La nouvelle exposition du Palais Lumière à Évian – Paris-Bruxelles, 1880-1914. Effervescence des visions artistiques – présente un panorama
des grands mouvements artistiques de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle à travers près de 400 œuvres issues d’une collection privée. Peintures, dessins, aquarelles, estampes, affiches, revues et livres illustrés d’artistes français et belges reconnus ou plus confidentiels,
se dévoilent aux visiteurs à travers onze courants artistiques. A découvrir jusqu’au 4 janvier 2026.

Les œuvres présentées dans le cadre de l’exposition Paris-Bruxelles, 1880-1914. Effervescence des visions artistiques ont été soigneusement sélectionnées par Phillip Dennis Cate, commissaire de l’exposition et spécialiste de l’art français du XIXe siècle, lequel a la chance de travailler depuis plus de 20 ans avec le collectionneur privé qui a réuni ces créations et souhaite rester anonyme. C’est la première fois que l’étendue de la richesse de sa collection est présentée au grand public. Ce collectionneur privé s’est intéressé aux artistes considérés comme majeurs, ainsi qu’aux artistes peu représentés auprès du grand public mais très actifs dans les mouvements d’avant-garde. Les visiteurs peuvent donc découvrir l’influence du thème de Paris, de sa banlieue et de ses campagnes, Montmartre et ses lieux de divertissement, le rayonnement de l’art japonais sur l’art européen, le symbolisme comme moyen d’évasion, la Bretagne et Pont-Aven, le néo-impressionnisme, les Nabis, les XX (cercle artistique bruxellois d’avant-garde) ou encore le portrait…
William Saadé, commissaire d’exposition et conseiller artistique du Palais Lumière : « L’exposition présentée est dans l’esprit du programme artistique et scientifique du Palais Lumière, à savoir : faire redécouvrir des artistes oubliés ou qui ne peuvent pas être traités par de grands musées. Les expositions précédentes comme celles de Christian Bérard, de Henri Martin et Henri Le Sidaner s’inscrivent dans cette politique culturelle. »
Paris, sa banlieue et ses campagnes
Cap sur Paris, perçue à la fin du XIXème siècle, comme la Ville Lumière et source inépuisable d’inspiration. Sa topographie, son côté crapule et souvent scandaleux sont des thèmes particulièrement populaires dans l’œuvre de nombreux artistes comme Louis Legrand, Charles Lacoste ou encore Henri Rivière. À l’opposé, sa lointaine banlieue avec ses paysages calmes et verdoyants, au-delà de l’agitation de la vie urbaine et des zones périphériques insalubres, est une autre source d’inspiration.




Ci-contre : Louis Anquetin Fête vénitienne sur la Seine, Sans date, Huile sur carton. Collection privée.
Paris attire les promeneurs et inspire les artistes. Les ponts et les quais encombrés de maisons et de commerces qui bouchaient la perspective jusqu’au XVIIIème siècle ont été dégagés afin de rendre le fleuve visible.
Phillip Dennis Cate, professeur émérite de l’Université de d’Etat du New Jersey, spécialiste de l’art français du XIXème siècle et commissaire d’exposition : « Un nouveau système pour imprimer estampes et affiches aide les artistes à gagner quelque argent et à être indépendants. La plupart du temps, ce sont des collectionneurs privés qui acquièrent des œuvres méconnues pouvant s’avérer extraordinaires et ce, à moindre coût. »
À Montmartre
À la fin du XIXème siècle, Montmartre est par excellence un lieu de divertissement et d’encanaillement mais également un lieu de vie pour une grande communauté d’artistes. Les peintres Edgar Degas, Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre Puvis de Chavannes côtoient les musiciens Gabriel Fauré, Maurice Ravel, Erik Satie et les écrivains Jules Verne, Emile Zola, Guy de Maupassant, Alexandre Dumas, Anatole France… Quelle émulsion créative ! Beaucoup d’entre eux vivent en bas de la Butte. Ils travaillent dans leurs ateliers et se retrouvent dans les cafés où ils partagent leurs idées et participent de manière décisive au renouveau de l’art en opposition avec l’art académique défendu par les institutions officielles. En plus des célèbres lithographies et affiches, l’exposition du Palais Lumière présente de rares sculptures en zinc découpé dont certaines ont été utilisées pour le Théâtre d’Ombres du Chat Noir.



Adolphe Willette, Enseigne du Chat Noir, 1881, zinc découpé, ajouré et peint, collection privée, en dépôt au musée de Montmartre, Paris.

Montmartre, c’était une fantaisie. « Qu’est-ce que Montmartre : rien! Que doit-il être : tout ! ». Tel était le credo de Rodolphe Salis, fondateur et propriétaire du Chat-Noir, le célèbre cabaret parisien qui, après 10 ans, était tout… Phillip Dennis Cate : « Tous les artistes, les écrivains étaient là pour exposer et pouvoir manger. Si la réputation du célèbre cabaret a attiré des peintres comme Picasso, puis des artistes d’avant-garde tel Marcel Duchamp, fin XIXème l’atmosphère virait au commercial. »


Portrait d’Aristide Bruant, 1905,
encre de Chine et aquarelle sur papier-calque.
Collection privée en dépôt au Musée de Montmartre, Paris.

