La Buvette Cachat Evian - intérieur

Construite pour la Société des eaux minérales d’Evian en 1903 par l’architecte Jean Hébrard – également architecte de l’hôtel Royal***** (1906-1908) et du Casino (1911-1913) –, la Buvette Cachat d’Evian-les-Bains est un site touristique stratégique de par son emplacement dans la ville, son architecture et son histoire. Haut-lieu des mondanités de la station thermale au début du XXème siècle, elle disposait de salons, d’un bureau de poste, d’un comptoir de vente de billets pour les traversées en bateaux…

Ayant subi les affres du temps, la Buvette Cachat nécessite une restauration complète et une requalification de certains espaces. Désireuse de redonner tout son lustre au cœur d’Evian, la Ville a entrepris de rénover cet emblématique symbole du thermalisme de la Belle Epoque. Visite au cœur d’un impressionnant chantier de restauration, d’une durée de 18 mois… 

Didier Repelln devant la grille de la Buvette Cachat
Didier Repelln, Architecte en Chef des Monuments Historiques, devant la grille d’entrée de la Buvette Cachat.
Flèche de la Buvette Cachat à
Buvette Cachat vue de l'entrée, rue Nationale
Ci-dessus, vue de l’entrée, rue Nationale. Ci-contre, la flèche aux tuiles vernissées surplombant la coupole.

Défi permanent entre l’homme et le matériau 

Entre 1894 et 1913, Evian reçoit chaque saison quelque 13’000 personnes. La saison commence par la fête des Roses, le troisième dimanche de juin et s’achève par les régates nautiques les premiers jours de septembre, complétées par des courses d’aviron. Ces évènements ainsi que les nombreux concerts et autres spectacles proposés attirent curistes, touristes attirés par les perspectives d’un séjour mondain des plus agréables, membres de l’aristocratie et d’une haute société cosmopolite. C’est le lieu où il fallait se montrer, où défilait le gotha européen. « C’était le modernisme absolu. Ce bâtiment d’exception, construit en un an et demi, a conservé de nombreux éléments d’origine. Par chance, tous les plans datant de 1903-04 ont été conservés », commente Didier Repellin, Architecte en Chef des Monuments Historiques.

Façade Nord, rue Nationale :
L’entrée au rez-de-chaussée se fait par un large porche fermé par des grilles en fer forgé ouvragé dotées de l’inscription ” SOURCE CACHAT “, en lettres dorées. Végétal irisé, décor métal ouvragé. « Comme pour les rampes d’escalier, le fer a été évidé avec un marteau, ce qui donne un aspect de ruban. Les volutes sont amincies, l’épaisseur change. Cela s’appelle “Ecrire une ferronnerie” avec des pleins et des déliés. Dès l’entrée, tout ici présentait l’apparence du luxe : pierre, faux marbre, ossatures en plâtre, bois imitation acajou, qualité du matériau, escalier monumental aux marches réalisées d’une seule pièce et qui sera refait à l’identique par des tailleurs de pierre, pavement sans mortier dans les joints… En haut de l’escalier, un demi-étage où se trouvait l’espace administratif de la société, sorte d’Office de tourisme de l’époque, avec des miroirs partout. On n’imagine pas la foule qui pouvait circuler en ces lieux… », poursuit l’architecte chargé de la réhabilitation de l’édifice.

Buvette Cachat Evian décor de faïence et de carreaux de ciment
Buvette Cachat Evian carrelage vert d'eau sanitaires
Côté toilettes, décor de faïence et de carreaux de ciment d’origine, de style Tiffany. Beauté du carrelage vert d’eau, des superbes poignées fonctionnelles, des moulures. Tout sera refait à l’identique.

Conçue comme un « temple de l’eau » 

Arrivé au deuxième palier, découverte d’un vaste hall avec, au sommet, la plus belle charpente qui soit : une impressionnante et somptueuse coupole en bois. « Le génie du gothique traduit en bois ! » s’exclame Romain Larcher, architecte, spécialiste en conservation du Cabinet RL & Associés de Lyon. « L’idée de ciment armé prévu lors du premier projet fut vite abandonnée en raison de son coût et d’une certaine tradition du bois. Il s’agit ici d’un mélange d’épicéa et de mélèze ».

Evian photo ancienne extérieur de la Buvette Cachat
Extérieur et intérieur de la Buvette Cachat au charme désuet…
Evian photo ancienne intérieur de la Buvette Cachat

Façade Sud :
Edifiée à l’emplacement d’un premier établissement thermal, la Buvette Cachat fut achevée en 1903. Ce pavillon de bois et de verre conçu comme ” un temple de l’eau ” est couvert d’une coupole à tuiles vernissées ajourée de grands vitraux semi-circulaires à motifs végétaux. La décoration est complétée en 1906 par la statue allégorique d’une nymphe réalisée par Charles Beylard (1850-1925), symbolisant ” l’apothéose de la source Cachat ” et qui trône au milieu de quatre vasques d’où jaillit l’eau précieuse venant remplir les verres des curistes. La fontaine a disparu mais la gracieuse nymphe sculptée en pierre blanche de Poitiers est toujours présente, au centre de l’échafaudage intérieur doté d’escaliers et de passerelles.

Evian  Buvette Cachat  côté sud
Evian  Buvette Cachat  photo ancienne curistes
Evian intérieur de la Buvette Cachat charpente et coupole

Début 1905, les travaux de menuiserie sont attribués à l’entreprise Borghetta de Lausanne, les travaux de ferronnerie et de quincaillerie à la maison Vuagnard d’Evian. La charpente est attribuée à la Société des Chalets d’Interlaken (Suisse). Le mobilier en rotin provient d’Angleterre. Une grande toile commandée à Albert Besnard (1849-1934), intitulée ” Nymphes à la source dans un paysage d’Arcadie “, orne le mur ouest du vaste hall. Restaurée et en attente de retrouver sa place originale, la toile est actuellement déposée à l’entrée du Palais Lumière. 

