Joos van Cleve - Le suicide de LucrèceRobert Peake, Catherine CareyElisabeth Louise Vigée-Lebrun, Marie-Antoinette

 

 

Jusqu’au 15 juillet 2018, le Kunsthaus Zürich invite à découvrir à «Fashion Drive. Vêtements extrêmes dans l’art» quelque 200 œuvres témoignant de la manière dont les artistes ont, des siècles durant, perçu, commenté et influencé le monde de la mode. A admirer : peintures, sculptures, installations, gravures et aquarelles, photographies, films, costumes et armures…

La mode est à la fois moteur et dilemme, mais avant tout un indicateur des changements de son époque. Cette exposition se penche sur 500 ans d’histoire de l’expression vestimentaire dans le miroir des arts visuels. Quelle fut la réaction des artistes à des phénomènes extrêmes comme la mode des crevés (au 16ème siècle et jusqu’à son interdiction en 1633, la «mode des crevés» a été très en vogue dans toute l’Europe. Elle symbolisait la richesse par le gaspillage), la brayette (placée au niveau des organes génitaux masculins), la crinoline ou le smoking ? Centrée sur une période allant de la fin du 18ème siècle au début du 20ème siècle, avec des escapades dans la Renaissance et dans le monde actuel, l’exposition s’intéresse aux formes de la mode dans ces moments de bascule où elle devient extrême, extravagante, tapageuse, camouflée et prohibée.

RENAISSANCE ET BAROQUE – L’exposition s’ouvre sur de splendides peintures du 16ème siècle. À la Renaissance, les crevés et la brayette étaient considérés comme le dernier cri de la mode. Vient ensuite l’époque baroque et la concurrence que se livrent la collerette et le décolleté. Des monarques comme Elizabeth I et Louis XIV furent parmi les premiers souverains de renommée mondiale à recourir à la garde-robe pour mettre en scène leur puissance de manière aussi systématique et la conforter. Ils trouvèrent des imitateurs dans toute l’Europe, y compris en Suisse.

Hans Asper, Portrait de Wilhelm Frölich. Giovanni Boldini, Le Comte Robert de Montesquiou Wolfgang Tillmans, Christos,

ROCOCO ET RÉVOLUTION FRANÇAISE – A la Révolution française, mode et design se fondent en un style de vie hédoniste qui est aussi un facteur d’exclusion. Dès cette époque, les artistes inspirent la mode. Innovations et expressions vestimentaires extrêmes sont clairement illustrées par les tableaux de Marie-Antoinette, les «Merveilleuses», et leurs pendants masculins, les «Incroyables». Sur ce tableau entouré d’un parfum de scandale, la reine de France écorne l’étiquette de la cour et se laisse représenter dans une condition inférieure à son rang. Sur le tableau d’Elisabeth Vigée-Lebrun, Marie-Antoinette porte un simple chemisier en coton transparent qui évoque la mode de l’idéalisation de la vie rurale, paysanne et pastorale. Double scandale, cette artiste peintre à succès, présenta le tableau au prestigieux Salon de l’Académie royale, dont les femmes artistes étaient pratiquement exclues.

PREMIER EMPIRE ET CONGRÈS DE VIENNE – Le Premier Empire et le Congrès de Vienne suscitent un retour aux valeurs antiques. Outre les uniformes militaires, on voit apparaître des uniformes de service. Des dames de salon influentes comme Juliette Récamier, considérée comme une beauté mondaine intelligente, posent pour des portraits et suscitent dans leur entourage l’envie d’adopter un style néo-classique. Les Parisiens continuent à donner le ton en matière de mode.