« L’interaction commence vraiment avec le Chat-Noir. Rodolphe Salis, le propriétaire et Emile Goudeau, romancier, ont incité les écrivains du Quartier latin à venir à Montmartre et à utiliser le cabaret comme résidence. L’ensemble des artistes, peintres, poètes et même musiciens, collaboraient entre les livres, le théâtre, le Théâtre d’ombre (au premier étage, ouvert par Henri Rivière, peintre, graveur, illustrateur). Si bien que,
de temps à autre, un écrivain pouvait s’avérer artiste et un artiste se révéler écrivain. Une collaboration très importante qui a contribué au grand changement du système académique », mentionne Phillip Dennis Cate.
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Le japonisme


En bas : Jules Habert-Dys, Lisière de Forêt, (Fontainebleau, 1890, aquarelle et encre d’or sur papier. Collection privée.

Collection privée. Photo : Michiel Elsevier Stockmans.
Dès l’arrivée de l’ère Meiji (1868-1912), la société européenne et ses artistes se passionnent pour tout ce qui a trait au pays du soleil levant.
Le phénomène connu sous le nom de “japonisme” a révolutionné l’art occidental suite à la découverte de l’art japonais après l’ouverture du Japon à l’Occident.
Le japonisme se manifestait régulièrement dans les beaux-arts, la gravure et les arts décoratifs : vaisselle, ameublement, architecture… Loin de l’exotisme d’influence orientale encore en vogue dans les milieux académiques à la fin du XIXème siècle, ce mouvement opère une rupture artistique radicale et bouleverse l’impressionnisme, l’Art Nouveau puis les Arts Décoratifs.
Sont présentées à Evian une quarantaine d’œuvres mêlant aquarelles, bois gravé à la manière japonaise, lithographies et même projets d’éventail, témoignent de la diversité de couleurs, de dessins, de motifs, créés en Occident à cette époque grâce à l’influence
du Japon.

L’Art nouveau
Place au nouveau, aux courbes et à la nature ! L’Art Nouveau qui émerge en France au début des années 1890, est une interprétation de l’esprit de la Belle Époque et se veut accessible, à la portée de chacun. Eugène Grasset et Carlos Schwabe en sont d’éminents représentants.

aquarelle sur papier.
Collection privée.
Photo : Michiel Elsevier Stockmans


lithographie, Collection privée.
Parmi les œuvres présentées, la « Divine » Sarah Bernhardt apparait dans un portrait réalisé au fusain par Alphonse Mucha, tandis que Maurice Dulac la représente au milieu d’admirateurs dans une aquarelle. En plus des dessins, des lithographies, impressions, photographies en relief et une pyrogravure peinte sur bois expriment la diversité des techniques et des créations de ce courant bouillonnant.

Le rôle joué dans les projets Art Nouveau par les figures féminines d’une grande beauté est important : soit elle sont associées à la beauté et à l’abondance de la nature soit ce sont des figures destructrices, fleurs maléfiques, femmes cruelles et mortellement dangereuses (Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire…).

Le symbolisme



Collection privée.

Dans cette section, le Symbolisme se dévoile aux visiteurs dans toute sa diversité à travers la trentaine d’œuvres soigneusement sélectionnées et conservées par le collectionneur. Entre paysages envoûtants, fantomatiques, univers médiéval et mysticisme, cette étape de l’exposition invite au rêve et au lâcher-prise face à ces créations riches de symboles à analyser ou ressentir de manière spontanée.
La fuite, n’importe où et n’importe comment semble le thème récurrent de l’art symboliste. Le paysage devient rêverie et promenade sentimentale au sein d’une nature idéalisée, d’un monde en dehors du monde transcendé par le regard.
La Bretagne et Pont-Aven
Située à l’étage inférieur du Palais Lumière, cette partie de l’exposition mène les visiteurs en Bretagne, terre de peintres. Là, ils se confrontent à la nature sauvage des côtes bretonnes et à des scènes de vie quotidiennes inspirant les nombreux artistes qui créaient près de l’océan et notamment
à Pont-Aven. À l’origine, petit bourg de pêcheurs, sa notoriété internationale vient de la présence de nombreux artistes parmi lesquels l’un des plus célèbres est Paul Sérusier, rejoint en 1888 par Emile Bernard et Paul Gauguin. L’École de Pont-Aven donne par la suite naissance à plusieurs styles de peinture allant du Synthétisme au Post-Impressionnisme.



