Livre Jean-Marie Périer Chroniques d'un dilettante

Pourquoi dilettante ? Parce que c’est le résumé de ma vie.
Depuis l’âge de seize ans, je n’ai cessé de changer de métier, de pays, de compagne, jamais en professionnel, seulement en amateur de mes professions. Je dois sans doute cette légèreté à un attachement particulier envers mon grand-père Jacques Porel. Je me suis toujours senti proche de lui. Fils de la grande Réjane, dernier des  « boulevardiers » avec Alphonse Allais et Tristan Bernard, sa fonction consistait à briller en société. Doué pour tout mais indispensable à rien, il traversera joyeusement sa vie, néanmoins habité par « un peu de désespoir » comme il l’écrira plus tard. Comme lui, même durant ces formidables années 1960, je me suis toujours senti plus proche des débuts du siècle dernier (notre seule différence, il n’a jamais travaillé de sa vie, moi tout le temps).

Pour un dilettante, seul le sentiment compte. S’il entreprend, c’est par amour, voire par passion, et toujours par plaisir. Confronté à l’obligation de gagner sa vie afin de subvenir aux besoins de sa famille, il a soudain la méchante impression de s’égarer dans le raisonnable, c’est alors qu’avec délectation il se méprise un peu. 

Parer au plus pressé de la bonne éducation bourgeoise ne l’empêche pas de s’étourdir en accordant plus d’importance à un avenir éventuel qu’à la réalité du triste quotidien. Être en condamné à la lucidité d’un présent raisonnable ne lui fait jamais oublier le ridicule de se penser sérieux, c’est pourquoi le dilettante accorde plus de crédit aux souffles du vent qu’aux prudences réfléchies de ceux qui veulent « arriver dans la vie ». Cette dernière étant perdue d’avance, la passion de la beauté du geste le mènera généralement à la ruine, c’est bien la moindre des choses. Il n’y a sûrement pas lieu d’en être fier, mais je me sens de cette famille-là. Aussi, grâce à cette façon d’envisager l’existence, je me suis attaché à beaucoup de gens au hasard des rencontres, femmes ou hommes, peu importe. Et c’est avec un bonheur dont je leur sais gré à jamais que je raconte dans ce recueil comment les gens que j’ai croisés restent les seules joies qui valaient vraiment la peine.

Bien sûr, ce curieux chemin ne me conduira jamais vers ce qu’il est convenu d’appeler une « carrière », il ne m’aura pas mené loin, car sautant joyeusement d’une vie à l’autre, en voulant être partout, je me suis un peu retrouvé nulle part, mais quelle importance ? Une chose est certaine, ça valait la peine d’être vécu. 

Chroniques d’un dilettante 
par JEAN-MARIE PERIER
aux éditions Calmann-Lévy

(sortie le 3 novembre)

dilettante – (italien dilettante, de dilettare, du latin delectare, se plaire à)
1. Personne qui s’adonne à une occupation, à un art en amateur, pour son seul plaisir.
2. Personne qui ne suit que les impulsions de son plaisir, de ses goûts, qui exerce une activité de manière fantaisiste : Vivre en dilettante.

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