Derniers impressionnistes – Le temps de l’intimité… Le Palais Lumière d’Evian présente jusqu’au 2 juin 2019 la première rétrospective consacrée au courant intimiste de la Belle Epoque. Une exposition dédiée à la Société nouvelle de peintres et de sculpteurs, la plus célèbre confrérie d’artistes d’une des périodes les plus riches de l’art Européen.
« Cette rétrospective est consacrée aux Intimistes du dernier grand courant de l’art à perpétuer les valeurs traditionnelles de la la peinture : le goût de la description, de l’évocation, de la psychologie et surtout la passion de la nature. Ces peintres qui ont remporté un vif succès de leur vivant pendant plus d’un demi siècle et qui représentaient leur pays dans toute les expositions internationales, ont été complètement oubliés après leur mort, du jour au lendemain, disparus des dictionnaires de la peinture ». Ainsi s’exprimait Yann Farinaux-Le Sidaner, arrière-petit-fils du peintre Henri Le Sidaner et expert de son œuvre, venu présenter l’exposition et qui animera le 17 mai, en regard de l’exposition, une conférence intitulée : Henri Le Sidaner et ses amitiés artistiques.
(Visuels ci-dessus : Emile René Menard Lac d’Annecy à Talloires Huile sur toile, Collection particulière / Présentation de l’exposition par Magali Modaffari, adjointe au maire en charge des grandes expositions; Yann Farinaux-Le Sidaner, commissaire de l’exposition; William Saadé, Conseiller artistique et scientifique du Palais Lumière et commissaire général de l’exposition).
Chaque printemps, à Paris, dans la réputée galerie Georges Petit, le groupe recueillait les applaudissements de tous. Issus de la glorieuse génération symboliste, ces artistes avaient respiré les mêmes parfums, et plus particulièrement celui de l’impressionnisme. Chacun d’entre eux avait son propre style, mais tous partageaient une vision sentimentale de la nature. L’intimisme a été le dernier courant majeur de l’art français à être dévoué à la nature. Les mouvements successifs de l’art contemporain s’en sont depuis écarté. Pour cela, nos artistes furent considérés à la fin de leur carrière comme les derniers représentants de l’impressionnisme.
La Bande noire –En 1889, deux cents dissidents du Salon des Artistes français créèrent le Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts. Ils furent bientôt rejoints par la plupart des novateurs de l’époque. Leurs productions à mi-chemin entre classicisme et modernité, allaient façonner le goût des décennies à venir. Un groupe de cinq amis y fit tant parler de lui qu’on lui attribua un surnom : la Bande noire, allusion au goût présumé de cette fraternité de peintres voyageurs pour les harmonies sombres. Charles Cottet, Lucien Simon et André Dauchez avaient élu la Bretagne comme terre d’inspiration, René Prinet privilégiait la Normandie, tandis que René Ménard ne cessait de parcourir les contours de la Méditerranée.
Les Amis du Nord. Le Groupe d’Etaples – La Société nouvelle naquit d’une fraternité d’artistes, partageant les mêmes valeurs ainsi que des amitiés indéfectibles. Certains d’entre eux, originaires du Nord, férus de nature, s’étaient rencontrés dans le petit village de pêcheurs d’Etaples, dans le Pas de Calais. Ils logeaient à l’auberge d’Antoine Loos qui accrochait aux murs de sa salle à manger les tableaux de ses clients acceptés en guise de paiement. Eugène Vail, un franco-américain, fut l’un des tous premiers à s’y installer bientôt rejoint par le breton Henri Le Sidaner, par le douaisien Henri Duhem et par le norvégien Frits Thaulow. Le flamand Emile Claus, figure la plus brillante du luminisme, y fit plusieurs séjours, avant qu’une centaine d’artistes, en particuliers des peintres Américains et Australiens ne s’établissent durablement dans la région.
Le Paysage – C’est peut-être dans l’art du paysage que les artistes de la Société nouvelle exprimèrent le mieux leur personnalité. Au début de leur carrière, leurs sujets revêtaient volontiers la grisaille d’un crépuscule ou le manteau d’un clair de lune, raison pour laquelle ils furent considérés comme des « paysages d’âme. » Par la suite, ils gardèrent en eux une part de rêverie. Inscrits dans la tradition, ils respectaient la prédominance du dessin et des valeurs sur la couleur. L’usage de la touche utilisée par Henri Le Sidaner ou Henri Martin – lequel, en 1885, parcourut l’Italie et y étudia les primitifs en compagnie d’Edmond Aman-Jean et d’Ernest Laurent – permettait d’obtenir une vibration et une atmosphère singulière.