Vers 1900, en Bretagne, la majorité des peintres fréquentent les bords de mer, explorent dans tous les sens la péninsule bretonne, cherchant un certain isolement, fuyant les lieux trop connus et fréquentés.
William Saadé, devant une série de dessins de jeunes femmes en costumes traditionnels : « Voici la représentation traditionnelle des Bretonnes au moment de l’exode de la campagne vers la ville, sorte de migration comme on en trouvera plus tard, avec les migrants italiens, espagnols, et actuellement des migrants d’Afrique. Pour le public, cela peut être une approche concernant des sujets actuels, sur le thème d’une évolution de la société, et d’événements comme un rejet de la science, des arts. L’esprit de cette exposition est un esprit d’ouverture en cette époque effervescente où tout se radicalise. Sujets que l’on peut aborder, en regard de cette exposition, notamment avec les jeunes… »
Le néo-impressionnisme
Né en France, le Néo-Impressionnisme regroupe deux tendances : le Pointillisme et le Divisionnisme. Il traite essentiellement de l’exploration de la lumière et de la couleur selon une approche scientifique, issue des recherches sur l’optique et les mathématiques. Maximilien Luce et Paul-Edmond Cross sont des acteurs importants de ce mouvement mais c’est surtout Paul Signac qui contribue à sa reconnaissance. Ce mouvement pictural apparu au tournant du siècle annonce une nouvelle ère, un renouveau…


de M. Ch. Henry, 1898.
Lithographie sur papier illustrant le programme
de la 4ème soirée du Théâtre Libre.
Collection privée. Photo : Michiel Elsevier Stockmans

Le Cercle des Vingt
Fondé par 13 artistes belges en 1883, le Cercle des Vingt est une association dont ses membres sont connus sous le nom des Vingtistes.
Ils entretiennent des liens étroits avec l’avant-garde parisienne et le travail sur la lumière. Parmi les artistes les plus célèbres figurent Theo
van Rysselberghe et Fernand Khnopff. Le visiteur a l’opportunité de contempler une vingtaine d’œuvres représentatives de ce mouvement et d’accéder à une photographie de ces artistes d’avant-garde, engagés pour faire revivre l’art en Belgique. Le groupe se sépare en 1893.



Les nabis
À travers une trentaine d’œuvres allant d’un portrait au pastel par József Rippl-Rónai à une gouache et aquarelle sur carton d’Albert André en passant par une lithographie colorée au pochoir d’Edouard Vuillard, cette section présente l’approche conceptuelle, radicale et souvent engagée de 14 artistes de la confrérie des Nabis. Ce groupe, lié par une amitié forte, vouait une grande admiration à Paul Gauguin. Le peintre français Maurice Denis résume ainsi la nature du mouvement Nabi (prophète en hébreu) : « Se rappeler qu’un tableau – avant d’être un cheval de bataille, une femme nue, ou une quelconque anecdote – est essentiellement une une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ».


Ci-dessus : Edouard Vuillard, Concile féérique, 1891, crayon, encre et aquarelle sur papier. Collection privée.

La Promenade des Nourrices, 1897, frise des fiacres, lithographie.
Collection privée en dépôt au Musée de Montmartre, Paris.
Portraits de personnalités de la fin-du-siècle
Dans la salle ronde du Palais Lumière, ce secteur s’intéresse aux portraits et aux caricatures. Les portraits à charge mettent exagérément l’accent sur les traits physiques à des fins satiriques. Les artistes qui les pratiquent à la fin du XIXème et au début du XXème siècle – notamment le groupe contestataire des Incohérents – ont cherché à échapper aux critères de l’art académique en faveur de nouvelles visions qui incluent des distorsions et des exagérations de la figure humaine. Cette évolution a permis à l’humour, à la satire et à la parodie de s’exprimer et d’entrer dans le domaine des beaux-arts. Les visiteurs ont aussi l’opportunité de mettre un visage sur quelques-uns des nombreux artistes exposés comme Henri de Toulouse Lautrec, Camille Mauclair, Charles Maurin et sur des personnalités de l’époque comme Paul Verlaine, Zo d’Axa ou encore Ernest Coquelin.


Portrait de Pierre Bonnard, 1899,
pastel sur papier. Collection privée.

Jean Moréas, 1907, crayon, aquarelle et gouache.
Collection privée.

Exposition Paris-Bruxelles, 1880-1914. Effervescence des visions artistiques
Palais Lumière d’Évian
Quai Charles-Albert Besson
74500 Évian-les-Bains France
Jusqu’au 4 janvier 2026
Ouvert du mercredi au dimanche 14h-18h, mardi 14h-18h
Visites commentées pour les individuels :
du mardi au vendredi à 14h30, – les samedis et dimanches à 14h30 et 16h.
Commissaire scientifique : Phillip Dennis Cate, commissaire d’exposition et spécialiste de l’art français du XIXe siècle.
Commissaire général : William Saadé, conservateur en chef honoraire du patrimoine, commissaire d’exposition et conseiller artistique du Palais Lumière depuis 2005.
Scénographie : Ignasi Cristià, dramaturge et scénographe.
Un catalogue de 216 pages est édité pour l’occasion.