

pour Paul Poiret, vers 1910

Paul Poiret, 1927.

Paris : le Musée des Arts décoratifs rend hommage au couturier Paul Poiret. Lumière et ombres… car si l’influence durable de Poiret sur la mode, ses talents multiples et sa capacité à mêler art, mode et design sont indéniables, si les fêtes somptueuses qu’il organisait en son hôtel particulier du 107-109, rue du Faubourg Saint-Honoré, comme « La 1002 ème nuit » en 1911, « les festes de Bacchus », en 1912, fête mémorable pendant laquelle 900 litres de champagne ont coulé à flots… – font grand bruit et sont couvertes par la presse de l’époque, la fin d’un parcours si glorieux le fut moins puisque le grand couturier, ruiné, tomba dans l’oubli et finit clochard…

la belle courtisane Cléo de Mérode : hauteur 39 cm, tour de poitrine 71 cm, tour de taille 53 cm.
Débuts et collaborations artistiques
Lorsqu’on évoque la libération du corps féminin par la suppression du sous-vêtement rigide qu’est le corset, le nom de Coco Chanel est inévitablement mentionné. Or, si la géniale couturière Madeleine Vionnet est la première à avoir fait “sauter le corset”, Paul Poiret, dès 1906, envoie définitivement cet accessoire aux oubliettes.
Né à Paris en 1879, Alexandre Paul Poiret débute sa carrière comme apprenti dans plusieurs maisons de couture, aux côtés de Jacques Doucet (1853-1929) grand couturier à la riche clientèle : Réjane, Sarah Bernhardt, Liane de Pougy, la Belle Otero, dès 1898, puis rejoint en 1901 la célèbre maison Worth, qui habillait une clientèle fortunée notamment les souveraines de l’Inde, de Chine, du Japon, des cours européenne (les impératrices Eugénie, Elisabeth d’Autriche…). Le jeune Poiret assimile les rudiments du métier de couturier : le contact avec les clientes et le travail en équipe. En 1903, il ouvre sa propre maison de couture, dans le quartier de l’opéra, et y définit une ligne simplifiée, ce qui s’avère une grande modernité. Grand succès, en 1907, pour sa robe du soir Joséphine d’inspiration Directoire : taille remontée sous la poitrine et maintenue à l’intérieur de la robe par un ruban en gros-grain, légèrement baleiné. Entouré d’artistes novateurs, avec lesquels il collabore, tels Paul Iribe, Maurice de Vlaminck, Georges Lepape et surtout Raoul Dufy avec lequel il entame une longue amitié, il emploie des couleurs vives et utilise des tissus légers. Il est le premier à créer la jupe culotte, dite” à la sultane” appelée aussi “jupe-harem”, inspirée de tenues orientales et de pantalons de harem portés par les danseurs. (Photo ci-dessous à droite : robe culotte avec cape en crêpe de soie, brodées à la main, 1911).





Dès 1909, la compagnie des Ballets Russes de Serge de Diaghilev se produit à Paris. Poiret assiste à ses spectacles, caractérisés par la fusion entre les arts (musique, danse, décors et costumes). Il est frappé par leur modernité qu’il va transcrire dans sa pratique. Poiret habille également, à la scène, des danseuses telles que Isadora Duncan et Nyota Inyoka.
En 1914, une commande du Ministère de la guerre lui fait concevoir une nouvelle capote pour remplacer l’uniforme trop visible de l’Ancien Régime (avec pantalon couleur garance). Le modèle “capote Poiret”, plus discret, en drap “bleu horizon”, est rapide à fabriquer. Mobilisé au début de la Première Guerre mondiale, Poiret retrouvera l’inspiration par la suite, grâce aux fêtes qu’il organise et à ses différents voyages en Europe et au Maghreb qui le marquent profondément. Ces voyages sont également des prétextes pour rencontrer des artistes locaux, se fournir en textile et broderie qu’il emploie dans ses créations.
Famille, parfums, triomphe


En 1905, Paul Poiret épouse Denise Boulet, beauté intemporelle qui fut sa muse, a joué un rôle actif dans son entreprise et devient une icône de la mode de son époque. Le couple, parents de cinq enfants – Rosine, Martine, Colin, Perrine et Gaspard – divorcera en 1928. Une séparation qui plongera le couturier dans une profonde dépression.


