Même amputé d’une petite partie de son programme, le festival à ciel ouvert Annecy Paysages a résisté à la Covid-19. Pour
cette troisième édition, 27 œuvres ont été dispersées aux quatre coins de la ville. A découvrir créations et réactivations de pièces végétales et plastiques tout en flânant le long du canal, aux abords du lac, dans les petites rues pavées, les vastes et beaux parcs… Et ce, jusqu’au 27 septembre.
Depuis sa première édition, ce festival à ciel ouvert pose la question de la culture et de l’art dans l’espace urbain, dans la nature, espaces patrimoniaux ou espaces naturels. Le concept du Festival 2020 reste le même : un parcours culturel et touristique ponctué d’œuvres d’art insolites, proposé par paysagistes, artistes, plasticiens, architectes. Parmi les 27 œuvres, cinq reviennent, neuf restent visibles toute l’année, et treize nouveautés sont à découvrir.
Un festival sur mode de déambulation
Disposées le long de la promenade d’Albigny, six sphères colorées, gonflables et flottantes de 4,5 mètres de diamètre ouvrent le regard sur la grande perspective du lac. Les formes ballottantes évoquent des planètes, la lune, des cellules, des bactéries… Le titre Out/Elodie – d’Elsa Tomkowiak (FR) – empreinte le prénom donné à un spectrographe, qui a permis de découvrir la première exoplanète. Dans le monde ancien, on pensait que le ciel s’organisait en harmonie, entre sphères parfaites, pour un ciel en concert perpétuel…
Une embarcation est arrimée sur les eaux claires du Thiou, devant le Palais de l’Île, anciennement prison. Le Trois-mâts de Bob Verschueren (BE) invite le promeneur à rêver à d’autres horizons. Image inattendue et poétique : trois jeunes ginkgo biloba sont érigés sur le pont, solidement fixés au fond de cette barque.
Le Wicker (osier en anglais) Pavilion de Didzis Jaunzems (LV) offre un lieu de détente et de méditation au cœur des Jardins de l’Europe. Mêlant design contemporain et matériaux traditionnels, cette structure en bois quadrillé, recouverte de 259 cônes traditionnels en osier, s’intègre parfaitement dans le paysage naturel.
On raconte que les volatiles de la région ont érigé une tour de Babel à Annecy. Peut-être est-ce cette impressionnante cité ancrée au sommet d’un arbre curieusement retourné dans les Jardins de l’Europe ? Implantations est une cité pour oiseaux, une sorte d’ « arbre-immeuble » utopique constituée d’une multitude de nichoirs. Vision poétique absurde car les oiseaux ne se regroupent pas comme les êtres humains… Cette installation fait écho aux migrations régulières des oiseaux mais aussi à celles des hommes. À travers son œuvre, Bob Verschueren cherche à exprimer la richesse qu’offre une implantation non agressive.
Tout proche, voici un coquillage métallique géant… Contrastant avec la nature verdoyante, cette sculpture reflète notre monde moderne. Fabriquée avec des matériaux naturels et durables, L’Origine fait résonner la relation entre l’homme et la nature. L’installation invite le spectateur à entrer dans l’œuvre pour vivre une expérience interactive, réveiller ses sens et développer ses perceptions. Sculpteur et architecte de la nature, Will Beckers explore le paradoxe de l’homme qui s’inspire de la nature alors qu’il la détruit. Un retour aux origines…
Babel 50 Annecy est un totem photographique aux dimensions monumentales dressé au cœur du Forum de Bonlieu. Jean-François Rauzier réinterprète la ville et propose trois visions d’Annecy à travers les époques et les styles architecturaux. Créateur d’univers oniriques, il nous embarque dans un voyage de redécouverte de l’espace urbain, sous le prisme d’un kaléidoscope architectural captivant. Juxtaposant des milliers de clichés pris au téléobjectif, l’artiste présente une installation immersive et interactive. En conjuguant l’infiniment grand et l’infiniment petit, il multiplie les détails passionnants et insolites. Avec ce véritable puzzle numérique, l’architecture de la ville se révèle sous trois aspects : les bâtiments autour du canal du Thiou, l’architecture des années 30 et le reste de la ville. En flashant un QR code, le public peut se plonger dans les moindres détails des photos et découvrir des anecdotes historiques sur chaque bâtiment. Un voyage à travers les ruelles de cette tour de Babel annécienne. Annecy, comme vous ne l’avez jamais vue ! (Visuel au centre)
Natures en mouvement – Transformations – Successions – Transitions : Collective R revisite le jardin traditionnel du Square de l’Évêché. Une passerelle invite le visiteur à traverser différentes plantations, constituées de plusieurs types de végétation des Alpes poussant à chaque altitude.
