En cette année 2019 où l’on célèbre les cent ans du Bauhaus, le Kunstmuseum Bern consacre une exposition à Johannes Itten (1888-1967), grand artiste suisse et maître du Bauhaus. Il s’agit, pour la première fois, de mettre en lumière le projet utopique d’Itten : faire fusionner l’art et la vie. A voir jusqu’au 22 novembre 2020.
Pour Johannes Itten, l’art et la vie sont étroitement liés – ce qui est rarement le cas chez les artistes. Ses expériences personnelles et ses réflexions sur le monde se reflètent dans son art de diverses manières. Les journaux et carnets d’esquisses, qui accompagnent la pratique artistique d’Itten à partir de 1913, constituent les pièces principales de l’exposition. Ils ont récemment fait l’objet de nouvelles recherches et donnent lieu à une première présentation de grande ampleur.
Exploration du monde par le dessin
Dans cette exposition, l’interaction entre des pièces majeures de l’oeuvre picturale d’Itten et de nombreuses pages de ses journaux permet de porter un regard neuf sur une forme jusque-là inconnue d’exploration du monde par le dessin et sur les processus de création reposant sur ces principes. Au coeur de l’exposition se trouvent les journaux d’Itten, qui ont fait l’objet de nouvelles recherches et sont exposés ici dans une ampleur inédite. Ces journaux, qui sont aussi ses carnets d’esquisses – des blocs de plusieurs centaines de pages –, révèlent pour la première fois l’ensemble des thèmes abordés dans ses travaux. Ils permettent de comprendre non seulement les réflexions révolutionnaires d’Itten sur l’art, et notamment sur la théorie des couleurs, mais aussi ses idées concernant un enseignement élémentaire de l’art et ses études encore largement méconnues sur les maîtres anciens. Ils donnent également accès à certaines de ses lectures sur les idées ésotériques et scientifiques de son temps.
Idées en lien avec ses notes sur la vie quotidienne
Ses carnets d’esquisses montrent un artiste pris en permanence dans le processus de la conception, de la réflexion artistique et du passage de l’abstraction à la représentation de l’objet. Notations précises et croquis – comme la naissance de son fils qu’il documente, en tant qu’artiste et père, en réalisant des esquisses. On y retrouve des idées sur l’alimentation végétarienne, les techniques de respiration, la gymnastique rythmique et d’autres éléments de l’époque censés transformer la vie dans la perspective de la Lebensreform durant les premières décennies du 20ème siècle. Certaines des conceptions historiques et culturelles d’Itten sur le développement sont inextricablement liées à sa saisie de l’art ; et celles-ci présentent des traits nettement racistes – en particulier dans ses conférences –, comme en témoignent des manuscrits de ces conférences datant des années 1920. Dans des formulations déconcertantes pour nous aujourd’hui, évoquant par exemple la « race blanche en qui Dieu se reconnaît », ces conceptions donnent une idée des structures de pensée élitistes alors largement répandues dans les cercles de l’avant-garde européenne.
Là, Itten se montre influencé, entre autres, par les conceptions théosophiques du monde et par les notions de développement présentes dans la doctrine de Mazdaznan. Au début du 20ème siècle ce type d’idées fleurit en raison des contacts qui s’intensifient, à l’époque du colonialisme, avec d’autres cultures du monde. Comme bon nombre d’intellectuels de son temps – Rudolf Steiner joue ici un rôle primordial –, Itten se reconnaît dans des philosophies racistes de la culture.
L’exposition est conçue comme un parcours qui retrace les différentes étapes de la vie de Johannes Itten, de 1913 à 1938 ; elle permet de découvrir de nouvelles facettes de l’artiste et la diversité de sa création. L’exposition suit l’évolution d’Itten, de ses débuts en Suisse jusqu’à ses différents lieux de vie – à Stuttgart, Vienne, Weimar et Herrliberg ; elle inclut également ses engagements à Berlin, Krefeld et Amsterdam, avant qu’il ne rentre en Suisse, à une époque où l’Allemagne le considère comme un artiste « dégénéré ».
L’exposition du Kunstmuseum Bern sera présentée ensuite au Kunstforum Hermann Stenner, à Bielefeld (du 8 mars au 28 juin 2020).
Kunstmuseum Bern – Johannes Itten : l’art, c’est la vie. Utopies du Bauhaus et documents de réalité
Jusqu’au 22 novembre 2020
Hodlerstrasse 8, 3011 Bern
www.kunstmuseumbern.ch
Johannes Itten Kinderbild, 1921/1922 Öl auf Holz 110 x 90 cm Kunsthaus Zürich, 1964 © 2019, ProLitteris, Zürich Foto: Kunsthaus Zürich // Johannes Itten Zeichnender Junge, 1926 Bleistift und Farbstift auf Papier 22 x 16.7 cm Privatbesitz © 2019, ProLitteris, Zürich // Johannes Itten Komposition in Blau, 1918 Öl auf Leinwand 120 x 80,5 cm Depositum der Schweizerischen Eidgenossenschaft, Bundesamt für Kultur, Gottfried Keller-Stiftung © 2019, ProLitteris, Zürich // Johannes Itten Selbstbildnis, 1928 Öl auf Leinwand 44 x 36 cm Privatbesitz © 2019, ProLitteris, Zürich // Johannes Itten Blatt aus Tagebuch VI, Krefeld, 14. Juni 1937 bis evtl. 1941 Bezeichnet recto und verso, 1937 – 1941 Gouache, Tinte / Gouache, Tinte 29 x 22.9 cm Kunstmuseum Bern, Johannes Itten-Stiftung, Bern © 2019, ProLitteris, Zürich // Johannes Itten Alles in Einem, 1920 Aquarell und Tusche 29 x 23 cm Kunstmuseum Bern, Johannes-Itten- Stiftung, Bern Schenkung Matthis Itten © 2019, ProLitteris, Zürich // Johannes Itten Lichtkreis, 1915 Öl auf Leinwand 57 x 49 cm Albertina, Wien. Sammlung Batliner © 2019, ProLitteris, Zürich // Johannes Itten Einatmen, ausatmen, 1922 Farbstift und Aquarell auf Papier 30 x 30 cm Privatbesitz © 2019, ProLitteris, Zürich //