Paul Poiret est le premier couturier à lancer une ligne de parfums qui, selon lui, font partie intégrante de la mode. Il crée sa propre maison de parfums, en 1911, du nom de sa fille aînée, Rosine. Jusqu’en 1929, quelque 35 parfums sortiront de ses usines.



Paul Poiret triomphe : il habille le Tout-Paris et les comédiennes les plus en vue. En 1925, Paul Poiret participe à l’Exposition Internationale des Arts décoratifs et industriels modernes : il affrète trois péniches ” Délices, Amours et Orgues “, sur le bord de la Seine où il présente l’ensemble de son univers (couture, décoration intérieure, parfums). Cet évènement s’avèrera un gouffre financier.


Tournées et impact publicitaire
Paul Poiret part en tournée avec sa femme et neuf mannequins, parcourant l’Europe et organisant de véritables défilés, dans chaque ville traversée : Berlin, Budapest, Moscou… En 1913, il est le premier à traverser l’Atlantique pour se rendre aux Etats-Unis.
« C’est le goût de la richesse qui me fait travailler », déclare-t-il à sa femme. Antiquités rares, tapisseries d’Aubusson, tableaux de prix, mobilier raffiné décorent ses multiples résidences. Par ailleurs, il ouvre un atelier destiné aux jeunes filles de milieu modeste.
Mais les années 1920 sont marquées par de nombreuses dépenses liées à un train de vie excessif et au développement de ses sociétés (la maison de couture, la maison Martine et les Parfums de Rosine). Forcé de vendre sa maison de couture en novembre 1924, il la quittera définitivement en décembre 1929.
Le divorce coûteux d’avec sa femme Denise, prononcé en 1928, après 23 ans de mariage, aggravant le dettes de Poiret, a contribué à sa ruine financière, le forçant à fermer sa maison de couture l’année suivante.
En 1927, pour l’aider à se refaire une santé financière, Colette le fait jouer dans sa pièce La Vagabonde. En 1828, Paul Poiret publie Pan, Annuaire du luxe à Paris, ouvrage qui réunit tous les grands noms du commerce de luxe de l’époque. En 1920, il publie trois livres de mémoires et invente la gaine, souple et confortable. Mis en faillite, le couturier de renom, organisateur de fêtes inoubliables, se retrouve sans le sou et seul, sans amis… Vêtu d’une cape de gros drap, seul vestige de son époque glorieuse, il dort sur les bancs des squares.
Paul Poiret décède décèdera le 1er mai 1944, à l’âge de 65 ans, des suites de la maladie de Parkinson. Pour les Américains, il restera le “roi de la mode” ou le “Magnifique”…
Nicole, une des sœurs de Paul Poiret, a épousé André Groult, décorateur et dessinateur de meubles, dont elle aura deux filles : Benoîte et Flora Groult, journalistes et romancières de renom.





Paul Poiret était un dénicheur de jeunes talents qu’il soutenait et de leurs relations naissent parfois des créations uniques. Son influence chez les grands couturiers d’aujourd’hui est indéniable. Le parcours de l’exposition au MAD est ponctué de nombreuses œuvres d’artistes ayant accompagné le couturier tout au long de sa carrière. En 2007, le Met de New York lui a consacré une rétrospective. En 2015, l’enseigne coréenne Shinsegae International rachète les droits de Paul Poiret à la société luxembourgeoise Luvanis. Le 4 mars 2018, un défilé est organisé. La styliste franco chinoise Yiqing Yin propose une collection à contretemps de l’époque “sportwear”.

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Paul Poiret ~ La mode est une fête
Musée des Art décoratifs
107 Rue de Rivoli – 75001 Paris F
Jusqu’au 11 janvier 2026
Ouvert tous les jours sauf le lundi de 11 h à 18 h
Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h
Réservations, infos pratiques sur :