Le projet développe la problématique du changement climatique à travers trois thèmes : l’eau, la fonte des glaciers et les nouveaux paysages qui en découlent.
Le collectif Cultures Urbaines propose l’installation d’un potager en pleine ville. La nature reprend ses droits. Les voisins sont invités à faire vivre les potagers en y fabriquant du compost. Les productions légumières arrivées à maturité seront en libre service ! Le projet Place aux vers ! se compose d’un ensemble de modules hexagonaux en bois. A travers cette installation, il s’agit de donner vie à ces lieux, d’en faire des points d’échange et de rencontre pédagogique, de créer une véritable oasis urbaine.
Un arc géant pour propulser des arbres… à 4000 mètres d’altitude. Au-dessus de cette limite, seul le minéral est présent. L’installation est fabriquée
à partir d’arbres prélevés dans la forêt du Semnoz. Les œuvres de Bob Verschueren, fragiles et éphémères, invitent à réfléchir sur les liens parfois contradictoires entre l’homme et la nature. En plein cœur des Alpes, Question de sommets est aussi un clin d’œil aux sportifs qui veulent atteindre des sommets… réels ou imaginaires !
Vus du ciel, le lac d’Annecy et son bassin versant. Découpée, ciselée, une forme apparaît dessinant le tracé des veines d’eau du paysage. Comme à l’arrêt au bord de l’eau, la haute sculpture métallique Échappée de Sylvie de Meurville (FR), implantatée en 2018 sur la promenade Jacquet sur le Pâquier, fait face au lac réel. Jolie fenêtre poétique et ludique invitant à une échappée sur le lac et ses montagnes, mise en abîme venant sublimer le paysage. Du haut de ses quatre mètres de hauteur, cette plaque en acier inoxydable filtre la lumière offrant ainsi un autre regard sur la splendeur du site. Le temps est suspendu. Une invitation à la rêverie…
Archétype de la petite cabane rustique posée sur le lac d’Annecy, Walden Raft est à la fois une incitation à relire le paysage, autant qu’un objet support à la projection des utopies de chacun. Conçu entre opacité et transparence, l’oeuvre des artistes Elise Morin(FR)/Florent Albinet(FR) se définit à la fois comme lieu d’expérimentation, habitacle, lieu d’habitation mobile, flottant, sonore et lumineux. Cet abri est un point de guet d’où on peut voir en acceptant d’être vu.
Une balade spectaculaire et inoubliable !
Le Festival Annecy Paysages est ponctué par La Grande Balade sur le Semnoz, le week-end du 18/19 juillet : une grande balade spectaculaire à 1700 m d’altitude, sur un parcours de 4 km, le long des chemins de randonnée tout autour de la station du Semnoz. Plus de 100 artistes jalonneront votre promenade tout en douceur et en descente à partir de l’arrivée du télécabine rouvert pour l’occasion : musiciens suspendus dans les arbres, danses tout terrain, improvisations, concerts de clavecin dans les sous-bois, trampoline en plein champ, trapèzes montés dans les clairières, slackline impressionnante… Emmenez votre pique-nique !
Annecy Paysages // La Grande Balade
Bonlieu Scène nationale Annecy 1 rue Jean Jaurès – 74000 Annecy
(Photos : Françoyse Krier – Texte : dp & fk)
