Le Château de Gruyères retrace un pan de l’histoire du cadeau de Noël. Des milieux modestes aux familles aristocratiques, les présents offerts à chacun au XIXème siècle sont-ils si différents des cadeaux actuels ? La scénographie festive dans laquelle poupées, chevaux de bois et ours en peluche côtoient chapeaux haut de forme, nécessaires de toilette et parfums précieux plonge les visiteurs dans l’ambiance féérique de cette 19ème exposition de Noël, à admirer jusqu’au 12 janvier 2020.

Depuis près de 20 ans, à l’approche des fêtes de fin d’année, le Château de Gruyères se plonge dans l’histoire des traditions pour dévoiler son exposition placée sous le thème de Noël. Après avoir exploré le monde des crèches, l’histoire du sapin de Noël et de ses décors ou encore avoir fait la rencontre du Père Noël et de saint Nicolas, cette année, la lumière est portée sur le cadeau et la manière dont il s’est imposé au pied du sapin depuis le XIXème siècle.

Origines de la tradition d’offrir

L’exposition N’oublie pas mon petit soulier retrace ainsi l’évolution du cadeau de Noël, de son apparition, de sa variété, de la manière indiquée de l’offrir et des débuts de son emballage décoré. A travers plus d’une centaine d’objets, d’affiches et de lettres adressées au Père Noël provenant des collections du Spielzeug Welten Museum et du Museum der Kulturen de Bâle, du Museum für Gestaltung de Zurich et du Museum für Kommunikation de Berne, l’exposition emporte les visiteurs dans le monde de la surprise et des attentes, des petits et des grands.
Dès le XIXème siècle, les rues s’illuminent à l’approche des fêtes de fin d’année et les vitrines s’animent pour attirer les badauds dans ces grands magasins qui font alors leur apparition. Le client découvre la multitude de présents que les catalogues et les publicités vantent pour les étrennes. Distribuées le jour de l’An, celles-ci sont destinées à l’origine aux domestiques et aux professions « subalternes » dans les familles aristocratiques et bourgeoises.

Progressivement, la coutume s’étend aux proches et la fête de Noël prend toujours plus d’importance dans une société où les valeurs bourgeoises et conservatrices s’affirment. Dans l’intimité de la famille, les cadeaux de Noël se distinguent alors des étrennes de fin d’année.

 

 

Poupée et accessoires, Baehr & Proeschild, Allemagne, vers 1900, Spielzeug Welten Museum Basel // Boîte à musique, Spielzeug Welten Museum Basel // Jeu de tennis de table

L’enfant choyé au centre d’une fête familiale

Dans la seconde moitié du XIXème siècle, l’enfant prend une place centrale au sein des fêtes de Noël. Un nouveau genre littéraire destiné à son éducation met en lumière les inégalités sociales entre richesse et pauvreté, convivialité et solitude. Dans ces romans dont l’intrigue se déroule à Noël, deux mondes se confrontent, celui de la chaleur familiale opposée à la nuit glaciale de l’hiver. Le personnage, riche et charitable, des contes de Noël quitte le confort de son foyer bourgeois pour faire un don à plus pauvre que lui.

Au sein de la famille, le cadeau n’est plus considéré comme un don, mais comme un dû pour l’enfant. La nature des présents est dictée par le genre de son destinataire. Ainsi, les fillettes reçoivent des jouets associés à leur futur rôle de maîtresse de maison (poupée, dînette  machine à coudre miniature), alors que les garçons s’émancipent avec des jeux d’adresse ou des jouets mécaniques (voiture, cheval de bois). Dans les milieux modestes, les cadeaux se limitent à des friandises, biscuits et pains d’épices, parfois un petit jouet de fabrication artisanale.