Evian photos de la Buvette Cachat et de la Source Cachat
La Buvette, côté sud, avec promenade plantée, horloge et la Source Cachat, en face.
Evian photo de la coupole de la Buvette Cachat
Les tuiles vernissées, vitraux semi-circulaires, la coupole surmontée de sa flèche.
Didier Repellin et les plans de la Buvette Cachat
Didier Repellin détient tous les plans de la Buvette Cachat.
Statue Apothéose de la source Cachat Evian
Apothéose de la source Cachat, statue allégorique en pierre blanche.

Talents conjugués d’artisans du décor 

« Le travail réalisé par le bureau d’étude ECSB, qui a effectué directement les relevés 3D permettant de transcrire toutes ses observations constructives et techniques, a permis de comprendre l’intégralité de ce “mécano”, d’avoir le bâtiment avec sa forme exacte et ses déformations ainsi que tous les types d’assemblage qui constituent ce magnifique bâtiment. Nous n’avons pas eu recours à des grandes sections de bois massif mais plutôt à des assemblages dissimulés. Par exemple, cette coupole tient sur 8 poteaux  qui sont eux-mêmes composés de 10 sections de bois assemblées entre elles. Un assemblage plutôt savant. Ces poteaux se transforment en 8 arcs qui se rejoignent en haut sur une ceinture en bois massif très solide renforcée par des tirants et qui vont constituer la clef de la coupole », explique le spécialiste Romain Larcher.  

Buvette Cachat, la charpente de la coupole
La charpente de la Buvette Cachat

A la base des vitraux on retrouve une double ceinture périphérique qui vient maintenir cette coupole. Mais le bois a subi des intempéries : neige, pluie, vent, ce qui fait que les bois se déforment, perdent leur rigidité, se déchaussent. Lors de la réalisation de travaux d’urgence, le rajout d’une deuxième ceinture a permis de stabiliser les choses. Les grands vitraux semi-circulaires représentent des motifs végétaux (iris) Art nouveau. La coupole du pavillon de bois est couverte de tuiles écailles vernissées surmontée d’une flèche. 

« Sur le plan de l’histoire de la construction, cette structure n’est faite que de petits morceaux de bois… Rédigé par Philibert Delorme (1510-1570), le Traité complet de l’art de bâtir, suivi des Nouvelles inventions pour bien bâtir et à petits frais décrivent une technique simple et efficace de construire des charpentes grâce à l’assemblage de courtes planches en bois et cintrées assemblées par des chevilles. Le chef-d’œuvre absolu qu’est la charpente est donc du Philibert Delorme fait en 1903 ! Cet édifice hors du commun est une célébration de savoir-faire du génie humain du 20ème siècle. Architectes et artisans ont poussé le bois, la pierre, les ferronneries dans leurs limites. »

Buvette Cachat, plan de la coupole
Buvette Cachat, vitraux semi-circulaires à motifs végétaux
Buvette Cachat, restauration des vitraux semi-circulaires
Buvette Cachat, vitraux semi-circulaires et échafaudages

Patrimoine architectural, thermal et industriel de l’eau minérale

Donner un usage aux niveaux supérieurs de la Buvette Cachat en exploitant l’emplacement et le prestige historique du lieu. Mettre en valeur le patrimoine architectural, thermal et industriel de l’eau minérale de la ville. Accueillir les visiteurs et leur permettre d’y circuler librement en restituant l’escalier monumental et par la remise en eau de la buvette. Redonner à ce bâtiment unique un espace regroupant un emplacement dédié à l’eau de source, à la convivialité et à la détente autour de la Buvette, et une zone modulable pouvant accueillir des concerts, expositions, salons, séminaires, réceptions, de jour ou en soirée. Tels sont les principaux objectifs du projet de rénovation de la Buvette Cachat d’Evian-les-Bains.

Un aménagement paysagé restitué au lieu de vie qu’est la Terrasse, côté sud, offrira détente, nature et contemplation aux visiteurs. Les couvertures en tuiles vernissées du Grand Promenoir recouvrent 8 pans de toiture s’articulant autour d’un lanternon en bois couvert d’écailles en cuivre. Le Promenoir est composé de deux pans de toiture recouvert en tuiles vernissées.

Buvette Cachat, toile Nymphes à la source dans un paysage d’Arcadie Albert Besnard
Buvette Cachat, la terrasse avant restauration
Buvette Cachat charpente, statue et vitraux avant restauration
Plan de la Buvette Cachat façade rue Nationale
Le programme le plus important de la restauration de la Buvette Cachat qui fait partie du plan « France relance »
du gouvernement se monte à 10,5 millions d’euros TTC.

La Buvette Cachat doit redevenir un lieu emblématique à la gloire de l’eau d’Evian, du thermalisme et de la ville. Image de marque d’Evian, elle se doit d’être rendue aux habitants. « D’après l’UNESCO et la Charte de Venise*, la restauration s’arrête quand les hypothèses
 commencent. Ici, nous n’avons aucune hypothèse. Tous les éléments depuis l’origine en notre possession nous permettent d’entreprendre une restauration fidèle. C’est un vrai défi. Tels les bow-windows en verre bombé soufflé à la bouche, très difficiles
 à concevoir à cette époque-là. Les bow-windows possèdent des verres soufflés de dimensions inhabituelles prouvant la qualité exceptionnelle de cette exécution. On y trouve aussi des verres à double courbure réalisé sur moule », conclut Didier Repellin.

* Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites

Panneau du projet de restauration de la Buvette Cachat

Texte et photos : Françoyse Krier

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