Édouard Manet, Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire PROGRÈS ET RECULS LORS DU SECOND EMPIRE – À l’époque du Second Empire, sous le règne de Napoléon III, la crinoline, déjà donnée pour morte, opère un retour en force dans la mode. Réactions mitigées chez les artistes : de la stupéfaction à l’amusement. Dans le tableau d’Édouard Manet (ci-contre), Jeanne Duval prise sous une montagne vestimentaire, sort un pied audacieux.
Pas d’histoire de la mode sans histoire du dandysme, dont George Brummell (1778–1840) et Robert de Montesquiou (1855–1921) comptent parmi les représentants majeurs. À leur époque, leur goût passait pour subversif, mais ils ont considérablement contribué à l’essor d’une élégance simple et discrète et à l’amour du détail raffiné dans la mode masculine.

MODE MASSE ET PUISSANCE – On assiste au début du 20ème siècle à la libération du corps. La mode devient abordable et se popularise grâce aux grands magasins et magazines de mode. Des artistes progressistes comme Gustav Klimt et Emilie Flöge, Henry van de Velde conçoivent des vêtements. Dans un manifeste pour le vêtement masculin futuriste, Filippo Marinetti et Giacomo Balla plaident en 1914 pour l’abolition de la mode sombre, symétrique et étriquée, afin d’opposer une autre vision à la triste apparence des foules. La même année, Balla imagine des vêtements pour concrétiser cet appel.

BEYOND FASHION. LE TEMPS DE LA RÉFLEXION – De la haute couture à la fast fashion en passant par le prêt-à-porter : l’exposition aborde la problématique de la durabilité et les visions posthumaines. La production artistique du 21ème siècle est marquée par l’artificialité, la (dé)construction du corps et le culte des marques.

Fashion Drive. Vêtements extrêmes dans l’art
Kunsthaus Zürich  /  Heimplatz 1  / 8001 Zurich
Tel. +41 (0)44 253 84 84   –   jusqu’au 15 juillet 2018.
www.kunsthaus.ch

Sylvie Fleury, Mondrian Dress Rack

 

Tamara de Lempicka, Kizette en roseAffiche fashion Drive Zurich

Visuels : Joos van Cleve – Le suicide de Lucrèce, 1515–1518, Huile sur bois de chêne, 47,7 x 35,3 cm Kunsthaus Zürich, Fondation Ruzicka 1949 // Robert Peake, Catherine Carey, Countess of Nottingham, vers 1597, Huile sur toile, 198,1 x 137,2 cm, Collection privée, Courtesy The Weiss Gallery, Londres // Elisabeth Louise Vigée-Lebrun, Marie-Antoinette en chemise, 1783, Huile sur toile, 89,8 . 72 cm, Hessische Hausstiftung, Kronberg im Taunus // Hans Asper, Portrait de Wilhelm Frölich. Portrait en pied avec armoiries et timbre de la famille Frölich, 1549, Huile et tempera sur bois, 213 x 111 cm, Musée national suisse, Zurich // Giovanni Boldini, Le Comte Robert de Montesquiou (1855-1921), 1897, Huile sur toile, 116 x 82,5 cm, Musée d’Orsay, Paris, Photo © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)/Hervé Lewandowski // Édouard Manet, Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire (La Dame à l’éventail), 1862, Huile sur toile, 89,5 x 113 cm, Museum of Fine Arts, Budapest // Wolfgang Tillmans, Christos, 1992, Photographie couleur, 60,8 x 50,7 cm, Kunsthaus Zürich © Wolfgang Tillmans // Édouard Manet, Jeanne Duval, la maîtresse de Baudelaire (La Dame à l’éventail), 1862, Huile sur toile, 89,5 x 113 cm, Museum of Fine Arts, Budapest // Sylvie Fleury, Mondrian Dress Rack, 1993/2016 (détail), 3 robes Mondrian, 1 portemanteau, 3 cintres, masse variable, Courtesy the artist and Karma International, Zurich, Los Angeles © Sylvie Fleury // Tamara de Lempicka, Kizette en rose, 1927, Huile sur toile, 116 x 73 cm, Musée d‘Art de Nantes, Photo © RMN-Grand Palais / Gérard Blot © Tamara Art Heritage / 2018 ProLitteris, Zurich // Affiche exposition Zurich

 

 

 

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