Au commencement, il n’y avait pas de phare. Juste un arbre qui servait de repère aux marins. Il se trouvait sur la propriété d’un pêcheur du nom de Pierre Richard. Situé dans l’alignement du clocher de la chapelle du bourg de Jau, il permettait aux marins de se situer dans l’estuaire. Les marins l’avaient baptisé l’Arbre de Richard.
Début XIXème, une tempête abat l’arbre. En remplacement, une bouée s’avère peu visible de loin. En 1843, les marins obtiennent la maison-phare baptisée comme du même nom que l’arbre, le Phare de Richard. Le chenal de navigation pour les gros bateaux étant beaucoup plus proche de la côte girondine, les ingénieurs des Ponts et chaussées n’ont pas jugé utile de construire une tour très haute : 18 m. Au cours du XIXème siècle, lors de la révolution industrielle, de plus en plus de bateaux empruntent l’estuaire de la Gironde. Le signal lumineux n’est plus perçu suffisamment et les marins se sentent en danger. Nouvelle pétition et en 1870 ils obtiennent la construction du 2ème phare de Richard, soit une grande tour métallique dont aujourd’hui il n’existe plus que les bases en béton avec une maquette sise dessus. Une grande tour métallique tripode prend le relais de 1870 jusqu’en 1953 et qui sera dynamitée en 1956.
1953, évolution technologique : une lumière s’éteint, des bouées encadrant le chenal de navigation récupèrent la signalisation maritime et s’allument tous les soirs. En 1956, un proxénète parisien aurait tenté d’acheter le petit phare abandonné pour y mettre ses “filles” au vert… Initiative sans suite et le phare de Richard entrera dans une période d’oubli de 30 ans.
En été 1984, la détermination d’un groupe de jeunes gens de la région décide le maire à acheter la ruine et tirer ce bel endormi d’un sommeil qui n’ara que trop duré. Un projet de réaménagement redonne vie à cette maison-phare qui comporte une partie musée (documents, photos anciennes, plans, balises et quelques belles pièces dont une lentille à échelons d’Augustin Fresnel), gérée par une Association communale, et une partie logement occupée par un gardien qui s’occupe de l’entretien du site. Aménagé par de nombreux bénévoles, agrémenté de tables de pique-nique, de barbecues, le lieu est plaisant et accueille quelque 15000 visiteurs par année.
Une fois arrivé en haut de l’escalier en vis, en pierre de taille, comptant au total 63 marches – seules cinq personnes sont autorisées à monter en même temps – un panorama à 360° permet d’admirer les terres agricoles et pâturages (anciens polders hollandais), et les nombreux carrelets tout au long de l’estuaire, zone de navigation et de commerce très importante et ce, depuis l’Antiquité.
Depuis la plate-forme au sommet de la tour en maçonnerie du “Richard”, entourée d’une barrière métallique, on aperçoit une rangée de carrelets tous différents les uns des autres, ainsi que des pâturages, anciens marais longtemps immergés puis aménagés par des Hollandais à l’instar de leurs polders, de « mattes », dévolus à la culture et à l’élevage.
Phare de Richard, Passe du phare, 33590 Jau-Dignac-et-Loirac
www.phare-richard.fr
Fête du Phare de Richard : 21 juillet 2024 ~ Fête du Port de Richard 20-21 juillet
Les carrelets, emblématiques cabanes de pêcheurs en bois, sur pilotis
Le terme “carrelet” est apparu vers le XVIIème siècle, et on le retrouve même dans la première encyclopédie de Diderot. Il désignait dans un premier temps un filet carré et par extension, toute la structure de la plateforme a pris ce nom. “C’est également le surnom de la plie, poisson plat, carré”, explique Barbara qui gère le musée du Phare de Richard et le carrelet pédagogique situé à quelques encablures, construit en 2008 afin de faire découvrir aux visiteurs cette technique de pêche estuarienne “parce qu’aujourd’hui tous les carrelets appartiennent à des familles et sont donc privés. sans possibilité d’y entrer“. A la différence de tous les carrelets qui sont privés, celui-ci peut être réservé pour des parties de pêche.
A l’origine, le pêcheur se promenait sur la rive avec un grand bâton muni d’un filet au bout qu’il plonge dans l’eau pour pêcher. Petit à petit, cette technique est adaptée sur les embarcations, sur les pontons et même encore nos jours sur certains ports. Nul hameçon, car il est interdit d’appâter.
« Il ne faut pas imaginer remonter un filet entier de poissons ! Il ne s’agit pas de pêche professionnelle, mais d’une pêche de “prétexte” », poursuit Barbara. « Au départ, c’était une pêche de survie. Aujourd’hui, les gens viennent d’abord ici pour profiter du paysage. Les carrelets sont des endroits conviviaux où l’on vient pour passer un bon moment, avec un panier de pique-nique. Et en aucun cas pour faire une pêche de masse. On dénombre plus d’un millier de carrelets dans l’estuaire de la Gironde, aussi bien du côté girondin que charentais et même hors estuaire, sur la Garonne et la Dordogne. »
Une fois le poisson ferré, on va le chercher avec la grande épuisette au long manche en fibre de carbone, appelée sallebarde. Pour certaines personnes, il s’agit de la partie la plus sportive ! Ensuite, place au coup de main : « Il faut faire rebondir le poisson dans le filet, passer la tête de l’épuisette et remonter. Vous gondolez un peu, et abandonnez amour propre pendant deux minutes », mentionne Barbara. » D’après expérience, peut-être, avec humour, c’est indéniable !
A l’intérieur de la cabane montée sur une plateforme en bois reliée à la rive par une passerelle : un coin cuisine, une plancha, table et chaises, parfois un canapé et de temps en temps des couchettes. Ni eau courante, ni électricité, ni de raccord à la terre. Par contre, rien n’empêche d’y installer des panneaux solaires, des batteries, frigo à gaz, toilettes sèches, récupérateur d’eau douche. Pour un bricoleur doté d’imagination – récupération, ingéniosité et originalité –, son carrelet est synonyme de paradis…
Côté charentais, pas de ponton. Un escalier monte directement à la cabane, ce qui fait qu’il y a un risque de se faire piéger par la marée.
Ces carrelets étant désormais jugés assez nombreux, leur construction n’est plus autorisée. Leurs dimensions : 10 m2 maximum, 20 m2 pour la plateforme, et le filet à mailles entre 16 et 25 m2. Hauteur de l’eau : 3 m 50 environ. La corde est calculée pour que le filet soit déposé sur la vase. Pour optimiser ses chances de piéger le poisson, il va falloir remonter le filet le plus régulièrement possible. A chaque pêcheur sa stratégie. Mais tous sont unanimes et évoquent une “philosophie du carrelet”…