En 1889, la célèbre Baronne Staffe souligne dans son ouvrage à succès sur les Usages du Monde que les présents de Noël ne sont pas universellement répandus, exception faite pour les enfants. Cette tradition gagne toutefois du terrain. Selon l’usage, seuls les supérieurs, par l’âge ou la position, font des cadeaux ; les inférieurs n’en rendent pas. Les gens du même âge, de la même situation, du même sexe peuvent échanger des présents à Noël et au jour de l’An. La nature dépend évidemment de la fortune de chacun, mais une règle semble incontournable : à une personne riche, il faut offrir une inutilité ou un objet dont elle peut se passer, alors que les pauvres reçoivent des cadeaux utiles.

 

 

Ours en peluche, Steiff, Allemagne, vers 1912. Spielzeug Welten Museum Basel. Animaux sur roulettes, tambour, soldats de bois… Si les petites filles reçoivent des jouets associés à leur futur rôle de maîtresse de maison (une poupée, une dînette ou une machine à coudre miniature), les petits garçons s’émancipent avec des jeux d’adresse ou des jouets mécaniques (voiture, cheval
de bois). 

 

 

 

Histoire de Noël et des grands magasins

Au début du XIXème siècle, les présents se dénichent dans les bimbeloteries, petits commerces où s’amoncellent des bibelots convoités par la clientèle aristocratique et bourgeoise. Puis de grandes enseignes ouvrent leurs portes à Paris : A la Belle Jardinière (1824), Le Bon Marché (1865), Le Louvre (1855), Les Galerie Lafayette (1893), tandis que les Zurichois découvrent en 1892 le J. Weber’s Bazar (Globus). Le client a dorénavant un accès direct aux produits, à prix fixe. Les catalogues de vente et les affiches publicitaires accompagnent les expositions de jouets du mois de décembre. En 1867, les premières vitrines de Noël animées envahissent le nouveau décor urbain.

La lettre au Père Noël

Depuis les années 1950, les enfants expédient une lettre au Père Noël. Les petits Romands l’écrivent au vieil homme barbu et les Alémaniques s’adressent à l’Enfant Jésus. C’est l’occasion de dresser la liste des cadeaux tant souhaités. Les dessins colorés ainsi que les mots tendres témoignent de l’affection que ces bambins portent au Père Noël.
Si l’adresse varie, allant de la « Rue de Noël » à « Im Himmel » en passant par la « Via delle Stelle, Paradiso » et le « Pôle Nord », chacune d’entre elles arrive à bon port. Une équipe de Noël, basée à Chiasso, est spécialement chargée de répondre aux multiples missives, les enfants n’oubliant évidemment pas d’inscrire leur adresse.

 

 

 

L’art d’emballer les cadeaux

L’emballage, dont l’usage apparaît à la fin du XIXème siècle, marque une innovation matérielle et symbolique. Jusqu’alors, le présent offert le jour de l’An restait visible, ou était tout au plus enveloppé d’un papier blanc ou beige. L’invention du papier cadeau reflète le désir de susciter la surprise et l’émotion de son destinataire. L’usage réglementé des étrennes laisse ainsi progressivement place à une nouvelle tradition, le cadeau de Noël. Selon cette nouvelle tradition, ces présents étaient emballés avec des matériaux luxueux. En 1917, les frères Hall, spécialisés dans la fabrique de papier haut de gamme, voient leur emballage à court de réserve quelques semaines avant les fêtes. Pour remédier au problème, ils décident de vendre des papiers imprimés tout au long de l’année. Le succès est immédiat et le papier cadeau moderne est né. L’emballage devient dès lors un préparatif très couru, papiers colorés et rubans brillants allant de pair avec le développement d’une industrie florissante.

(Photos Françoyse Krier)

 

 

Exposition N’oublie pas mon petit soulier
Château de Gruyères ~ Rue du Château 8  ~ CH 1663 Gruyères

Tél. +41 26 921 21 02 ~ www.chateau-gruyeres.ch

Jusqu’au 12 janvier 2020 – Horaires : ouvert tous les jours
10h – 17h (novembre – mars) 9h – 18h (avril – octobre)

Vous avez aimé cet article?