, les dons affluent de toute la Suisse ainsi que des dons en nature – tapis, tableaux et mobilier – pour remeubler le Caux Palace. Dès l’été 1946, trois mille personnes séjournent à Caux. Des dortoirs sont installés et une partie des participants sont hébergés dans les autres hôtels désaffectés de Caux. Entre 1946 et 1947, de nombreux travaux sont réalisés au Caux Palace qui aborde une autre destinée : transformation de la salle de bal en théâtre, nouveau hall d’accueil plus spacieux…
L’élégance intemporelle d’un palace
De nombreuses opérations de maintenance du bâtiment ont été pratiquées par la Fondation de Caux, comme les tuiles vernissées importées de la région de Dijon pour la rénovation du toit, et la transformation de la salle à manger, en 1959, avec ajout d’une fresque du peintre finlandais Lennart Segerstråle. La grande salle et ses 12 mètres de hauteur est la pièce la plus spectaculaire du Caux Palace, dotée d’un décorum moyenâgeux avec fresques représentants de preux chevaliers, blasons, colonnes en faux bois et nombreux trompe-l’œil… 2007 et 2008 marquent la rénovation de cette grande salle avec le nettoyage des fresques du plafond unique par son style de décoration et sa forme de coupole et des murs de l’imposant Grand Hall décoré en 1902 par le peintre bernois Otto Haberer.
Le théâtre baroque qui ouvrait sur le hall principal était une salle de bal avec fenêtres. Comme au Montreux Palace, un jeu des miroirs donne l’impression d’un espace démesuré. “La scène, très modeste, n’est pas équipée pour des pièces de théâtre”, mentionne Anne Catherine Sutermeister. ” En-dessous, se trouve une vaste pièce, réservoir de costumes et accessoires en bon état, utilisés par le Réarmement moral pour des spectacles.” Le Grand Hall et le Théâtre baroque peuvent accueillir jusqu’à 385 personnes. Avec plus de 20 salles et espaces de réunion – Salon des Dames, Salon du Pasquier et la Belle Époque – un large éventail d’options est offert pour des présentations de conférences et réunions.
A partir de 1995, l’école Swiss Hotel Management School (SHMS) loue le Caux Palace pour la durée de chaque année scolaire, le bâtiment étant rendu aux rencontres d’Initiatives et Changement pendant les mois de juillet et août.
Fin 2015, la Fondation la Fondation Caux-Initiatives et Changement a également fait remplacer le système de chauffage, passé au bois local plutôt qu’au mazout, ce qui permet d’abaisser les émissions de CO2 d’origine fossile de quelque 590 tonnes par an.
Les ateliers de menuiserie, les anciennes buanderies avec le séchoir d’époque encore utilisé.
Rapprocher les gens et libérer la créativité
Le Caux Palace est un lieu ouvert à la culture, à la créativité et au dialogue qui accueille, chaque année, des événements culturels et artistiques en partenariat avec la Saison Culturelle de Montreux, Septembre Musical et d’autres partenaires locaux. L’une des initiatives phares de cette ouverture au public est l’événement Rencontres à Caux. Au programme : conversations et rencontres, repas partagé, concerts…
Du 29 novembre au 6 décembre 2025, le Caux Palace a accueilli la troisième édition des Émergences musicales : proposition faite à de jeunes talents de participer à des séances privilégiées pour apprendre à écrire et composer ensemble, dans un décor hors du commun. Et le soir, des concerts ouverts au public dans l’intimité du théâtre du Caux Palace, proposés par des artistes de renom.
Fondation Caux Initiatives et Changement : www.caux.ch/fr
VISITES GUIDEES
La visite commence par le Grand Hôtel de Caux, agrémenté d’un goûter (gâteaux maison, biscuits, thé, café), et se poursuit au Caux Palace.
Dates des prochaines visites :
28 février 2026 – 13 h 15 – 17 h ~ 18 avril 2026 – 13 h 15 – 17 h ~ 9 mai 2026 – 13 h 15 – 17 h
Informations : cauxpalace.ch