Le Portrait – Les peintres intimistes de la Belle-Epoque s’imposèrent naturellement comme des portraitistes de premier plan et sans doute furent-ils les derniers grands portraitistes psychologiques. Leurs ainés, les maîtres de l’Impressionnisme qui restent parmi les plus grands paysagistes de l’histoire de la peinture, avaient connus moins de réussite dans le domaine si fragile de l’intrusion psychologique.
L’usage de la touche, qui avait fait merveille dans l’art du paysage s’avéra remarquable, sous le pinceau d’Edmond Aman-Jean, peintre, graveur et critique d’art, et d’Ernest Laurent qui, à partir de 1896, peint essentiellement des portraits féminins, lequels compteront parmi ses thèmes préférés.
C’est à partir de l’année 1900 que Le Sidaner se consacre désormais à une peinture intimiste dont se trouve exclue la figure humaine : jardins déserts, tables servies pour d’hypothétiques hôtes, campagnes solitaires, expriment une vision silencieuse et paisible avec une technique post-impressionniste. Il acquit une maison à Gerberoy, la plus petite ville de France, y créa un jardin unique et étendit à tout le voisinage son goût pour les décorations florales.
Rendez-vous parisiens – Du fait de liens d’amitiés anciennes et pour des raisons géographiques, deux clans s’étaient formés au sein de la Société nouvelle. Les artistes résidant hors de Paris, Henri Martin, Henri Le Sidaner, Henri Duhem, Emile Claus, Frits Thaulow, Albert Baertsoen et Eugène Vail se retrouvaient pour dîner dans la capitale à l’approche des vernissages. Les Parisiens, Lucien Simon, Charles Cottet, André Dauchez, René Ménard, René-Xavier Prinet, Edmond Aman- Jean, Georges Desvallières, Jacques-Emile Blanche et Albert Besnard se rendaient visite dans leurs appartements respectifs. L’unité du groupe résultait d’une grande amitié entre ses fondateurs et des liens entretenus par leurs compagnes qui avaient chacune son jour de réception.
Estampes et œuvres sur papier – Excellents dessinateurs, les artistes de la Société nouvelle de peintres et de sculpteurs surent pleinement profiter du renouveau de l’estampe à la fin du XIXème siècle. Sous la présidence de Jean-François Raffaëlli, ils se réunirent à la Société de la gravure originale en couleurs qui exposait à la galerie Georges Petit. Les lithographies d’Eugène Carrière et d’Edmond Aman-Jean, les eaux fortes d’André Dauchez et de Charles Cottet, les monotypes d’Ernest Laurent, les aquatintes de Frits Thaulow et de Jean-François Raffaëlli, connurent un très grand succès après des amateurs et des critiques. Les aquarelles d’Henri Duhem, les « intimités » d’Henri Le Sidaner et les tentatives de Xavier-René Prinet dans le domaine de l’illustration sont autant de registres dans lesquels ces artistes surent s’exprimer avec une exquise sensibilité.
Nouveaux arrivants – Le succès des expositions de la Société nouvelle attira vers elle nombre d’artistes de renom parmi lesquels Auguste Rodin. Les décisions majeures au sein du groupe étaient votées à la majorité des sociétaires. En 1902, il fut convenu d’accueillir Antonio de La Gandara ainsi que Jacques-Émile Blanche. L’année suivante, ce fut au tour de George Desvallières – peintre indépendant de toute école, qui défendit les fauves, les cubistes, les arts décoratifs – et d’Ernest Laurent. En 1906, après qu’Auguste Rodin eut accédé à la présidence, le groupe accueilli Albert Besnard et Eugène Carrière. Les deux derniers peintres à rejoindre la Société nouvelle furent John Singer Sargent, portraitiste préféré de la haute société britannique et nord-américaine, puis en 1911, Jean-François Raffaëlli, paysagiste d’origine italienne.
En conclusion, présentation d’extraits rares de film d’archives où l’on voit des scènes de la vie quotidienne d’alors, accompagnées de mélodies de Reynaldo Hahn et de Debussy, composées à cette époque. On y voit le peintre Henri Le Sidaner conduire ses hôtes à travers son jardin privé, labellisé actuellement Jardin remarquable.
L’exposition Derniers impressionnistes – Le temps de l’intimité été présentée en 2018 à Singer Laren aux Pays-Bas. Elle se tiendra au cours de l’été 2019 au musée des Beaux-Arts de Quimper ainsi qu’au musée départemental breton (21 juin – 29 septembre 2019).
Derniers impressionnistes – Le temps de l’intimité à voir jusqu’au 2 juin 2019
Palais Lumière // Quai Charles-Albert Besson, 74500 Evian // Tél. +33(0)4 50 83 15 90
www.palaislumiere.fr
Tous les jours de 10h à 19h (lundi : 14h-19h) et les jours fériés